France
Spahis


Carte de Visite atelier Margain & Jager à Grenoble
Henri de Reynaud de Villeverd, Capitaine au 2e Spahis, vers 1875


La légende de cette photographie est postérieure à la séance de pose.
Henri de Reynaud de Villeverd porte en effet l'uniforme des Officiers Français des Spahis du début de la IIIe République, à partir de 1873 : Collet (et parements) garance, cette tenue particulière se distingue par les trois rangées d'olives qui ornent le dolman.

Le Comte Henri de Reynaud de Villeverd est né le 21 Octobre 1830 à St.-Egrève, en Isère.
Il est le quatrièm
e enfant d'Armand Charles François de Reynaud de Villeverd, ancien Capitaine aux Grenadiers de la Garde Royale.

Il est engagé volontaire au 7e Cuirassiers le 8 Février 1851, arrivé au corps et incorporé conne Cuirassier ce jour.
Il y obtient assez vite les galons de Brigadier (12 Août suivant).
A la fin de l'année il est employé à l'armée de Paris pour contenir les troubles liés au coup d'Etat du Prince-Président.
Il est promu Maréchal des Logis le 26 Juillet 1852.
Il est transféré dans ce grade au 1er Carabiniers le 16 Septembre 1854.

C'est là qu'il accèdera à l'épaulette, promu Sous-Lieutenant le 30 Mai 1855, et transféré ce même jour au 5e Dragons par suite de permutation.
Il intègre le 2e Cuirassiers de la Garde Impériale le 20 Juin 1856.
C'est avec ce régiment qu'il fait la Campagne d'Italie, du 23 Mai au 9 Août 1859. Il en arbore ici la médaille commémorative.
Il y est promu Lieutenant le 12 Août 1864 ; ses notes d'inspection y sont élogieuses :
1864 : "Très bon officier qui continue à mériter les éloges que je lui adressais l'année dernière et qui vient de passer lieutenant au choix. Monte bien à cheval. Sait bien son métier." (Gal Féray).
1865 : "Bon officier, instruit et distingué. Sert très bien et mérite toujours les notes très bonnes que je lui donnais les années précédentes. Doit avancer." (Gal Féray).


Aux Spahis.

Reynaud quitte la grosse cavalerie et la Garde pour passer (dans ce grade) au 2e Spahis le 19 Décembre 1865 - il part pour l'Algérie le 17 Janvier suivant.
Changement de climat et d'ambiance, qui lui demandera un temps d'adaptation :
1866 : "Assez bon officier. Se trouve à peu près à hauteur de ses obligations. Ne manque ni de zèle ni de bonne volonté." (Gal Deligny).
1867 :
"Bon officier. S'est mis à la hauteur de ses obligations. Sert bien. montre du zèle. Très convenable sous tous les rapports." (Gal Deligny).

Il y passera Capitaine le 30 Octobre 1867.
1868 : "Officier bien élevé. Sert bien, connaît les détails du métier. A de la tenue, une bonne conduite. Très bien à sa place." (Gal Deligny).

Reynaud prendra la fonction d'Adjudant-Major le 11 Février 1869, pour devenir Capitaine Commandant le 24 Décembre suivant.
1869 : "Bon officier exact dans son service, bien élevé. Instruit et intelligent. Homme sûr, de relations faciles." (Gal Lichtlin).

Il est fait Chevalier de la Légion d'honneur le 12 Mars 1870.


1870 : les Eclaireurs Algériens à l'Armée de la Loire.

En octobre 1870, les Spahis forment les corps d'Éclaireurs Algériens qui viendront en France sur les champs de bataille de la Loire.
L'Historique du 3e Spahis relate :
"Chaque province devait organiser un escadron de 300 cavaliers volontaires ; les spahis réguliers devaient fournir une partie des cadres et un détachement destiné à servir de noyau d'organisation ; le reste était recruté parmi les cavaliers des goums, sous les ordres d'officiers des affaires indigènes et de quelques caïds ou cheicks, nommés officiers ou sous-officiers auxiliaires."

Reynaud, alors Capitaine Commandant l'escadron de marche du 2e Spahis, quitte l'Algérie le 19 Novembre pour faire campagne contre l'Allemagne, à la 2e Armée de la Loire.

Il y sert comme Capitaine en Second à l'escadron des Eclaireurs Algériens de la Province d'Oran.
Il participera dès lors à de nombreuses actions :

"A rejoint l'armée (corps du Général de Sonis) à Coulmiers, le 1er Décembre et pris part aux combats ci-après : Patay-St.Péravy, 3 et 4 Décembre. Retraite de Beauce. Combats de Cravant-Cernay-Ourcelles-Josnes-Serqueu, du 7 au 11 Décembre - Oucques, engagement d'arrière-garde le 13 Décembre. Vendôme 14 et 15 Décembre. Opérations en avant de Montoire avec la Division du Général Jouffray. Combats de Varennes le 31 Décembre. Montoire le 5 Janvier 1871. Savigny, 7 Janvier. Conlie, Sillé-le-Guillaume 13 et 14 Janvier. Service d'Éclaireurs en avant des lignes de la Mayenne, à Montoire et Evreux, jusqu'à l'armistice."

Illustrons ces différents épisodes de la Campagne de la Loire...
(les textes qui suivent sont, sauf mention contraire, extraits de "Campagne de 1870-1871, la deuxième Armée de la Loire" du Général Chanzy).


"Patay-St.Péravy, 3 et 4 Décembre."

Extraits de "Campagne de la Loire en 1870-1871" de Barthélemy Edmond Palat :
"Un corps d'éclaireurs algériens, arrivé à Saint-Péravy le 2 décembre, envoie cent chevaux au général de Tucé à Patay ; les trois cents autres restent avec le général Michel près de Tournoisis.(...)

Cependant les batteries à cheval de la 2e division de cavalerie se sont avancées jusqu'à Bois-Girard ; elles obligent à la retraite celles de Morandy. Les escadrons prussiens atteignent également ce dernier point ; vers 1 heure, en traversant la route de Châteaudun, la 4e brigade est brusquement attaquée sur son flanc gauche par de la cavalerie sortie d'Ormes. En même temps un escadron d'éclaireurs algériens charge sur elle du nord de ce village. Mais trois escadrons du 5e hussards prussien font face à nos spahis et les rejettent après une courte et sanglante mêlée. Le reste de nos cavaliers reflue vers Ingré, où ils sont heureusement recueillis par une partie de la division Peytavin.(...)

En apprenant l'arrivée de Jauréguiberry vers Coinces, von der Tann se borne à disposer au nord de Bricy, face à l'ouest, la 3° brigade d'infanterie bavaroise, ses deux régiments de cuirassiers et sa réserve d'artillerie ; au même moment la brigade de cavalerie von Bernhardi (9e) et les batteries de la 4e division s'avancent du sud-est sur Coinces.
Cependant Jauréguiberry marche sur Bricy : le 75e mobiles, les éclaireurs algériens du général de Tucé et les deux batteries venues de Patay forment son arrière-garde. En outre d'une chaîne de tirailleurs, la brigade de Tucé couvre leur flanc gauche. A ce moment (1 heure environ), en marchant de Huêtre sur Coinces avec quatre escadrons de la 9e brigade, von Bernhardi se heurte à une partie de nos cavaliers. Ceux-ci dirigent sur l'ennemi un feu dé salve de pied ferme, puis se retirent sur Saint-Péravy. Un escadron de uhlans traverse alors nos tirailleurs et se jette sur le flanc gauche de la brigade de Tucé ; un autre charge son flanc droit. Notre cavalerie cède devant cette double attaque. Heureusement le feu du 75e mobiles ne tarde pas à arrêter l'ennemi, que nos cent éclaireurs algériens ont attaqué de flanc, à deux reprises. L'un des régiments du général von Bernhardi et la 8e brigade se dirigent alors sur Patay, qu'ils occupent presque sans résistance."


