Emile-Eloi-Marie Carron est né le
20 Juillet 1832 à Pointe à Pitre (Guadeloupe).
Il est le fils d'Armand-Marie-Etienne Carron de la Carrière (1795-1862), qui fut
Garde du Corps du Roi, et de Françoise-Antoinette-Elmire de Truchis
(1811-1842), elle-même née à la Guadeloupe.
Il est étudiant à Rennes
lorsqu'à ses dix-huit ans, il devient Engagé Volontaire au 8e
régiment d'Infanterie Légère, le 4 Novembre 1850. Il est amusant de
comparer ce portrait à la description de son acte d'engagement :
"Cheveux et sourcils noirs, front haut, yeux bruns, nez bien
fait, bouche petite, menton rond, visage ovale plein, teint ordinaire,
taille d'un mètre 610 millimètres."
Il rejoint l'Ecole Spéciale
Militaire de Saint-Cyr dès le 11 Novembre suivant - il sera nommé Elève
de 1e Classe le 10 Décembre 1851 - une semaine après le coup
d'état.
Il sort de l'Ecole avec le No.80 sur 270, et est nommé Sous-Lieutenant
le 1er Octobre 1852, affecté au 7e Hussards.
Il rejoint en fait l'Ecole de
Cavalerie de Saumur où il suit les cours de Sous-Lieutenant Elève.
Il en sort en avec le No.7 sur 54 et des appréciations flatteuses :
"Excellent officier, cavalier remarquable, aime
beaucoup le cheval. Ne mérite que des éloges pour son travail et sa
conduite."
Il est transféré au 8e Hussards, le 28 Septembre 1854.
Ses notes d'inspection augurent
d'une belle carrière :
1856. "Joli et très bon officier, zélé,
intelligent et capable ; sait et commande bien, officier d'avenir ; doit
réussir à Saumur, très méritant. Dévoué, bien tenu, bonne
conduite" (Gal. de Chalendar)
En effet il est détaché
à l'Ecole impériale de Cavalerie à compter du 1er Janvier 1857 comme
Officier d'Instruction.
1857. "Officier très distingué, sous
tous les rapports ; caractère froid et militaire, très studieux, suit
bien ses cours, très zélé, officier de beaucoup d'avenir". (Gal.
Grand)
Il y est promu Lieutenant,
le 30 Décembre 1857.
1858. "Instruit, très intelligent, fort
bien élevé, il a bien réussi dans ses cours. Excellent caractère,
apte à être un Capitaine instructeur distingué, beaucoup de tenue et
d'aplomb." (Gal. Grand)
Carron sort en effet avec le No.10 sur 70 de son cours de Saumur, qu'il
quitte le 1er Octobre 1858.
Il fait la Campagne d'Italie avec le 8e
Hussards à compter du 9 Mai 1859.
Le régiment rejoint le 3e
Corps à Tortone.
C'est lors de cette campagne
qu'une patrouille du 8e Hussards est prise pour des cavaliers
Autrichiens du fait de sa pelisse blanche. Pour éviter le
renouvellement de semblable méprise, le régiment portera désormais la
pelisse à l'envers, montrant sa doublure bleu ornée de marques
administratives.
On remarquera que les Hussards Autrichiens sont eux-mêmes vêtus de
bleu, mais le blanc reste la couleur emblématique de l'Armée
Autrichienne.
Il restera en Italie jusqu'au 2 Avril 1860, puis à nouveau du 21 Mai au
16 Juin de cette année.
Il sera décoré de la Médaille Commémorative de la Campagne d'Italie.
1859. "Fort joli et bon officier, très
intelligent, bien élevé, jeune homme plein d'avenir." (Gal. de
Lapérouse)
1860. "Officier distingué, a beaucoup d'avenir ; sert avec
zèle et intelligence. Monte très bien à cheval." (Gal. de
Grammont)
Il épouse le 18 Novembre 1861 à
Bordeaux Charlotte-Augustine-Alice Cornette de Saint-Cyr (dont il aura
huit enfants), suite à Autorisation Ministérielle du 4.
1861."Charmant officier, instruit, bien
élevé, montant bien à cheval. Commandant bien sur le terrain. fera un
excellent capitaine instructeur." (Gal. Daumas)
1862. "Officier distingué, sous tous les rapports.
