Eugène-Frédéric BOURSEUL est né à Douai
(Nord) le 24 Novembre 1832.
Il est le fils d'Etienne-Charles-Désiré, capitaine de la Garde
Nationale et rédacteur du "Mémorial de la Scarpe", et de
Virginie-Marie BARBOTIN.
A noter que son frère aîné, Etienne-Charles-Désiré, né à Douai en
1829, fera une brillante carrière dans les télécommunications et sera
considéré comme un des inventeurs de la téléphonie.Eugène-Frédéric
rejoint le 4e Hussards très jeune comme Enfant de troupe
le 12 Novembre 1845.
Il reste au régiment comme Engagé Volontaire le 3 Décembre
1849.
Il est détaché à l'Ecole de Cavalerie
de Saumur comme élève instructeur le 5 Novembre 1850.
Il passe Cavalier de 1ère Classe le 22
Mars 1851, Brigadier le 10 Octobre suivant, et Maréchal des
Logis le 1er Octobre 1852, date de son retour au corps (il sort de
Saumur avec le numéro 20 sur 92).
Le 23 Mai 1854, le 4e Hussards reçoit à Castres
l'ordre de se rendre à l'armée d'Orient. Les quatre premiers escadrons
sont mobilisés et se mettent en route pour Marseille le 31 à
l'effectif de 33 officiers, 667 sous-officiers et cavaliers - ils y
embarqueront les 11 et 12 juin à bord de l'Euphrate et du Caire.
Bourseul regardera partir ses camarades ; lui même n'embarquera pour la
Crimée que le 3 Mai 1855.
"Les
enfants de la vieille Sabretache" Lorsque Bourseul
rejoint le régiment en Crimée, celui-ci campe dans la plaine de
Balaklava.
Pendant le siège de Sébastopol, il effectue quelques reconnaissances
sur les bords de la Tchernaïa et dans la vallée de Baïdar.
Sébastopol prise (9 Septembre), les alliés se portent sur Eupatoria.
Le 4e Hussards est embarqué le 23 Septembre à Kamiesch et débarque le
25 à Eupatoria. Il entre dans la composition de la division d'Allonville,
formée des 6e et 7e Dragons, du 4e Hussards et d'une batterie.
La cavalerie française allait enfin pouvoir donner, comme le relate
l'Historique du 4e Hussards :
"Combat de Kanghil. - Le 29 septembre,
à 3 heures du matin, la division tout entière quittait Eupatoria pour
faire une reconnaissance. Des Bachi-Bouzoucks servent d'éclaireurs et
un corps de 10,000 Turcs l'appuie et sert de soutien. Les flancs de la
division étaient couverts à droite par un peloton du 4e hussards, à
gauche par deux pelotons fournis aussi par le régiment.
Après avoir franchi le défilé de Joseck, la division prit un ordre de
combat, chassant devant elle les postes russes. Le contact est pris par
les Bachi-Bouzoucks avec les fourrageurs cosaques. Ceux-ci se
multipliant, un peloton du régiment, commandé par le lieutenant
Garcin, est envoyé en soutien, puis une division du 4e escadron est
lancée pour nettoyer le terrain des essaims de cosaques. Ceux-ci
disparaissent et démasquent un corps important placé sur la droite de
la division et masqué par le brouillard.
le général met sa batterie en position, place le 6e dragons à gauche,
le 4e hussards à droite et envoie le 7e dragons vers la gauche pour
exécuter un mouvement convergent.
Vers 10 heures, afin de donner à l 'infanterie turque le temps
d'arriver et de faire manger hommes et chevaux, le général ordonne une
halte. Les Russes profitent de cet arrêt pour se dérober et
disparaître, couverts par quelques éclaireurs. La déception était
déjà générale, mais le général d'Allonville, passant devant les
rangs, s'écria : "Rassurez-vous, braves hussards, vous aurez votre
charge aujourd'hui. Qu'on fasse sortir des rangs tout ce qui n'est pas
susceptible d'une marche longue et rapide."