"Combats de Cravant-Cernay-Ourcelles-Josnes-Serqueu, du 7 au 11 Décembre"

"INSTRUCTIONS DU 5 DECEMBRE.
Au grand quartier général de Josnes, le 5 décembre 1870.
"Une décision du ministre de la guerre en date du 5 décembre investit le général Chanzy du commandement en chef des 16e, 17e et 21e corps, et de la défense de Vendôme à Beaugency, par la forêt de Marchenoir. (...)
Les éclaireurs algériens du capitaine Laroque se porteront à Gravant et éclaireront tout le pays en avant des positions du 16e et du 17e corps.
Le capitaine Bernard, avec son escadron, se portera en soutien à Cernay, se reliant avec Gravant et Ourcelles.
Dix spahis, commandés par un maréchal des logis, seront envoyés au grand quartier général.(...)"

"INSTRUCTIONS DU 6 DECEMBRE.
Au grand quartier général de Josnes, le 6 décembre 1870.
" (...) Les éclaireurs algériens, en position à Cravant, n'ont rien signalé sur le front de l'armée. (...)" 

"INSTRUCTIONS DU 7 DÉCEMBRE.
Josnes, le 7 décembre 1870.
L'ennemi, parti ce matin des positions qu'il occupe
depuis la Chapelle, par Baccon, jusqu'aux environs d'Ouzouer-le-Marché, a essayé une attaque générale de nos lignes. (...)
II est probable que l'ennemi tentera demain un nouvel effort sur nos lignes. Au jour, la cavalerie des 16e et 17e corps et les éclaireurs algériens pousseront des reconnaissances dans les conditions indiquées aux instructions d'hier, pour reconnaître la force et les emplacements de l'ennemi, et pour signaler tous les mouvements qu'il pourrait exécuter. (...)
Demain au jour, la division Camô fera réoccuper les
positions, de Messas à la Loire ; les éclaireurs algériens se porteront à Cravant, si ce village n'est pas gardé par l'ennemi; la division de cavalerie du 17e corps les fera appuyer par deux escadrons qu'elle placera à Cernay, où doit se trouver déjà un avant-poste de la 2e division du 11e corps

8 DECEMBRE 1870 :
"Le 8 avant le jour, toutes les positions indiquées précédemment avaient été prises, les convois engagés sur les directions qu'ils devaient suivre en cas de retraite, et les troupes étaient partout sous les armes, lorsque l'ennemi fut signalé en forces sur tout notre front. Les avant-postes de cavalerie de Villermain l'indiquaient marchant sur Poisly, tandis que les éclaireurs algériens, qui avaient couché au Grand-Châtre, annonçaient des colonnes nombreuses marchant sur Cravant. C'était une attaque générale qui se préparait.
Elle commença à huit heures sur la division Collin (...)
Dès le matin également, la 1ere division du 17e corps (général Roquebrune) s'était avancée au delà de Villemarceau sur Villevert et Villechaumont avec tant de promptitude et d'ensemble, que l'amiral n'hésita pas à lui faire commencer l'attaque dès qu'il entendit le canon de la 3e division du 17" corps sur Gravant, et qu'il s'aperçut qu'un bataillon du 51e de marche de la 2e division venait d'enlever Cernay. Ce mouvement offensif, bien conduit par le général de Roquebrune, quelque retardé qu'il fût par une résistance opiniâtre, nous porta jusqu'à Beaumont. Là l'ennemi, renforcé vers midi, disputa vivement le terrain et refoula même un moment nos colonnes. L'amiral donna alors au général Deplanque l'ordre d'appuyer cette colonne avec toute sa division, qui repoussa promptement les Allemands jusqu'au Mée. Ce secours permit au général de Roquebrune de rallier ses troupes qui avaient le plus souffert, et de porter en avant celles qu'il avait tenues jusque-là en réserve. Pendant ce temps, la 2° division du 17e corps, déployée en arrière de Cernay qu'occupait un de ses bataillons, se maintenait en position, et le tir bien réglé de ses pièces faisait taire les batteries de Cravant, dont le matériel eut beaucoup à souffrir. Toute fois, rien ne se dessinait; le général en chef songea alors à tenter un coup décisif avec la cavalerie du 17 corps qu'il avait sous la main, en essayant de percer le centre de l'ennemi sur ce point qui paraissait le plus faible, et où son feu s'était considérablement ralenti. Cette cavalerie pouvait en effet s'avancer facilement en se dissimulant dans une série de larges dépressions qui, partant du château de Serqueu, arrivent presque sans interruption au moulin de Cernay. Néanmoins, avant de tenter ce mouvement qui devait être appuyé par des masses d'infanterie et d'artillerie, les éclaireurs algériens furent lancés en avant pour reconnaître la position et la force réelle de l'ennemi. Les premiers arrivés sur la crête aperçurent des colonnes profondes et de nombreuses batteries qui accueillirent par une grêle d'obus et de mitraille l'escadron dès qu'il apparut. L'ennemi était donc trop fort et trop peu entamé pour lancer sur lui la cavalerie.

Amédée Delorme témoigne de ce combat du 8 décembre (in "Journal d'un Sous-officier") :
"Nous étions cependant maintenus en première réserve, pour coopérer d'un moment à l'autre à l'attaque du centre ennemi. Sur l'ordre du général en chef, deux escadrons de grosse cavalerie de notre corps devaient se masser à l'abri des maisons de Cernay, et, avec un peloton d'éclaireurs algériens commandés par le capitaine Laroque, s'élancer de là sur les positions de Beaumont. Mais il fallait que la préparation de ce mouvement se fît avec prudence, sans attirer l'attention. Les cuirassiers, lourds, imposants, comme des statues de pierre, dans leurs blancs manteaux aux plis rares, défilèrent deux par deux, à la suite du goum tout fringant dans ses flottants burnous rouges, le long d'un sentier couvert par un repli de terrain. Les suivant curieusement des yeux pendant qu'ils s'engageaient dans le village, nous attendions qu'ils eussent fait leur oeuvre pour accomplir la nôtre.
(...)
Il me serait impossible de dire combien de temps dura notre attente. Mais voici les éclaireurs algériens, qu'une bordée de mitraille a ramenés. Trop longue est la distance à franchir dans la zone dangereuse du tir. Tous les chevaux auraient été fauchés en chemin, pas un homme ne serait arrivé sur les batteries de Beaumont. Les Africains s'éloignent d'ailleurs en caracolant, comme à la fantasia. Plus gravement s'écoule, au petit trot, la double file des Gros Frères, qui vont attendre une occasion meilleure dans la direction d'Ourcelles. Tous semblent un instant grandir en franchissant la crête d'un coteau au delà duquel ils disparaissent brusquement, comme s'ils s'étaient abîmés dans un ravin ou évanouis dans la brume."

"INSTRUCTIONS POUR LA JOURNÉE DU 10 DÉCEMBRE.
Au grand quartier général de Josnes, le 9 décembre 1870.
 Aujourd'hui l'ennemi, qui après la journée d'hier avait couché à proximité de nos avant-postes, a de nouveau essayé une attaque de nos lignes.(...)
Partout les troupes ont fait bonne contenance ; on n'a pas perdu un pouce de terrain, et l'armée couche sur ses positions de ce matin. C'est là un résultat des plus importants. L'ennemi rassemblant toutes les forces dont il dispose, a tenté vainement, pendant trois jours de suite, de nous culbuter; ses efforts ont été vains. Ce succès prouve que nous pouvons lui résister et doit nous rendre la confiance. Il fout donc se préparer à un nouvel effort, s'il est nécessaire. A cet effet, les éclaireurs
algériens reconnaîtront, demain au jour, Cernay et Cravant, tandis que le général Michel poussera des reconnaissances dans la direction de Villermain et de Binas, et que la cavalerie du 17e corps s'assurera des positions de l'ennemi de Villorceau à Beaugency."