Supérieur dans les cours théoriques ; très bien à cheval et sur le
terrain. On ne peut lui désirer qu'un peu plus d'entrain. Fera un très
bon Capitaine-instructeur." (Gal. Dupuch de Feletz)
Carron passe Capitaine
Instructeur du 8e Hussards, le 17 Janvier 1863.
1864."Jeune, très
zélé, très énergique. Officier d'avenir." (Gal. Cassaignolles)
1865."Officier distinguer sous tous les rapports ; montre
beaucoup de zèle et d'intelligence dans sa fonction de
Capitaine-Instructeur." (Gal. de Forton).
1866."Jeune et élégant officier ; parfaite éducation ;
connaissance complète de sa spécialité. A pousser" (Gal. Durrieu)
Il passera Capitaine Commandant
un Escadron le 16 Février 1867.
Le brillant avenir promis par ses
notes d'inspection tournera cours, puisque sa démission sera acceptée
peu après, par Décret Impérial du 29 Mai 1867.
Le Colonel du 8e Hussards avait exposé que "des devoirs
impérieux réclamaient depuis longtemps Mr le Capitaine Carron dans sa
famille, mais que cet officier avait ajourné sa détermination de
quitter le service jusqu'à l'entier dénouement de graves questions qui
(venaient) d'être résolus".
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Le 8 février 1870, il est élu représentant d'Ille-et-Vilaine à
l'Assemblée Nationale. Il reprendra du service actif lors
de la guerre avec la Prusse, où il sera élu Lieutenant-Colonel des Mobiles de Rennes, qui prend part en 1870 à la défense de Paris.
Il est nommé Chef de Bataillon au
4e Bataillon de la Garde Nationale Mobile d'Ille-et-Vilaine par décret
du 4 Août 1870 (pour entrer en solde le 12).
Le 26e Régiment (Ille-et-Vilaine)
est organisé le 28 Août 1870.
Les mobiles d'Ille-et-Vilaine prendront part au combat de
Châtillon du 20 Septembre 1870 :
"Dans la redoute, le 2e bataillon du 26e de marche (commandant
Méda), une compagnie des mobiles d'Ille- et-Vilaine, et une
cinquantaine d'hommes du 22e de Marche (...) Resté dans la redoute avec le 2e bataillon du 26e de
marche, la 4e compagnie du 4e bataillon des mobiles d'Ille-et-Vilaine et
quelques sapeurs du génie, le général Ducrot fait exécuter, pendant
tout le temps que durent (les) opérations, un feu très-vif de
mousqueterie et d'artillerie.
(...)
Emplacements occupés par le
14e corps le 20 septembre.
A deux heures de l'après-midi, le 14e corps d'armée se met en
mouvement pour venir occuper les positions suivantes : (...)
Le 4e bataillon de la garde nationale d'Ille-et-Vilaine, commandant
Caron (sic), cantonne près la porte Maillot, à gauche de l'avenue de
Neuilly.(...)
Plus tard, le 23 septembre :
"Ce même jour, quatre bataillons de
mobiles, faisant partie du 14e corps, prennent position :
Le 7e bataillon de la Seine, à la droite de l'avenue de Neuilly, se
reliant par sa droite à la division de Caussade ;
Le 4e bataillon d'Ille-et-Vilaine à la gauche de l'avenue ;
Le 6e bataillon de la Seine dans le parc Saint-James et dans le bois de
Boulogne jusqu'à la cascade ; le 1er bataillon d'Ille-et-Vilaine, de la
cascade à Boulogne, se reliant par sa gauche à la division de Maussion.
Ces bataillons commencent immédiatement des travaux de défense qui
sont perfectionnés chaque jour.
(...)
Pour le lendemain 30 septembre (le
général Ducrot) ordonne qu'une colonne forte d'un bataillon environ,
sous les ordres du commandant Cholleton, du 19e de marche, attaquera la
Malmaison ; cette colonne devra être soutenue par un certain nombre de
détachements formant la valeur d'une division.
En vue de cette opération, le 29 septembre, une partie des troupes du
14e corps fait un mouvement en avant et vient à 7 heures du soir
occuper les emplacements suivants : (...)
