France
Album de la famille d'Yvoley


Carte de Visite atelier Touzery à Orléans
Gabriel de Rancourt, Sous-Lieutenant au 1er Chasseurs à Cheval en 1867.


Magie de l'internet, le mystère de l'identité de ce fier officier à l'impériale barbiche fut éclairci à la réception de ce message, gracieusement envoyé par Mr.Xavier de Saint Rémy :

"Si cela vous intéresse, j'ai identifié l'un des officiers du 1er Chasseurs à cheval qui figure dans l'album D'YVOLEY (le sous-lieutenant à barbe impériale). J'ai en effet un aïeul qui a servi dans ce régiment à la même époque et dont j'ai encore les albums de photos. L'officier en question est Gabriel de RANCOURT de MIMERAND, engagé volontaire au 1er Chasseurs en 1854, la même année que mon aïeul, il y devint sous-officier puis fut promu sous-lieutenant en janvier 1867 et démissionnera dès le moi de mai de la même année pour se marier à Orléans.

Gabriel de RANCOURT reprendra du service plus tard: mobilisé le 1er août 1870 au 73° Régiment de Garde Mobile du LOIRET et ISERE, il est nommé Lieutenant-colonel le 23 octobre et prend le commandement du régiment. Il fait campagne en forêt d’ORLEANS du 1er au 30 septembre, à l’Armée de la LOIRE jusqu’au 11 décembre, puis à l’Armée de l’EST jusqu’au 30 janvier.

Le 15 janvier 1871, devant HERICOURT près de LURE, alors qu’il donne ses ordres, une balle prussienne l’atteint en pleine poitrine et le jette à bas de son cheval. Avec stupeur, les officiers qui l’entourent constatent qu’il est indemne, la balle ayant été miraculeusement déviée par le crucifix qu’il portait toujours sur la poitrine (ce crucifix est toujours conservé par la famille de RANCOURT). Dans la même journée, il sera encore touché au bras et au poignet. Il est fait chevalier de la Légion d’Honneur à l’issue de la campagne."


Gabriel-Marie-Placide de Rancourt de Mimérand est né le 12 Avril 1836 à Gien (Loiret).

Sa participation à la Campagne de la Loire est évoquée dans la "Revue du Nivernais" (1900, p.287-288) au sein d'un article intitulé "le 12e Mobiles aux Armées de la Loire et de l'Est" :
" 26 septembre. — Le 26, à huit heures du matin, le régiment après avoir reçu du pain pour un jour, prit la route de Paris. Au village de Cercottes, on fit halte sur la lisière de la forêt, en attendant le résultat d'une reconnaissance poussée en avant par des dragons et des hussards, soutenus par des mobiles du Loiret (commandant de Rancourt). On se préparait à abattre des vaches dont le colonel avait ordonné l'acquisition, quand l'ordre arriva de reformer les rangs. Trois compagnies du 2e bataillon furent envoyées en avant dans la direction de la Croix-Briquet ; le reste du régiment, appuyé au bois, faisait face au chemin de fer. A trois heures, nous voyons arriver les hussards et les dragons ramenant leurs blessés et deux cuirassiers blancs prisonniers ; chargés par une cavalerie supérieure en nombre, ils avaient dû se replier sur les mobiles du Loiret qui, ouvrant alors un feu bien nourri, avaient forcé les cuirassiers allemands à la retraite. Ces jeunes mobiles nous reviennent bientôt enthousiasmés de leur succès. Malgré cela, le général de Polhès, sur des renseignements exagérés peut-être, ordonna un mouvement en arrière et le régiment, suivant la voie ferrée, vint bivouaquer devant Orléans, au petit village de la Montjoie. Pendant près d'une heure, nos jeunes soldats avaient cru à l'imminence d'un engagement; ils s'étaient montrés calmes, fermes et résolus. Pourquoi fallait-il que dès le premier jour on nous parlât de retraite? Hélas, nous devions entendre bien souvent répéter ce mot."