"Afin d'éviter l'encombrement dans Vendôme, l'intendant de l'armée reçut l'ordre de ne conserver sur ce point que les vivres nécessaires pour assurer pendant quelques jours les approvisionnements, les grands magasins devant être reportés au Mans, où il y avait lieu de réunir les transports suffisants pour diriger successivement sur les divers corps de l'armée ce dont ils auraient besoin.
Le mouvement devant continuer le 11 dès le matin, le général en chef donna de son quartier général de Talcy 'es instructions ci-après :
INSTRUCTIONS DU 11 DÉCEMBRE.
Au grand quartier général de Talcy, le 11 décembre 1870.
 Demain, l'armée continuera son mouvement de retraite sur Vendôme, de manière à venir occuper après-demain la route de Vendôme à Blois, de Sainte-Anne à Malignas, et à prendre position le long de la Houzée et sur la rive droite du Loir jusqu'à Prélevai. (...)
Le général Jaurès fera faire par sa cavalerie et la brigade de cavalerie légère du 16e corps, mise à sa disposition, des reconnaissances poussées le plus loin possible dans la direction de Binas, Verdes, la Perte-Vineuil, our savoir si l'ennemi ne marche pas d'Ouzouer-le-Marché sur la ligne de Morée à Gloyes, dans le but de tourner l'armée par la forêt de Prélevai et le Perche.
Les éclaireurs algériens reconnaîtront également, au  jour, les positions de l'ennemi, dans les directions de Josnes et du château de Serqueu. Pendant le mouvement de retraite, ils éclaireront le 17e corps en arrière, et s'établiront le soir à Sermaise."


"Oucques, engagement d'arrière-garde le 13 Décembre"

"MOUVEMENT DE RETRAITE DU 13 DÉCEMBRE.
Le mouvement de retraite sur Vendôme s'acheva le 13, malgré le temps, qui devenait de plus en plus mauvais. Le 17e corps seul fut un instant inquiété à hauteur d'Oucques, par une colonne qui suivait ses traces. Il y eut là un engagement d'arrière-garde, mais nos troupes firent bonne contenance ; une section d'artillerie s'avança hardiment, préparant, par son feu, la charge d'un escadron du 4e de cavalerie légère mixte, qui parvint à repousser l'ennemi.
Du côté de Villetrun, les éclaireurs arabes du colonel Goursaud maintinrent jusqu'au soir les uhlans qui battaient le pays. Ces derniers, s'avançant à la faveur des bois, fouillaient les fermes et faisaient prisonniers les hommes que la fatigue forçait à s'arrêter, et qui, à bout de forces, ne cherchaient même plus à résister. C'est là évidemment un fait fâcheux que nous ne pouvons taire, mais dont l'ennemi a fort exagéré la valeur en annonçant dans ses bulletins qu'il avait fait de nombreux prisonniers, alors qu'il n'y avait pas eu de combat, et qu'il n'avait ramassé sur les routes que quelques centaines de traînards dont la plupart, il faut bien le dire, avaient cherché eux-mêmes cette occasion de ne pas continuer la campagne.
En résumé, cette retraite de la deuxième armée des lignes de Josnes sur Vendôme, dans les conditions de mauvais temps, de fatigue et de dangers dans lesquels elle s'était effectuée, faisait le plus grand honneur aux troupes. Elle avait assez imposé à l'ennemi pour qu'il n'eût pas osé l'inquiéter et profiter des chances qu'il avait de détruire cette armée, s'il avait su les mettre à profit. (...)"

Pierre Lehautcourt, dans sa "Campagne de la Loire 1870-71", précise :
"Seule, une fraction du 17e corps, qui partait d'Oucques, fut inquiétée par la 17e brigade de cavalerie prussienne. Pour couvrir sa retraite, le général de Jouffroy avait laissé dans ce village le 1er chasseurs de marche, une batterie et deux escadrons d'éclaireurs algériens. Ceux-ci, placés dans un pli de terrain en arrière, chargèrent la cavalerie allemande et la repoussèrent jusqu'à ce qu'une batterie, démasquée tout à coup, les eût obligés à la retraite. D'ailleurs l'apparition d'une colonne du 21ecorps, qui débouchait de la forêt sur le flanc de l'ennemi, força bientôt celui-ci à se retirer."


"Vendôme 14 et 15 Décembre"

"INSTRUCTIONS DU 13 DÉCEMBRE.
Vendôme, 13 décembre 1870.
Les corps d'armée s'établiront demain d'une façon régulière sur les positions qui leur ont été assignées dans les instructions d'hier , et pousseront avec la plus grande activité l'exécution des travaux de défense prescrits.
Les commandants des corps d'armée donneront toutes les instructions de détail et s'assureront par eux-mêmes des positions et des travaux. Il faut être à même de résister à l'ennemi s'il marche sur Vendôme. Si on sait en profiter, ce pays se prête admirablement à la défense. (...)
Chaque commandant de corps d'armée fera faire par » sa cavalerie des reconnaissances journalières, et placera « des petits postes aussi loin que possible pour surveiller tout le pays.
Les éclaireurs du capitaine Bernard resteront à la » disposition de l'amiral pour battre le pays dans la direction de Blois.
Les éclaireurs algériens du commandant Laroque seront établis dans les villages de Rocé et de Coulommiers, pour observer dans la direction d'Oucques et de Pontijoux.(...)"

"D'après les renseignements parvenus au grand quartier général pendant la journée, l'aile droite de l'ennemi, sous les ordres du grand-duc de Mecklembourg, marchait sur le Loir au-dessus de Vendôme, avec l'intention évidente de franchir cette rivière, de pénétrer dans la forêt de Fré- teval et de tourner notre gauche, tandis que le prince Frédéric-Charles, qui était retourné à Blois, se préparait à une attaque directe sur Vendôme. Le général en chef donna en conséquence les instructions ci-après :
INSTRUCTIONS POUR LA JOURNÉE DU 15 DÉCEMBRE.
Vendôme, le 14 décembre 1870.
Le vice-amiral Jauréguiberry, commandant l'aile droite, fera établir, dès demain matin, une brigade qu'il renforcera des troupes jugées nécessaires, sur les positions indiquées cette après-midi par le général en chef, et activera la construction des épaulements et des » batteries à établir, sur la crête au sud de Vendôme, pour la défense dans la direction de Blois.
Les francs-tireurs placés dans les bois devront surveiller le ravin de la Houzée et celui de Chanteloup. Des régiments de cavalerie légère et l'escadron d'éclaireurs du capitaine Bernard, soutenus par des détachements d'infanterie chargés plus spécialement du service de nuit, formeront des avant-postes, et pousseront des reconnaissances jusqu'à quinze kilomètres au moins en avant des lignes. Le général en chef rappelle au commandant du 17e corps, que c'est à lui de prendre toutes les dispositions pour surveiller le pays dans les directions de Ponlijoux, d'Oucques, et jusqu'à la forêt de Marchenoir. En outre de sa cavalerie, il a sous ses ordres les éclaireurs algériens cantonnés à Rocé et à Coulommiers.
L'ennemi a attaqué aujourd'hui Morée et Fréteval : nous sommes restés maîtres des positions, mais un effort plus sérieux peut être tenté demain. Les troupes du 17e corps seront donc prêtes, dès le matin, à appuyer le 21e corps, avec lequel elles se relieront, et elles ne reprendront leurs cantonnements que lorsque le général Guépratte se sera assuré, par ses reconnaissances et les renseignements qu'il fera prendre à Fréteval, qu'une agression de l'ennemi n'est plus à craindre."