Son plan était de les acculer à un lac en se portant rapidement par un
mouvement de flanc sur leur ligne de retraite et de les forcer à
combattre. Rompant en colonnes de pelotons, le 4e hussards en tête, au
trot, il marcha pendant trente minutes à cette allure. Peu à peu toute
la gauche de la colonne, les dragons, les lanciers turcs, l'artillerie
se trouva distancée. Le régiment arriva donc seul en vue de l'ennemi
à 2 kilomètres environs du village de Kanghil.
Celui-ci était disposé de la manière suivante : six escadrons
formaient la ligne de bataille, le flanc gauche était couvert par deux
escadrons adossés au village. En arrière, huit pièces d'artillerie
étaient établies de manière à pouvoir arrêter toute attaque sur la
gauche et le centre. Trois sotnias de cosaques formaient un épais
rideau de tirailleurs devant les escadrons de droite.
Le général d'Allonville, qui marchait en tête de sa division, donne
aussitôt l'ordre au général Esterhazy de faire former le 4e hussards
en bataille au galop et de charger. Le régiment ayant à sa tête le
général Esterhazy et le colonel, part comme l'éclair, les deux
premiers escadrons sous les ordres du commandant Tilliard, les deux
autres commandés par le capitaine d'Anglars.
L'artillerie ennemie jusque-là cachée par un pli de terrain se trouve
démasquée et fait sur les escadrons de droite une décharge à
mitraille. La ligne russe fait feu en restant de pied ferme, puis croise
la lance confiante dans le fer de ses canons. Mais ni les balles, ni la
mitraille qui, du reste, ne touchèrent presque personne, n'arrêtèrent
les hussards qui traversèrent la ligne ennemie. Une mêlée générale
et corps à corps s'engage. Deux escadrons arrivent jusqu'aux pièces
dont ils s'emparent après avoir sabré les servants.
Toutefois les hulans revenus de leur surprise, se rallient et
parviennent à reprendre trois de leurs pièces. Les deux escadrons du
village qui n'avaient pu encore faire aucun mouvement, se mettent en
marche pour tenter de prendre les hussards par derrière.
Le général Esterhazy, pour parer à ce danger, donne l'ordre au
commandant Tilliard de rallier ce qu'il pourra de monde et de les
charger. Mais à ce moment les 3e et 4e escadrons, après avoir refoulé
la droite de la ligne russe et l'avoir poursuivie en partie, se jettent
dans la mêlée qui avait lieu vers Kanghil. En outre, l'apparition du
6e dragons dont les casques brillent au loin, décide les hulans à se
retirer sans tenter la charge.
Le général d'Allonville lance le 6e dragons pour achever la déroute
et permettre au 4e hussards de se rallier.
A la chute du jour la division de cavalerie rentra à son bivouac
ramenant 170 prisonniers, dont 2 officiers, 250 chevaux, 6 pièces de
canon, 12 caissons et une forge. Ce brillant fait d'armes coûta au
régiment une vingtaine de tués ou blessés, dont deux
officiers."
C'est au ralliement du régiment que le Général d'Allonville eut
ces paroles fameuse (in "Lettres de Crimée du capitaine de
Berthois", Carnet de la Sabretache No.414) :
"Mes braves hussards, vous êtes les premiers de
la cavalerie française qui ayez rencontré l'ennemi en rase campagne et
vous l'avez fait de telle sorte que désormais dès qu'il apercevra nos
pelisses rouges, il f...ra le camp. Vous vous êtes montrés les dignes
enfants de la vieille Sabretache. Je vous remercie, honneur à
vous". Il exultait de joie."
Bourseul fait partie des blessés - et non des moindres ; l'historique
du 4e Hussards précise :
"2e escadron. (...) Le maréchal des logis Bourseul s'est
élancé un des premiers sur les canons et est resté couvert de
blessures sur le champ de bataille"
Le registre des officiers du 3e hussards, dans lequel il sera versé
plus tard, énumère ainsi les blessures :
"Blessé au combat de Kanghil, le 29 Septembre 1855, de cinq
coups de sabre à la tête, cinq coups de lance à la région
postérieure du tronc, deux coups de lance au bras droit, deux coups de
lance à la hanche droite, un coup de lance au genou gauche, un coup de
lance au cou, et enfin un coup de lance à la région
épigastrique."