L'épisode de la Bataille de Lure sera raconté en détail par Grenest (in "L'armée de l'est- relation anecdotique de la campagne de 1870-71", (pp.305-308) : 

"MOBILES DU LOIRET ET DE L'ISÈRE. — Le 73e mobiles, (Loiret, Isère), commandé par le lieutenant-colonel de Rancourt de Mi- mérand, et dont nous avons vu la belle conduite à Juranville (Armée de la Loire), est cantonné le 14 janvier à Fraymont. « Le 15, au matin, dit le colonel de Rancourt, dans son rapport au ministre de la guerre, daté du 18 décembre 1871, l'ordre de départ me fut donné brusquement vers dix heures. M. le colonel Gallot, chef d'état-major du 18» corps, s'était cassé la jambe et je ne reçus, pour tout ordre de marche, que ces deux mots :
« Rendez-vous à Couthenans, en passant par Lormont. »

« Le 44e de marche était déjà en mouvement. Jusqu'à Lormont, la brigade suit un chemin de traverse ; sur quelques points on fut obligé d'établir un pont ou de casser la glace pour livrer passage à l'artillerie. Arrivée à Lormont, la brigade prend la route de Lure à Héricourt, sur laquelle se trouvent déjà engagées notre artillerie de réserve, et la division Crémer se rendant à Chenebier.

« Cependant l'artillerie et la 2e brigade sont appelées en toute hâte par le général Billot. Un se presse le plus possible pour atteindre Béverne, et suivre la route qui, traversant la forêt clé Nanks, va déboucher à Couthenans, dans la vallée de la Lusine et conduit directement à Héricourt. »
Ici, une petite parenthèse pour dire que la Lusine parait être le vrai nom de la Lisaine, car, dans le pays, on ne connaît que la Lusine et nullement la Lisaine. Reprenons le récit du colonel.

« Là, l'encombrement ne fait qu'augmenter. Aux points où la route côtoie un ravin, l'ennemi avait coupé les rampes et n'avait laissé que le passage d'une voiture. Toute la division, son artillerie et l'artillerie de réserve sont engagées dans ce défilé qui devient alors le seul point de départ de tous nos mouvements.

« Séparé du 44° de marche, à 3 kilomètres de la lisière de la forêt, par suite d'arrêts continuels, le 73e mobiles avance péniblement. Enfin, il atteint le faite, descend dans la vallée et parvient ainsi à 800 mètres de Couthenans.

« A ce moment, l'état-major général du 18e corps arrivait à la sortie des bois. A sa vue, l'ennemi ouvre le feu de ses batteries placées de manière à enfiler la route, et le passage devient impossible. Nous recevons l'ordre de nous jeter immédiatement sous bois et de marcher parallèlement à la route.

« L'ennemi, certain de la présence de nombreuses troupes, couvre le bois de projectiles ; on entend le bruit des obus qui frappent les arbres et éclatent, le craquement des branches qu'ils brisent en passant et le sifflement des éclats qui viennent tomber près de nous.

« Bientôt une vive fusillade s'engage vers ma gauche ; je fais alors traverser la route, et je porte mon régiment dans cette direction.

« La marche sous bois, toujours difficile à faire en bon ordre, le devenait plus encore avec cette jeune troupe dont les pas enfonçaient dans la neige. Cependant, en arrivant au bord, j'avais derrière moi plusieurs compagnies formées et, peu à peu, les hommes arrivaient et reprenaient leurs rangs.

« Nous avions alors devant nous la Luzine, à environ 500 mètres ; au delà, les hauteurs du Mont-Vaudois où étaient établies les batteries prussiennes ; à mi-côte, et, un peu sur la droite, le bourg de Luze ; sur la Lusine et un peu sur la gauche, Chagey. Tout à fait à notre droite, Couthenans caché par une pointe de forêt : sur notre gauche, sous les arbres et séparés de nous par un puissant ravin, s'avançaient sur Chagey les tirailleurs du 19e mobiles (Cher). Près du ravin, sur un petit chemin, une pièce d'artillerie en batterie servait de point de mire aux ennemis embusqués dans le moulin de Chagey, qu'elle canonnait. »

Mais les mobiles du 73e ont été vus ; une grêle de balles vient s'abattre sur eux. Il n'y a plus moyen de tenir sous bois, alors le colonel de Rancourt décide qu'il faut attaquer Chagey. Il commande un vigoureux : En avant ! et fait déployer en tirailleurs trois compagnies qui ouvrent le feu. Il s'avance alors à cheval, afin de reconnaître et de préciser le point d'attaque, mais il a fait à peine une soixantaine de pas, que, d'une maison située sur la gauche de Chagey, part un feu de peloton, et le colonel tombe. Il a reçu une balle qui, amortie par des objets métalliques, un crucifix, et des pièces de monnaie, qu'il porte sur lui, ne lui fait qu'une grave contusion.