"BATAILLE DE VENDÔME.
(...)
Le commandant en chef, qui revenait de visiter les positions sur la rive droite du Loir, arrivait à deux heures sur le plateau du Temple, au moment où l'action commençait à devenir sérieuse. L'ennemi avait été assez long à mettre ses pièces en batterie, par suite des difficultés qu'il avait à les dégager de la grande route, et à les mouvoir dans un terrain détrempé par les pluies incessantes et la neige. Il avait commencé par déployer ses colonnes du côté de Sainte-Anne, et cherchait à s'avancer à la faveur des bouquets de bois qui couvrent cette partie de la plaine, tandis que d'autres bataillons se glissaient dans le bois de la Barbe.
D'autres colonnes apparaissaient en même temps en avant de Rocé et de Villetrun : c'étaient évidemment celles qui arrivaient de Fréteval. Des ordres furent donnés au 17e corps pour appuyer de suite les deux bataillons et la batterie établie à Bel-Essort.
Devant les troupes de l'amiral, l'ennemi, reçu par le feu bien nourri de nos tirailleurs et criblé par nos mitrailleuses, ne put continuer sa marche en avant. Il essaya alors, en s'étendant sur sa gauche, d'occuper la route de Tours et de déborder notre droite; cet effort avait été prévu; le 37e de marche avec le 7e bataillon de chasseurs, se portant sur le bois de la Guignetière, le contraignirent à reculer, malgré le feu de six batteries qu'il était parvenu à mettre en ligne. Ces pièces, placées au sommet du plateau de Sainte-Anne, lancèrent avec beaucoup de précision quelques obus sur le Temple, et firent éprouver des pertes sérieuses à nos batteries, qui n'en continuèrent pas moins à riposter avec la plus grande énergie.
A la nuit, les Allemands voyant que leurs efforts pour nous refouler sur Vendôme restaient sans résultat, et qu'ils ne pouvaient enlever aucune de nos positions, se mirent en retraite, laissant une grande partie de leurs morts sur le terrain du combat. Nos pertes avaient été peu sensibles, excepté pour l'artillerie, qui avait souffert beaucoup plus que les autres corps. Notre aile droite coucha donc sur ses positions ; la brigade Deplanque, qui vers le soir avait franchi le Loir sur le pont de Naveil pour venir soutenir le général Bourdillon et s'opposer au mouvement tournant que l'ennemi dessinait alors, s'établit également sur la rive gauche."

L'"Historique du 3e Spahis" précise :
"Le 15, les éclaireurs, cantonnés dans les villages de Rocé et de Coulommiers, pour observer les débouchés de la forêt de Marchenoir, signalent l'approche de l'ennemi et se replient derrière la petite vallée de la Houzée. De lu, ils assistent à la bataille de Vendôme, qui se termine par un mouvement de recul de notre aile gauche, obligée de se retirer sur la rive droite du Loir. Le général Chanzy comptait continuer la lutte le lendemain ; il donne des ordres en conséquence pour la journée du 16 : les éclaireurs algériens, soutenus par les mobiles du Gers, ont l'ordre de défendre la vallée de la Houzée et sont placés sous le commandement de l'amiral Jauréguiberry. Mais dans la nuit, voyant ses troupes épuisées do fatigue, très éprouvées par le froid et la neige et incapables d'une résistance sérieuse, le général en chef prend le parti de se dérober de grand matin et de se replier sur le Mans.
A 9 heures du matin, toute l'armée avait passé le Loir et était en pleine retraite; les éclaireurs couvraient les derrières du 16e corps, et passaient la nuit à Montoire. Cette retraite, rendue très pénible par le mauvais temps et l'état des chemins, ne fut pas sérieusement inquiétée par l'ennemi.
Les éclaireurs repoussèrent sans peine les patrouilles de cavalerie allemande qui cherchaient à suivre la marche du 16° corps, et leur firent perdre le contact.
Le 19, toute l'armée était établie devant le Mans, le 16" corps au sud, en avant du faubourg de Pontlieue, avec des avant-postes de cavalerie sur les routes d'Angers, de Tours et du Grand-Lucé." 


"Opérations en avant de Montoire avec la Division du Général Jouffray"

"LE GÉNÉRAL DE JOUFFROY SE PORTE SUR VENDÔME.
Le 30, le général de Jouffroy recevait les renforts envoyés par le général Barry. Les éclaireurs algériens étaient mis à sa disposition pour surveiller sur sa droite pendant son mouvement, et le général Michel faisait avancer sa division de cavalerie dans la direction de Saint-Calais pour le garantir de tout mouvement tournant sur sa gauche.
Les forces qui allaient être engagées dans cette opération se trouvaient alors ainsi réparties :
Le colonel Marty occupait Épuisay (1er bataillon du 36e de marche), Danzé (2e bataillon du même régiment, quatre pièces de 4, deux mitrailleuses), Azay (1er bataillon du 74e mobiles).
Le colonel Thierry était établi à Savigny avec le 33e de marche, le 32e mobile, les compagnies de discipline, un bataillon des Bouches-du-Rhône et quatre pièces de 4.
Le 3e de cuirassiers, également à Savigny.
Le colonel Bayle, de Fortan à Azay, avec le 38e de marche, le 66e mobiles et quatre pièces de 4.
Le 46e de marche occupait Mazangé, couronnant par ses grand'gardes les hauteurs de la Boissière et de Vaucroix.
Le 45e de marche, à Lunay, la Barre et les Roches.
Le 70e mobiles à Lunay.
Le 1er bataillon de marche de chasseurs à pied à la Mazière.
L'artillerie de la 3e division (dix-huit pièces de 4 et deux mitrailleuses) à la Burnaudière.
Deux escadrons de cavalerie légère à Lunay, un régiment à Lavenay, les éclaireurs algériens à Montoire.
Une compagnie du génie, répartie entre les colonnes principales.
Le plan du général de Jouffroy était le suivant : deux colonnes principales devaient marcher, l'une par Azay et Espéreuse, l'autre par Courtiras, tandis qu'une colonne légère, franclissant le Loir à Lisle, devait déboucher sur la rive gauche par le bois de Meslay, et que les éclaireurs algériens, passant la rivière à Montoire ou à Lavardin, tourneraient Vendôme pour couper les routes de Blois et d'Oucques.
Ces mouvements présentaient l'inconvénient d'être trop isolés les uns des autres; ils pouvaient néanmoins réussir s'ils étaient tous menés vigoureusement, et si l'ennemi n'était pas en force trop supérieure. Malheureusement le pont de l'Isle ne put être rétabli."


"Combats de Varennes le 31 Décembre"

"LES ÉCLAIREURS ALGÉRIENS A VARENNES.
Pendant que les choses se passaient ainsi du côté du général de Jouffroy, le colonel Goursaud, avec les éclaireurs algériens, établissait à Lavardin un pont provisoire sur le Loir, et se dirigeait, le 31 au matin, sur Villavard, Saint-Rimay, Varennes et Villaria. Arrivé à Varennes, il culbuta une arrière-garde de cuirassiers blancs qui s'enfuit en laissant sur le terrain 4 tués, 1 blessé et 3 chevaux ; mais, au sortir du village, nos éclaireurs trouvèrent les hauteurs de Villaria et de la Chaise occupées par de l'infanterie et de l'artillerie ennemies, pendant qu'une autre troupe d'infanterie et de cavalerie tentait de les déborder vers leur droite. Il devenait dès lors impossible au colonel Goursaud, qui se savait menacé d'un autre côté par Thoré, de continuer son mouvement sur Vendôme. Il se décida donc promptement à la retraite pour éviter d'être coupé, regagna Varennes dont il dégagea les abords par une brillante charge en fourrageurs qui fit beaucoup de mal à l'ennemi, et se retira sur Montoire, où il s'établit après avoir replié de son côté le tablier du pont provisoire. Il avait perdu dans cette pointe hardie 10 hommes, 10 chevaux, par le feu des batteries des hauteurs de Villaria et de la Chaise."

Le Général Chanzy écrira à ce sujet au Ministre de la Guerre, à Bordeaux :
"Le Mans, 2 janvier 1871.
L'ennemi ayant fait venir des renforts d'infanterie et d'artillerie de Blois dans la nuit du 31 au 1er, a pu armer fortement les hauteurs qui dominent Vendôme sur la rive gauche.
Le général de Jouffroy attend, sur ses positions de la rive droite, l'effet que produiront les démonstrations en avant de Château-Renault. Les troupes du général de Curten ont repoussé les avant-postes prussiens à Longpré et à Saint-Amand, en leur faisant subir des pertes.
Les éclaireurs algériens du lieutenant-colonel Goursault ont eu un brillant engagement en avant de Lavardin, ont fait quelques prisonniers et tué du monde à l'ennemi. Ils ont eu de leur côté 10 chevaux tués ou blessés, 1 homme tué et 6 blessés, dont un officier. Il est très important pour moi d'être fixé sur les forces et les intentions de l'ennemi, entre le Loir et la Loire, pour mes opérations ultérieures.(...)"