A partir de la deuxième barricade, (...) 2 compagnies de 60 hommes du
4e bataillon de la garde mobile d'Ille-et-Vilaine ;
Toutes ces troupes sous le commandement du général Martenot;
(...)"
Cette sortie avortera, ce qui
n'empêchera pas une nouvelle reconnaissance vers la Malmaison le 7
octobre :
"Le lendemain, le général Ducrot fait une reconnaissance
offensive vers la Malmaison, afin de savoir si le parc est solidement
occupé.
La colonne, composée d'infanterie, d'artillerie et de cavalerie, se met
en marche à une heure de l'après-midi, dans l'ordre suivant :
(...) 200 hommes du 4e bataillon d'Ille-et-Vilaine (...)
Ces 800 hommes, sous les ordres du général Martenot, prennent la route
du Mont-Valérien et se dirigent vers le Moulin-des-Gibets, qui domine
Rueil et Nanterre. (...) cependant, nos petites colonnes de
francs-tireurs de la ligne, de la mobile, de Paris, abordent à droite
et à gauche les murs du Parc de la Malmaison ; les pétards éventrent
les murailles et les tirailleurs se précipitent... Le poste venait
d'être abandonné (...)
Les Mobiles d'Ille-et-Vilaine
seront également impliqués dans la reconnaissance offensive du 21
octobre :
"Réserve de gauche, général Martenot. 2,600 hommes d'infanterie,
18 bouches à feu ; suivra le chemin de Puteaux et de Suresnes, et
viendra prendre position entre la Briqueterie et le chemin de fer. Elle
poussera des tirailleurs à droite et à gauche du chemin de fer, dans
les vergers des maisons aux environs de Montretout.(...)
A une heure et demie, toutes nos batteries ouvrent leur feu (...)
Pendant ce temps nos diverses colonnes continuèrent à avancer et
prennent leurs positions : (...)
Colonne Martenot.- Les deux bataillons d'Ille-et-Vilaine et le bataillon
de l'Aisne sont établis sur le versant du Mont-Valérien, en arrière
de la Fouilleuse, avec un avant-poste dans cette ferme.
Les deux bataillons de la Seine sont à la même hauteur, sur la gauche
et près de la briqueterie ; l'un d'eux, le 7e, à cheval sur le chemin
de fer de Versailles, garde avec ses tirailleurs tout le versant de
Suresnes jusqu'à la Seine.
(...)
A 2 heures 15 minutes, au signal convenu, l'artillerie cesse son feu et
nos têtes de colonnes s'élancent en avant. (...)"
La reconnaissance sera repoussée
par les troupes allemandes ; de leur côté :
"A l'extrême-gauche de notre ligne de bataille, les troupes du
général Martenot avaient été tenues en réserve pendant toute
l'action sur les pentes du Mont-Valérien ;(...) Mais nulle part, les
Prussiens ne s'étaient montrés de ce côté, et à cinq heures et
demie, toute la colonne du général Martenot reprenait le chemin du
rond-point de Courbevoie."
(in "La défense de Paris 1870-1871, par Auguste-Alexandre Ducrot)
Le lendemain, 22 Octobre, un vote
a lieu au sein du 4e Bataillon de la Garde Nationale Mobile d'Ille-et-Villaine ;
Carron avec l'unanimité des voix (22 sur 22) est élu (confirmé ?) Chef de
Bataillon.
Il deviendra
Lieutenant-Colonel du 26e Régiment de Garde Nationale Mobile le 4 Novembre
1870, suite au vote du "trente Octobre, à deux heures du soir",
à Asnières, où il obtient 17 voix sur les 23 exprimées.
Ce grade sera confirmé malgré l'opposition du Général Martenot qui écrit le
8 au Cabinet du Ministre :
"Pendant que vous vous occupez des
nominations des Colonels et Lieuts. Colonels de la Garde Mobile, il est de mon
devoir de vous parler de celles du régiment d'Ille et Vilaine. Il est sous mes
ordres depuis longtemps, j'en connais l'esprit et la composition. Les officiers
ne se sont pas bien conduits vis à vis de Mr. Duhil, des services duquel j'ai
toujours été satisfait. Il y a eu cabale, coterie et passion, surtout de la
part de Mr. le Comdt. caron du 4e bataillon, dont la conduite et l'attitude
n'ont pas été de bon goût dans ces derniers jours.