Bourseul sera décoré de la Légion d'honneur suite à ce fait
d'armes, par arrêté du maréchal commandant en chef, en date du 6
Octobre 1855.
Il rentre d'Orient le 30 Novembre 1855 ; il repartira en
Crimée du 14 Avril au 26 Juillet 1856.
Il reçoit la décoration de S.M. la Reine d'Angleterre.
Ses aventures peu banales lui valent les honneurs du public.
Les "Fastes de la Guerre d'Orient" (E.Pick,1856) reprendront
ainsi :
"UN HEROS DE VINGT-DEUX ANS.
....Aux âmes bien nées,
La valeur n'attend pas le nombre des années.
Le jeune Bourseul, natif de Douai, département du Nord, engagé
au 4e hussards, après avoir chargé, à la tête de son peloton, un
escadron de Cosaques, en donnant l'exemple du courage le plus
héroïque, fut relevé parmi les morts, couvert de dix-sept blessures.
Décoré sur le champ de bataille, à l'âge de vingt-deux ans à peine,
il est aujourd'hui à la veille de recevoir l'épaulette. Nul doute que
le jeune Douaisien ne remplisse de la manière la plus brillante une
carrière commencée sous d'aussi glorieux auspices : c'est ainsi qu'ont
débuté la plupart des plus vaillants capitaines de nos guerres de la
République et de l'Empire.
Le jeune Bourseul est aujourd'hui de retour à Douai, où il a
été accueilli avec l'enthousiasme le plus vif et les honneurs bien
légitimement dus à une intrépidité aussi précoce."
Officier
au 3e Hussards.
Bourseul est nommé Sous-Lieutenant au 3e Hussards en date du 7 Août
1856.
Il est autorisé, par décret du 10 Juillet 1857, à porter la Médaille
Al Valore Militare Sarde, reçue au titre de la Crimée.
Il recevra également du Ministre de l'Intérieur une Médaille
d'honneur de 1re classe, "pour avoir sauvé, au péril de sa
vie, le 10 Août 1858, un enfant qui se noyait dans le Blavet à
Napoléonville (Morbihan)".
La semaine suivante, à l'occasion du 15 Août, l'Empereur Napoléon III
y passait en revue le Dépôt du Régiment lors de son voyage en
Bretagne.
L'Etat-Major et quatre Escadrons de Marche étaient alors au Camp de
Châlons, qu'ils quitteront directement pour leur nouvelle garnison de
Chartres - le dépôt quittant Napoléonville le 29 Octobre.
Le régiment passera à Moulins et Nevers au printemps 1860.
Bourseul sera promu Lieutenant au régiment le 16 Mars 1861.
Cette année là, le régiment est désigné pour partir
en Afrique. Le régiment se réunit à Moulins, dont il partira
démonté le 12 septembre pour prendre le train pour Toulon.
Bourseul ne suit pas le régiment, qui est détaché à l'Ecole Impériale de Cavalerie de Saumur
en compagnie du Sous-Lieutenant
de Pins. Il y sert comme Lieutenant
d'instruction du 9 Septembre 1861 au 31 Octobre 1862 (il obtient le
No.5 sur 26).
Bourseul part peu après pour l'Algérie, le 23 Décembre 1862,
pour rejoindre son régiment installé à Blidah.
Le régiment est maintenant commandé par une vieille connaissance, le
Colonel Tilliard, qui menait la charge des 1er et 2e Escadrons du 4e
Hussards à Kanghil.
Bourseul ne restera pas longtemps en Afrique, puisqu'il permute avec
le Lieutenant Charles de MAUGNY pour rejoindre les Lanciers de la
Garde Impériale (suivant décision impériale du 22 Avril 1863) ;
ce dernier relate (in "Cinquante Ans de souvenirs,
1859-1909") :
"D'Espeuilles était capitaine dans mon régiment
— les lanciers de la garde. Nous avions, à Fontainebleau, loué une
villa en commun et nous vivions, sous le même toit, dans une intimité
complète. Mais, l'année suivante, on le nomma officier d'ordonnance de
l'Empereur, et je restai seul dans notre 'home', ce qui ne fut pas sans
m'attrister. Je commençais à en avoir assez de la vie dissipée et
passablement creuse de Paris. J'avais envie de faire campagne, de
respirer un autre air, et je demandai à être envoyé au Mexique ; mais
je ne pus obtenir que d'aller, en Algérie, occuper un emploi de mon
grade au 3e régiment de hussards."