Le "Bulletin de la Société archéologique, historique et littéraire du Vendômois" publiera dans son édition de 1876 des "Souvenirs de l'invasion allemande dans les environs de Montoire" sous la plume de l'abbé Constant Bourgogne, curé de Villavard. Celui-ci relate :
"Le même jour, vers onze heures du matin, nous vîmes arriver de Lavardin, où ils avaient passé le Loir sur un pont provisoire jeté par eux, les 700 éclaireurs algériens du colonel Goursaud. C'était pour nous un spectacle étrange. Nous admirions ces Kabyles couverts de manteaux de diverses couleurs aux capuchons pointus. Ils montaient de petits chevaux arabes très-vifs et très- agiles, qui, eux aussi, avaient la tête, le cou et le corps couverts et garantis du froid par des étoffes de couleurs différentes. Les éclaireurs algériens combattirent vigoureusement les Prussiens jusqu'à Villaria, et leur tuèrent plusieurs cavaliers ; mais là, dominés par l'artillerie ennemie et menacés sur leurs flancs par des troupes de cavalerie, ils opérèrent leur retraite par les lieux où ils étaient passés le matin. Vers quatre heures, ils revenaient à Villavard. Un algérien, devant des habitants du bourg ébahis, passa sur sa langue son sabre encore sanglant. Dans cette pointe hardie, et pendant les reconnaissances qu'ils firent même au delà de Villiersfaux, jusqu'au 5 janvier, ces éclaireurs intrépides perdirent une dizaine d'hommes et de chevaux.
Nous ne pouvons que louer le courage, l'activité et la vigilance de ces braves soldats, et aussi leur honnêteté dans leurs rapports avec les habitants du pays. Grâce à eux, Villavard fut préservé pendant plusieurs jours de la visite des Prussiens. A peine quelques cavaliers allemands paraissaient-ils sur la route qui conduit aux Roches, que les Kabyles partaient au galop pour leur donner la chasse.
Pendant leur séjour à Montoire, ils arrêtèrent plusieurs espions soudoyés par les Prussiens. De ce nombre était un mendiant de Houssay, que les Allemands avaient attiré à leurs campements, en lui donnant à manger et à boire. Ils l'interrogeaient sur le pays, sur les hommes qui avaient attaqué leurs éclaireurs, et sur ce qu'il entendait dire au sujet des positions de l'armée française. Les révélations de ce mendiant leur parurent si importantes, que l'on vit plusieurs fois pendant la nuit un détachement de cavaliers prussiens s'arrêter auprès de sa masure, et des officiers descendre et entrer chez lui pour le questionner."


"Montoire le 5 Janvier 1871"1"

"Le 5, le général de Jouffroy acquiert la conviction que les Allemands, en nombre entre Vendôme et Saint- Amand, cherchent à se porter sur le général de Curten. Il juge une diversion indispensable, et se décide à marcher de nouveau sur Vendôme. De petites colonnes, partant le soir de tous les cantonnements, forcent, à dix heures, les postes ennemis à quitter la forêt de Vendôme, et nos éclaireurs et francs-tireurs s'avancent dans la nuit jusqu'à Pezou, la Tousselinière et Bel-Air."

Sollicitons ici à nouveau le témoignage du curé de Villavard :
"Jeudi 5 janvier.
Nous allons être bientôt témoins d'un combat. Certains signes que nous remarquons nous l'annoncent. Des soldats du génie ou de l'artillerie préparent sur le coteau des Roches des emplacements pour les canons d'une batterie. Des cavaliers allemands arrivent au galop sur le coteau de Villavard, le parcourent rapidement en différents sens, comme s'ils examinaient les endroits les plus convenables pour placer leurs batteries. Nous entendons les éclaireurs algériens, qui, de temps en temps, échangent des coups de fusil avec les cavaliers prussiens. Une épaisse colonne de fumée qui s'élève au-dessus du Loir nous indique que le pont provisoire des Roches, rétabli par les Prussiens, est détruit par le feu, sur les ordres du général français."

Pierre Lehautcourt, dans sa "Campagne de la Loire 1870-71", précise :
"En même temps, un engagement plus vif avait lieu à l'est de la route de Château-Renault à Saint-Amand. Une reconnaissance allemande arrêtée à Vilmoin poussait une compagnie sur Villeporcher ; celle-ci y pénétrait malgré le feu d'une partie du 2e bataillon du 40e de marche et de quelques éclaireurs algériens, mais ne tardait pas à en être rejetée sur Vilmoin.(...)
Les éclaireurs algériens dont il est question au sujet de Villeporcher faisaient partie de patrouilles qui s'étaient trouvées rejetées sur les troupes de Curten. Le gros de ce corps était encore à Montoire. Ils se comportèrent vaillamment ainsi qu'en témoigne le capitaine F. Hönig(Ueber die Bewaffnung, Ausbildung, Organisation und Verwendung der Reiterei)."

Ce capitaine Hönig est cité dans l'"Historique du 3e Spahis" :
"Quand ces dernières troupes arrivèrent à midi à Saint- Amand, la cavalerie était en train d'abandonner les trois points principaux de la ligne, quoiqu'elle n'eût rencontré que de faibles patrouilles d'éclaireurs algériens. Elle n'avait pas d'armes à feu. A Ambloy, par exemple, une vingtaine de spahis à pied arrêtèrent court un escadron du 3e cuirassiers. L'infanterie dut prendre le village ; il en fut de même à Vilthiou. Sur tout le front de cette longue ligne, on entendait constamment des coups de feu, et ce n'était en somme qu'un escadron d'éclaireurs algériens qui tenait en échec notre nombreuse cavalerie.
Ces Arabes faisaient preuve d'une grande adresse pour tromper et inquiéter l'ennemi. Souples et exercés au tir, aussi bien à pied qu'à cheval, ils étaient bien supérieurs à nos cavaliers. Pendant les journées des 5, 6, 7, 8 et 9 janvier, ils étaient partout et nulle part, et, lors de la prise de Château-Renault, les cavaliers isolés se défendirent avec leur fusil jusqu'à ce qu'on le leur eut arraché"


"Savigny, 7 Janvier"

"Le 7 janvier, la matinée fut employée à régulariser la position des diverses colonnes arrivées fort tard au bivouac et à renforcer les grand'gardes et les avant-postes. L'ennemi se présenta vers midi, et le combat reprit sur toute la ligne jusqu'à trois heures. A ce moment, le général de Jouffroy apprit que le colonel Thierry, qui formait sa gauche, n'avait pu tenir au Poirier et se repliait sur Saint-Calais ; il continua dès lors son mouvement général de retraite. Les éclaireurs algériens le couvraient sur la droite, résistant avec la plus grande vigueur aux attaques de l'ennemi. A neuf heures du soir, toutes les troupes étaient derrière la Braye, et les convois, intacts, à Cogniers, engagés sur les chemins qui mènent à Saint-Jean de la Gouée."

L'"Historique du 3e Spahis" précise :
"La retraite sur Saint-Calais continua le 7, vivement pressée par l'ennemi: les éclaireurs, chargés de couvrir la droite, résistèrent pendant une partie de l'après-midi à toutes les attaques de l'ennemi. Dans la soirée, ils défendirent avec une fermeté inébranlable le pont de Savigny, pour donner le temps au parc et aux convois de filer vers Saint-Calais ; le combat dura une partie de la nuit ; vers minuit, le commandant De La Roque, jugeant sa mission remplie, donna l'ordre de la retraite ; à ce moment, la lune se leva et permit aux Allemands de diriger sur nos escadrons deux feux de salve qui leur firent beaucoup de mal.