Je crois qu'il y aurait grand inconvénient à donner le grade de Lt.Colonel à
un des chefs de bataillon actuels, surtout à Mr. le Comt. Caron.
Mr. le Comt. Du Deserseul est le seul qui conviendrait peut être. Mais, comme
je connais la position respective des quatre, leurs petites jalousies, je pense
qu'il vaudrait mieux choisir en dehors d'eux (...)".
Hé c'est que Duhil n'avait lui obtenu que 5 voix sur les 23 exprimées -
coterie et cabale ont donc bien joué leur rôle !
Les Mobiles d'Ille-et-Vilaine
participent (au sein de la deuxième armée de Ducrot) à la tentative
de percée du 30 Novembre qui entraînera la bataille de Champigny :
"Le péril était en
réalité devant Champigny, où la surprise avait été à peu près
complète. A la tête de Champigny, il y avait la nouvelle et l’ancienne
route de Chennevières, montant par la gauche vers le plateau. A la
bifurcation de ces deux routes se trouve une maison, celle de M. Blanc,
au-delà de laquelle s’étend un parc faisant face à un autre parc,
celui de M. Martelet. Dans l’après-midi du premier décembre, ces
deux parcs étaient occupés par des compagnies du quarante-deuxième ;
mais dépourvues d’outils, elles n’avaient pu en créneler les murs.
Dans les positions avoisinant les fours à chaux, les mobiles de la
brigade Martenot et les mobiles de la Côte-d’Or se laissèrent
entièrement surprendre. On était absolument à découvert de ce
côté, lorsque le matin du 2 décembre, avant le jour, les Prussiens
arrivaient sur nous en trois colonnes d’attaque : l’une essayant de
percer entre Champigny et la Marne, l’autre abordant la tête du
village par l’ancienne route de Chennevières, la troisième se
portant dans la direction des fours à chaux. En un instant, la
confusion fut extrême du côté des fours à chaux. (...) Bientôt
les mobiles d’Ille-et-Vilaine se replient en désordre au-delà de
Champigny. Cette retraite de la brigade Martenot laissait un passage
ouvert à l’ennemi et rendait la situation très dangereuse. Dès
lors, la brigade Paturel se trouvait obligée de défendre à la fois
ses positions menacées et celles qui venaient d’être abandonnées.
En peu de temps, nos pertes furent énormes en cet endroit. Dans cette
terrible matinée, le général Paturel fut blessé ; les chefs de ses
deux régiments, le premier et le deuxième, les colonels Maupoint de
Vandeuil et de la Monneraye furent tués ; la plupart des chefs de
bataillon mis hors de combat, et le commandant de la brigade demeura au
dernier chef de bataillon resté debout. Toutefois, à force d’énergie
et de courage, on parvenait à défendre le terrain."
(in "La Bataille de Champigny")
Le 3
décembre au soir, Léveillé, "chef du cabinet à la direction des
télégraphes", demandait au Lieutenant Hetal, de l'état-major de
Ducrot à Vincennes, de lui transmettre la liste des officiers des
Mobiles de l'Ille-et-Vilaine tués :
"Le lieutenant-colonel CARON vous les dirait. Il
est de la brigade MARTENOT. Je rassurerai demain matin familles d’Ille-et-Vilaine
par ballon." Le
lendemain, à 10 heures 50 du matin, ce même Léveillé télégraphiait
à Chauvassaigne, à La Faisanderie :
"Je vous prie de prévenir le colonel
CARRON des Mobile d'Ille-et-Vilaine de faire écrire ses hommes pour
ballon demain matin ; vous ou Monsieur RAYMOND que je préviens,
pourriez me rapporter les lettres. Prière à CARRON de me donner
liste des tués et blessés du régiment.
Même avis est demandé au 5e bataillon de Mobile. Il est de l’Ille-et-Vilaine
et de Saint-Malo, commandant LESSART."
(in "La Banlieue Est pendant le siège de Paris" Par Claude Troquet)Ce
sont probablement de bien mauvaises nouvelles qu'il enverra par ballon :
"Le 2, à quatre heures du soir, nous étions
maîtres du champ de bataille, et l'on entendait plus ni un coup de
fusil ni un coup de canon. Nous avions combattu pendant trois jours, le
30, le 1er et le 2. Mais nous ne pouvions pas aller plus loin (...).