On relèvera que le Colonel Tilliard était auparavant (jusqu'en
1861) Lieutenant-Colonel des Lanciers de la Garde ; sans doute aura-t-il
joué un rôle dans cette permutation ?
Bourseul quitte l'Algérie le 3 Mai 1863.
Lancier.
Bourseul ne portera pas longtemps la superbe kurtka blanche
des Lanciers de la Garde Impériale, puisqu'il est promu le 12 Août
1864 Capitaine Instructeur au 3e Lanciers.
Le régiment occupe alors la garnison très prisée de Versailles, le
dépôt étant à Beauvais.
Le régiment est passé en revue le 18 avril 1865 par l'Empereur à
Longchamps.
Il quitte ensuite Versailles et Beauvais pour aller tenir garnison à
Colmar.
Il y restera jusqu'en 1867, où, après être passé au Camp de Châlons,
il rejoindra en Septembre la garnison de Saint-Mihiel.
C'est là que se trouve le dépôt du 3 Lanciers à la déclaration
de guerre. Bourseul, en sa qualité de Capitaine Instructeur, ne part
pas avec les Escadrons de guerre et reste attaché à ce dépôt.
Celui-ci quitte Saint-Mihiel pour Verdun (8 Août), puis Givet (18
Août). Son effectif est alors de 13 officiers, 242 sous-officiers et
soldats, et 353 chevaux.
L'Historique du 15e Dragons relate :
"Conformément au décret du 26 août 1870,
portant la reconstitution du 6e escadron, M.Devoluet, colonel commandant
la place de Givet, a procédé à son organisation par procès-verbal en
date du 19 septembre. Le captaine-instructeur Bourseul prend le
commandement de ce nouvel escadron, dont l'effectif est de 130 hommes et
111 chevaux. le lendemain, le 6e escadron est envoyé à Rouen.
(...)
Le 8 octobre, le major Larguillon fait connaître au dépôt que le 6e
escadron a été versé au 6e lanciers à Saumur : "les officiers
seuls sont rentrés au dépôt, privés des braves gens qu'ils devaient
avoir l'honneur de conduire à l'ennemi. La séparation a été cruelle
: sous-officiers, brigadiers, cavaliers du 6e, tous voulaient suivre
leurs officiers qu'ils aimaient et en qui ils avaient confiance. Tous
tenaient au 3e lanciers par des liens les plus profonds. Ils ont dû se
résigner, c'est notre devoir à tous."
Bourseul rejoint donc le dépôt du régiment, maintenant établi à
Bagnères-de-Bigorre. Il n'y restera pas bien longtemps, puisque :
"Par décret du 23, le capitaine Bourseul est
promu major au 4e lanciers. "Capitaine instructeur, capitaine
commandant, M. le commandant Bourseul a toujours déployé dans
l'exercice de ses fonctions le dévouement, l'aptitude et les
connaissances militaires qui font distinguer l'officier, les heureuses
qualités qui font estimer l'ordre."
Bourseul commandera donc le dépôt du 4e Lanciers.
A la fin de la guerre, l'arme des Lanciers est supprimée, et le
régiment devient le 16e Régiment de Dragons (décision du 8
Août 1871)
Officier
supérieur.
On retrouve Bourseul Major du 16e Dragons après-guerre.
Il est fait Officier de la Légion d'honneur le 21 Avril 1874.
Il prend ensuite les fonctions de Chef d'Escadrons au régiment -
fonctions qu'il occupe en 1875. Il sera nommé Lieutenant-Colonel
au 11e Cuirassiers le 11 Mai 1877.
Il sera nommé Colonel du 17e Chasseurs le 1er Mars 1882.
Il sera fait Commandeur de la Légion d'honneur le 28 Décembre
1888.
Il prendra sa retraite courant 1891. Il publiera de nombreux articles
dans la France Militaire ("Notre armée", 26/09/1896, "Décorations
Russes", le 27, "Panique et tactique", le 28, "La
lance", 19/11/1896...).
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