"Conlie, Sillé-le-Guillaume 13 et 14 Janvier"

Ce service très actif allait pouvoir être rompu ; en effet :
"Au grand quartier général du Mans, le 11 janvier 1871 (n° 210),
(...)  La cavalerie ne pouvant être d'une grande utilité dans le terrain couvert que nous avons à défendre, les commandants des 16e, 17e et 21e corps, ne gardant que les escadrons strictement nécessaires pour éclairer et pour assurer le service des correspondances , renverront le reste de leur cavalerie sur la rive droite de la Sarthe.
La division Michel devra surveiller toute la vallée de la Sarthe, du Mans au delà de la Suze, suivre les mouvements de l'ennemi, et l'empêcher de tenter quelque passage.
La cavalerie du 17e corps surveillera le cours supérieur jusqu'à Beaumont-sur-Sarthe.
La cavalerie du 21e corps, en réserve, en arrière du Mans, sur la route de Laval.
Les volontaires algériens et les éclaireurs du capitaine Bernard se cantonneront au faubourg de Pontlieue, à la disposition du général en chef."

"Au grand quartier général de Domfront, le 12 janvier 1871.
Par suite des ordres du ministre, la direction de la retraite de la deuxième armée est changée ; elle est, dès
aujourd'hui, sur Laval. (...)
Sur les observations du général en chef au ministre, la marche en retraite sur Laval est suspendue. Les corps s'arrêteront sur les positions où ils se trouvent, tout en » les rectifiant, pour assurer la défense dans le cas d'une » agression de l'ennemi.
On placera de l'artillerie derrière des épaulements sur tous les points des lignes où il importe d'en avoir.
Le pays se prête admirablement à la défense. Il offre de précieuses ressources pour les cantonnements.
On peut donc s'y arrêter et y reconstituer l'armée sans perdre un seul instant.
Dès demain, les commandants des corps d'armée s'assureront par eux-mêmes que les troupes reçoivent dans la journée les vivres nécessaires pour les aligner jusqu'au 17 inclus, en y comprenant les deux jours de réserve du sac.
Cette opération, dont il sera rendu compte par écrit au général en chef, étant terminée, les convois, sous n bonne garde, seront poussés dès demain à au moins six kilomètres des lignes, dans la direction primitivement assignée à chaque corps pour le cas de la retraite sur Laval.
Le général en chef recommande l'étude des positions. II lui sera envoyé, dès demain, pour chaque corps d'armée, un croquis indiquant celles occupées.
Partout la défense sera organisée sur deux lignes pouvant se soutenir.
La cavalerie légère sera reportée en avant pour éclairer le plus loin possible et jusqu'à la Sarthe.
Les éclaireurs algériens se reporteront à Conlie. Sillé devra être occupé exclusivement par le 21e corps. Le général de Colomb fera évacuer la ville par tout ce qui appartient au 17e corps, dès demain matin.

Le 14 Janvier, les choses tournent mal pour les 16e et 17e Corps :
"De son côté, le général de Colomb, commandant le 17e corps, ne donnait pas sur l'état moral de ses troupes des renseignements plus satisfaisants. Plus encore que celles du 16e corps, elles étaient à bout de forces. Le temps était, en effet, d'une rigueur exceptionnelle: la neige ne cessait pas; le froid était intense ; le pays offrait peu d'abris ; les convois ne marchaient qu'avec les plus grandes difficultés ; les distributions de vivres ne pouvaient se faire exactement, et les hommes, velus d'une façon insuffisante, mal chaussés pour la plupart, constamment mouillés sans pouvoir se sécher, se laissaient aller au découragement. Il fallait cependant faire tête à l'ennemi, qui apparaissait sur toutes les routes en avant de nos lignes. La retraite sans combattre c'était la débandade, l'abandon d'une partie de notre matériel, et peut-être, si les Allemands étaient audacieux, la perte de l'armée .
Le mouvement de recul du 16e corps affaiblissait l'aile droite et pouvait permettre à l'ennemi de se porter sur le flanc dès lors découvert du 17e corps. Les éclaireurs algériens qui s'étaient portés à Conlie et qui battaient tout le pays dans la direction du Mans, signalaient partout sa présence. Toutefois, comme un effort principal semblait devoir se faire en avant de Sillé-le-Guillaume où le 21e corps occupait de solides positions, bien couvert sur sa gauche par les volontaires de Cathelineau qui observaient la Sarthe aux environs de Fresnay, il se pouvait qu'une résistance heureuse arrêtât la poursuite."

Le Général Chanzy écrira à ce sujet au Ministre de la Guerre, à Bordeaux :
"14 janvier 1871, quatre heures.
Le temps est exécrable, le pays couvert de neige, les routes de verglas; une brume épaisse retarde l'installation sur nos positions. La marche pénible des convois sur les rares communications n'a pas encore permis de réparer le désordre.(...) 
En avant de nos lignes, des avant-postes d'infanterie et de cavalerie couvrent les divisions, et au village de Conlie, pour éclairer tout le pays jusqu'à la Sarthe, les éclaireurs du colonel Goursaud, sur lesquels je compte le plus. (...)"

"14 janvier 1871.
Les têtes de colonnes ennemies ont paru ce soir sur toutes les routes aboutissant sur nos positions. Il y a eu engagement entre les avant-gardes prussiennes et les éclaireurs algériens à Conlie. Le général Le Bouëdec s'est battu ce soir à Longne avec une colonne assez forte. Je m'attends à être attaqué demain sur plusieurs points.(...)"


"Service d'Éclaireurs en avant des lignes de la Mayenne, à Montoire et Evreux, jusqu'à l'armistice."

Nous ferons ici encore appel à l'"Historique du 3e Spahis" :
"Le 17, on atteignait Laval, et l'armée était en sûreté derrière la Mayenne.
Les éclaireurs furent cantonnés à Montgiroux, d'où ils surveillaient le cours de la Mayenne en amont de Laval, poussant de fréquentes reconnaissances dans la direction du Mans et ayant de nombreux engagements avec les patrouilles ennemies. Le village de Montsurs fut à plusieurs reprises le théâtre d'escarmouches assez vives et finit par rester en notre pouvoir. Dans toutes ces rencontres, les spahis soutinrent la réputation qu'ils s'étaient justement acquise à l'armée de la Loire : partout ils repoussèrent l'ennemi, lui firent des prisonniers et lui tuèrent du monde.
Le 28 janvier, l'armée, complètement réorganisée, se préparait à se porter vers le nord, pour protéger la Normandie et reprendre le mouvement sur Paris par la basse Seine, lorsqu'une dépêche vint annoncer au général Chanzy la reddition de Paris et la conclusion d'un armistice de vingt et un jours.
L'armée profita de ce délai pour passer sur la rive gauche de la Loire et alla se concentrer à Poitiers, laissant aux forces nouvellement organisées en Bretagne le soin de défendre la ligne de Ia Mayenne.

Février. — Les éclaireurs algériens quittèrent Laval le 13 février, avec le grand quartier général et la brigade Bourdillon, et gagnèrent Poitiers par Château-Gonthier, Angers et Thouars.
Le 26 février, les préliminaires de la paix furent ratifiés par un vole de l'Assemblée nationale.
L'armée de la Loire fut licenciée à la date du 7 mars, et les éclaireurs algériens furent dirigés sur Toulon."


1871 : l'insurrection de la Grande Kabylie.

Reynaud rentrera en Afrique du Nord le 8 Mars 1871.
L'"Historique du 3e Spahis" nous indique que "sitôt leur arrivée à Alger, les éclaireurs algériens avaient été réorganisés : il fut constitué un nouveau régiment de marche, comprenant toujours un escadron par province, mais ayant un effectif plus réduit. Le colonel Goursaud conserva le commandement du corps, avec le chef d'escadrons De La Roque pour commandant en second."