Nous avions, il faut le dire, perdu 8,000 hommes. Des corps se
trouvaient presque complètement privés d'officiers. Ainsi par exemple
dans le régiment des mobiles d'Ille-et-Vilaine, il ne restait en
officiers supérieurs que notre honorable collègue le colonel
Carron,
tous les autres étaient tués ou blessés. (...) C'était, si non une
victoire, du moins un combat glorieux dont l'armée et la population
parisienne avaient bien le droit d'être fiers."
(in "Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars",
"Déposition du général Ducrot") Cette
sortie de Champigny sera la dernière tentative de briser l'encerclement de
Paris, dont la capitulation semble désormais inévitable.
Le régiment sera licencié le 20 Mars 1871. Carron sera
décoré de la Légion d'Honneur (in "Revue de Bretagne et de Vendée")
:
"Dans les gardes mobiles d'Ille-et-Vilaine, il faut citer
le colonel Carron, qui, après le combat du 2 décembre, avait fait valoir, dans
son rapport, les mérites de ses soldats en oubliant les siens ; mais le
ministre de la guerre s'en est souvenu, il a voulu récompenser lui-même le
colonel Carron, et c'est en l'embrassant qu'il lui a remis la croix."
Il est décoré le 7 Janvier 1871. Carron sera
licencié le 7 Mars suivant (le régiment l'étant le 20).
Il sera nommé Capitaine de Réserve au 12e Régiment de Hussards |
Après la guerre, on le retrouve
impliqué dans la vie politique de l'Assemblée. Il siégea à droite, et s'associa à toutes les motions des
conservateurs catholiques, notamment à une proposition de M.Fresneau
sur l'organisation du service religieux dans l'armée.
Le Général du Barrail relate cet
épisode dans ses "Souvenirs" :
"Parmi les réformes que j'énumère et que je
résume, je noterai, sans y insister, une loi sur l'aumônerie
militaire, imaginée par un ancien capitaine de hussards à qui l'on
donnait le titre de colonel, parce qu'il avait commandé un régiment de
mobiles pendant la guerre, et qui appartenait au groupe de l'extrême
droite : le colonel Carron. D'après cette loi, il devait être
institué dans toutes les villes de garnison un aumônier militaire,
chargé de tout ce qui avait trait au service religieux des troupes. Je
trouvais cette institution inutile, dangereuse et impolitique. Je la
trouvais inutile, parce que, dans toutes les villes de garnison, il y a
un clergé suffisant pour donner au militaires les secours spirituels,
quand ils les demandent, et pour leur permettre l'accomplissement facile
de leurs devoirs religieux. Je la trouvais dangereuse, parce qu'elle
pouvait faire naître des conflits entre les officiers et l'aumônier,
porté naturellement à protéger ses ouailles et à faire valoir leurs
mérites, au détriment de la discipline. Je la trouvais impolitique,
parce que les républicains nous appelant déjà le gouvernement des
curés, et insistant, pour nous nuire, sur les tendances cléricales de
ceux qui nous soutenaient, la plus simple prudence commandait de ne
fournir ni prétexte, ni aliment à leurs reproches et à leurs
polémiques perfides. Et moi, qui n'aurais pas voulu partir en guerre,
sans un cadre d'aumôniers aussi complet que possible, moi que l'on
traitait de clérical, parce que je n'avais pas voulu associer l'armée
au scandale d'un enterrement civil, moi qui avais débuté, à le
tribune, en soutenant qu'il fallait cultiver chez les hommes les
croyances religieuses, pour avoir le droit de leur demander des
sacrifices, jene voulais pas défendre la loi sur l'aumônerie, en temps
de paix. Le jour où elle fut discutée, je m'absentai et me fis
remplacer par mon collègue de la marine, qui n'eut, d'ailleurs, pas
beaucoup de mal à se donner, car l'éloquent évêque d'Orléans
persuada aisément une Chambre dont le siège était fait
d'avance."
Emile Carron siégera à
l'Assemblée jusqu'au 7 Mars 1876.
Il sera également préfet de Haute Marne.
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