« Ma chute, dit-il, produisit un certain trouble ; plusieurs officiers, MM. Chevrier, Roz, Hutteau et quelques hommes se précipitent vers moi ; le capitaine Gonat vient me dégager le pied de l'étrier. Le garde Julien Gitton s'élance pour me relever. Dans le même instant, une nouvelle salve fait de nouvelles victimes, et une balle, passant entre les jambes du commandant Chevrier, brise le paturon de mon cheval. Nos mobiles furieux, redoublent leur feu, l'attention du Vaudois est attirée et le feu de ses batteries se concentre sur nous.

« Couché dans la neige, je ne pouvais juger la position, le commandant Chevrier me fait observer qu'elle n'est pas tenable. Je donnai l'ordre de la retraite, et, quelques minutes après, je quittai moi-même le champ de bataille, avec de nouvelles blessures.

« Le lieutenant Fraville et 4 hommes avaient été tués ; MM. Rinjard, Mathée, Dumet et une trentaine d'hommes blessés. Près de moi, le garde Jules Guérin était tombé le pied brisé ; Gitton avait eu la poitrine de son fusil brisée et avait été lui-même légèrement atteint. Mon cheval (Sabinus), qu'il emmenait, avait été tué raide, un éclat d'obus m'avait évité de faire abattre le noble animal mutilé ».
Rentré sous bois, le colonel donne l'ordre de reformer les bataillons et de ramasser morts et blessés puis il remet le commandement au chef de bataillon de Barrin, dont la troupe protège l'artillerie de réserve, non loin de là. Ne quittons pas encore M. de Rancourt, car nous avons de braves gens à citer ! Après avoir reçu, le 15 au soir, un premier pansement à l'ambulance volante établie à un kilomètre en arrière, le colonel gagna à pied l'ambulance du 18e corps, à Béverne.

« Tous les médecins, entre autres MM. Liebermann et Lavoix, y passèrent deux jours et deux nuits, sans repos ni trêve, aux pansements et aux amputations. Les blessés, amenés à la mairie de Béverne, étaient, après un premier pansement, généralement dirigés sur Lure »
Le cantonnier de Couthenans et sa femme furent touchants dans leur dévouement. Pendant trois nuits, ils se passeront de leurs lits pour les offrir à nos soldats malades. Ils leur donnèrent, sans rétribution, des pommes de terre et du lait. Noble exemple qui ne fut pas toujours suivi! »
Nous avons tenu, nos lecteurs le devinent, à leur donner le nom de ce cantonnier et voici la lettre que nous a adressée le maire de Couthenans, en réponse à notre demande.

« Chevret, le 1er juillet 1894.
« Monsieur Grenest,
« Le nom du brave cantonnier de Couthenans dont vous me parlez dans votre lettre du 25 juin est Martin Poinsot. Il est mort au mois de janvier 1894 ; sa veuve et ses enfants habitent encore le village de Couthenans.
« Le fait que vous me signalez a d'autant plus de mérite, qu'après une longue occupation par les troupes allemandes, le pays était épuisé...
« Veuillez, agréer, etc.
« Le maire de Couthenans.
Signé : « EDMOND NOBLOT. »

Saluons la mémoire de Martin Poinsot. Au bataillon de Barrin (1er) de garde à la réserve d'artillerie du 18e corps, la 1re compagnie (capitaine Thibaud) et la 6° compagnie (capitaine Mantelin) ont eu un homme tué, le mobile Magnard (de Vienne), et 9 blessés. Quand, après la triple blessure du colonel, le commandant de Barrin est appelé à prendre le commandement du régiment, il cède celui du bataillon au capitaine Jocteur. Le colonel, pris par une fièvre violente, ne pourra plus exercer le commandement du 73e.

Évacué sur Besançon, il est forcé de traverser les troupes du 15e corps, dont les impedimenta encombrent la route, et parmi eux il voit un véhicule dont la présence en pareil lieu en dit long sur les pérégrinations de nos malheureuses troupes, c'est l'omnibus de Gien à Briare."


L'Annuaire de la Noblesse Française de 1898 annonce que "M.Gabriel-Marie-Placide (de Rancourt de Mimérand), comte Romain, ancien officier de cavalerie et colonel de mobiles, chevalier de la Légion d'Honneur, 61 ans" est décédé le 18 Novembre 1898 au Château de Mimérand (Loir-et-Cher).

Grands mercis à Xavier de Saint-Rémy