Reynaud reste au corps ; son service dans cette sombre période est ainsi détaillé :
"Capitaine Commandant l'escadron des Eclaireurs Algériens de la province d'Oran, à la colonne de Mr. le Général Cérès du 11 Avril 1871, a pris part aux affaires de Teniet Daoud, 18 Avril - Summah 21 et 22 Avril - Oulad El Aziz, 28 avril - Harchaoua (Tisers) 30 avril - Oued Soufflat, attaque de nuit - Combat de l'Oued Soufflat 4 et 5 mai - Beni Mansour 26 et 29 Mai - Dra El Mizan 6 juin. A la colonne de Mr. le Colonel Goursaud, du 8 Juin - Col de Teniet Djaboub 4 juillet - Beni Kouffi 8 juillet - Beni Meddour 17 juillet - Beni Yala, 2 août."

Illustrons ces tristes épisodes de la répression de l'insurrection de 1871.
(les textes qui suivent sont, sauf mention contraire, extraits de "L'insurrection de la Grande Kabylie en 1871" du Colonel Robin, Paris, 1901).


"la colonne de Mr. le Général Cérès du 11 Avril 1871"

"Le général Cérez avait reçu du gouverneur général civil une délégation, datée du 11 avril, pour réorganiser le commandement indigène, sauf approbation. (...)
Dès son arrivée à Aumale, le général Cérez s'occupa de mettre la dernière main à l'organisation de sa colonne et de la pourvoir de tout ce qui était nécessaire pour entrer immédiatement en campagne; elle fut constituée définitivement, sous le nom de colonne de l'Oued-Sahel, de la manière suivante, par un ordre du 15 avril.

Commandant de la colonne : M. le général Cérez.
Etat-major général. MM. 
Ulrich, capitaine d'état-major, aide de camp. 
Lebrun, lieutenant au 1er spahis, officiers d'ordonnance. 
Henri, lieutenant au 21e mobilisé, officiers d'ordonnance. 
D'arjuzon, lieutenant-colonel de mobiles, attaché à l'état-major.

État-major de la colonne. MM, 
Rubineau De Barazia, capitaine d'état-major, chef d'état-major. 
Maréchal, capitaine au 1er zouaves, adjoint à l'état-major. 
Ruyssen, capitaine au 1er tirailleurs, chargé des affaires indigènes. 
Ibrahim-bel-haojer, sous-lieutenant au 1er spahis, faisant fonctions d'interprète.

Services administratifs. M. Carrière, sous-intendant militaire. 
Génie : M. Mortagne, capitaine, commandant une section. 
Artillerie : M. Bury, capitaine (commandant 2 sections de 4 rayés de montagne). 
Télégraphe: M. Chrétien. 
Ambulance: M. Pajenud, adjudant d'administration en 2e. 
Vivres et administration : M. Chenal, adjoint en 2e. 
Grand prévôt : M. Roussel, lieutenant au 2e régiment du train. 
Médecin de l'ambulance : M. Pateaud, médecin-major de 1ere classe.

Infanterie. MM. 
Méric, colonel du 4e zouaves, commandant. 
Colonna, capitaine au 4e zouaves, officier d'ordonnance. 
Noëlla, lieutenant-colonel du 4e zouaves, commandant le 1er régiment de marche. 
Bayard, chef de bataillon au 23e chasseurs à pied, commandant le 2e régiment de marche.

Cavalerie. MM. 
Goursaud. colonel des éclaireurs algériens, commandant. 
Delorme, chef d'escadrons au 1er chasseurs d'Afrique, commandant la cavalerie régulière. 
Braün, chef d'escadrons au 1er chasseurs d'Afrique. 
Lambert, capitaine en 2e à l'escadron de marche du 9e chasseurs de France. 
De La Roque, chef d'escadrons au 2e spahis, commandant le régiment des éclaireurs algériens. 
Train des équipages : M. Finet, sous-lieutenant.

L'effectif de la colonne, au 20 avril, était de 164 officiers, 2.784 hommes, dont 1.823 d'infanterie, 875 chevaux, 4 pièces de 4 rayées de montagne. L'effectif, qui était, le 15, de 3.331 hommes, avait été réduit par le départ immédiat des hommes appartenant au territoire annexé à l'Allemagne.
Je rappelle quelle était à ce moment la situation de la subdivision d'Aumale : l'annexe des Beni-Mançour était tout entière en insurrection et le bordj était bloqué par les bandes de Bou-Mezrag, depuis le 7 avril, et sans communications avec Aumale. 
Le poste était suffisamment approvisionné en vivres et en munitions et pouvait se défendre, mais il n'avait comme ressource en eau qu'une citerne de 46 mètres cubes, qui avait été remplie en temps utile avec l'eau de l'oued Sahel, et cette réserve ne pouvait pas durer bien longtemps. 
Les tribus du nord et du sud du cercle d'Aumale étaient calmes, leurs goums nous servaient avec fidélité sous les ordres de leurs chefs indigènes; les tribus de l'est seules se trouvaient en état d'hostilité ouverte; c'étaient les Oulad-Salem, les Oulad-Msellem, les Beni-Intacen et les Beni-Amar. 
Les deux frères El-Haddad et Mohamed-ben-el-Goliel, caïds des Oulad-Msellem et des Beni-Intacen, se trouvaient seuls de leurs personnes dans nos goums, tandis que leurs familles, avec leurs troupeaux, avaient suivi le mouvement de défection de leurs tribus et s'étaient placées sous le commandement de Bou-Mezrag. Les deux caïds avaient de tout temps fait partie de la clientèle de Bou-Mezrag; ils lui avaient tout donné moins leurs personnes, cherchant ainsi à se ménager leur position pour l'avenir, quelle que fût l'issue de la levée de boucliers de Mokrani. 
Le caïd des Oulad-Salem, dont la tribu était attenante aux précédentes, nous avait servis avec dévouement, mais il avait été impuissant à empêcher sa tribu de suivre le mouvement de défection déterminé par les efforts d'un perturbateur nommé El-Hadj-Amar, des Oulad-Salem. 
L'attitude d'une partie des Adaoura, des Oulad-Meriem, des Oulad-bou-Arif et des Djouab avait laissé à désirer et il y avait en elle des éléments de révolte. 
Les tribus des Oulad-el-Aziz, des Merkalla et des Beni-Med- dour étaient fort ébranlées, et l'agha Si-Bouzid avait dû, ainsi que le caïd des Oulad-Bellil, s'enfermer dans le fort de Bouïra."


"Teniet Daoud, 18 Avril"

"D'après les renseignements recueillis, Bou-Mezrag, après avoir dirigé les opérations contre le caravansérail d'El-Esnam et fait investir le bordj des Beni-Mançour, avait quitté la subdivision d'Aumale pour conduire à son frère le bach-agha un renfort d'un millier d'hommes; il avait laissé le commandement à son khalifa et cousin Bou-R'enan, qui avait sous ses ordres, à son camp de Teniet-Oulad-Daoud, où les insurgés étaient retournés, les contingents des Oulad-Salem, Oulad- Msellem, Beni-Intacen, Oulad-Sidi-Hadjeres, Ahl-el-Ksar, Oulad-Dan, Beni-Ilman, et autres tribus de l'Ouennour'a Cheraga. Toutes ses forces pouvaient être évaluées à 2.000 fantassins, avec un petit nombre de cavaliers.
C'est le 18 avril que la colonne commence ses opérations.
Les éclaireurs de la cavalerie, partis à 5 heures du matin d'Aumale, arrivent au col des Oulad-Daoud à 11 heures et signalent l'ennemi qui s'est retranché sur un plateau du Djebel-Mogornin, à droite et en avant, dans une position bien choisie pour la défense.
Le général fait masser son convoi au pied de la montagne, sous la protection de deux bataillons et prend ses dispositions pour l'attaque, qui commence à midi et demi. Les zouaves du 4e régiment, puis ceux du 4e de marche, vigoureusement secondés par les chasseurs d'Afrique, abordent l'ennemi avec un entrain remarquable; les positions sont rapidement enlevées malgré une résistance très vive, à un moment surtout où tout l'avantage de la position était à l'ennemi. A 2 heures, les contingents de Bou-R'enan sont en pleine déroute et fuient dans la direction du sud-est, mais alors ils se heurtent aux éclaireurs algériens, auxquels le général a fait opérer un mouvement tournant par la gauche. Cette attaque est conduite par le colonel Goursaud, avec une intelligente vigueur, à laquelle répond bien l'ardeur de ses officiers et de ses troupes. Le goum a suivi le mouvement, sous les ordres du capitaine Cartairade.
La fuite est devenue une déroute complète et, à 5 heures, le général ramène ses troupes à Teniet-Oulad-Daoud, où était établi le bivouac.
Les renseignements les plus modérés évaluent à 300 au moins le chiffre des morts de l'ennemi; les éclaireurs et le goum ont ramené des chevaux et rapporté au moins 400 fusils, sabres, etc., enlevés aux morts et aux blessés. Le drapeau de Bou-R'enan a été enlevé par un éclaireur qui a tué le porte- drapeau.
De notre côté, nous avons eu 5 zouaves blessés légèrement, 2 éclaireurs algériens tués et 5 blessés, dont 4 très grièvement, 1 cheval tué et 3 blessés. Dans le goum, il y a eu 1 homme tué, 7 blessés, 1 cheval tué et 3 blessés.
Le 19 avril, à 6 heures du matin, la colonne quittait son bivouac de Teniet-Oulad-Daoud pour se mettre à la poursuite des contingents de Bou-R'enan, en prenant le chemin du marché du khemis des Oulad-Msellem. En arrivant à ce point, le général apprit que Bou-R'enan avait disparu et que ses bandes de rebelles s'étaient dispersées, fuyant dans deux directions différentes; le plus grand nombre s'étaient dirigés vers les Beni-Ilman, les autres étaient allés du côté des Ksar et des Sebkha."


"Summah 21 et 22 Avril"

"Le 20 avril, la colonne se dirigea vers deux gros villages, Soumma et Kasba du cercle de Bordj-bou-Aréridj, adossés au Djebel-Gourraoui et séparés par une distance de 4 kilomètres; c'est là que s'étaient réfugiées les tribus rebelles, et, en particulier, celles du cercle d'Aumale. Soumma appartenait à la tribu des Oulad-Dan, et Kasba à celle des Beni-Ilman; ce dernier village, situé dans une position très forte, était d'un accès très difficile.
En arrivant en face de ces villages, la colonne trouva les crêtes rocheuses de la montagne garnies d'hommes armés; les familles et les troupeaux avaient été chercher un refuge dans la partie haute des ravins.
Le général Cérez fit aussitôt ouvrir le feu de son artillerie sur le village de Soumma et las rebelles se hâtèrent d'envoyer des députations pour demander l'aman ; les Oulad-Salem et les Oulad-Msellem d'Aumale furent les premiers à se présenter. Le général fit suspendre l'attaque et il imposa comme conditions aux tribus révoltées qu'elles livreraient immédiatement leurs armes, qu'elles fourniraient des otages, qu'elles feraient rentrer leurs familles et leurs troupeaux sur leurs territoires respectifs et qu'elles se soumettraient aux mesures de répression que le gouverneur général jugerait devoir leur imposer. Il donna aux autres tribus jusqu'au lendemain matin, pour accepter ces conditions et fournir leurs otages.
Les Oulad-Salem s'installèrent de suite à proximité du camp en attendant leur rentrée sur leur territoire; les Oulad-Msellem firent savoir que, du point où ils étaient campés, il leur faudrait faire un grand détour pour éviter les tribus insoumises dans leur mouvement pour rejoindre la colonne et qu'ils ne pourraient pas venir immédiatement bien qu'ils fussent décidés à se soumettre.
Quant aux Oulad-Dan de Soumma, leurs offres de soumission n'avaient été qu'un moyen de gagner du temps pour faire filer leurs troupeaux et pour permettre à Bou-Mezrag, qui avait annoncé son retour avec de gros contingents, de venir à leur secours, et, le 21 au matin, au lieu des otages qui devaient être livrés, un seul homme se présenta pour demander de nouveaux délais.
Le général Cérez, qui avait compris le but da cette demande, prit ses dispositions pour l'attaque de Soumma, qui eut lieu à 2 heures de l'après-midi. Le village est protégé à droite et à gauche par des escarpements presque à pic, de sorte qu'il ne peut être attaqué que de front.
L'artillerie ouvrit d'abord, sur le village, un feu remarquable de précision ; puis les tirailleurs algériens et les zouaves d'un côté, un détachement de tirailleurs et le 23e bataillon de chasseurs à pied de l'autre, furent lancés à l'assaut. Les difficultés du terrain ne purent arrêter l'élan de nos troupes qui abordèrent la position avec la plus grande vigueur. Au bout d'une demi-heure, les dissidents étaient en fuite, laissant sur le terrain une cinquantaine de morts. De notre côté, 5 tirailleurs avaient été légèrement blessés.
Le village, qui comptait environ 80 maisons, fut incendié et le génie eut mission de couper les arbres fruitiers des jardins avoisinants, de manière à rendre nulle la récolte de l'année, mais sans détruire les arbres eux-mêmes.
Pendant ce temps la cavalerie brûlait le village d'El-Hammam et un autre appartenant aussi aux Oulad-Dan et d'un abord plus facile que Soumma; elle vidait les silos et y puisait, ainsi que les goums et les convoyeurs, la nourriture des chevaux et mulets.
Les tribus de l'est du cercle d'Aumale s'étaient mises en mesure de se réinstaller sur leurs territoires après avoir livré leurs otages.
Le châtiment infligé aux Oulad-Dan par la destruction complète de Soumma et des autres villages fit réfléchir les habitants de Kasba, qui n'avaient fait encore que des semblants de soumission ; le 22 au matin, sachant qu'ils allaient être attaqués à leur tour s'ils ne se décidaient pas à se soumettre, ils envoyèrent au général Cérez une lettre portée par trois hommes de la djemaa qui devaient rester entre ses mains comme otages et parmi lesquels se trouvait le frère du chikh.
Les Beni-Ilman déclaraient accepter les conditions qu'on voudrait leur imposer et faisaient part au général de leur vif désir d'être soustraits à l'autorité de Mokrani ou des siens par leur annexion au cercle d'Aumale, qui avait déjà reçu plusieurs tribus de l'Ouennour'a.
Le général répondit qu'il y avait là des questions qu'il ne pouvait trancher, puisque leur tribu dépendait de la subdivision de Sétif, qu'il garantirait seulement la sécurité de leurs personnes et de leurs familles et qu'il garderait leurs otages pour répondre de leur tranquillité. Il les prévint aussi qu'il informerait le gouverneur général des conditions dans lesquelles il leur avait donné l'aman et de leur demande d'être annexés au cercle d'Aumale.
Les Beni-Ilman se déclarèrent satisfaits et ils offrirent même au général de le recevoir et de le fêter avec ses troupes dans leur ville; celui-ci ne put accepter leurs offres, car de graves événements venaient de s'accomplir en Kabylie et dans le nord de la subdivision d'Aumale, qui nécessitaient impérieusement la présence de la colonne. Toute la Kabylie, à la voix de Chikh- el-Haddad, avait levé l'étendard de la révolte; Fort-National, Tizi-Ouzou, Dellys, Dra-el-Mizan étaient bloqués; tous les villages européens avaient été saccagés jusqu'aux abords de laMétidja et un certain nombre de tribus d'Aumale qui étaient jusque-là restées paisibles s'étaient lancées dans le mouvement insurrectionnel et menaçaient de couper les communications entre Aumale et Alger.
Le général Cérez ne s'arrêta donc pas au village de Kasba; après avoir réglé les conditions de la soumission, il se mit en route le jour même, à 11 heures du matin. La nécessité de ravitailler la colonne en vivres et en munitions l'obligeait à reprendre le chemin d'Aumale avant que de se porter vers le nouveau foyer d'insurrection."


"Oulad El Aziz, 28 avril"

"Nous avons vu que le général Cérez, rappelé de l'Ouennour'a par les événements qui avaient suivi la proclamation de la guerre sainte par Chikh-el-Haddad, avait ramené sa colonne à Aumale le 25 avril. L'intention du général était, après s'être ravitaillé, de se diriger vers Beni-Mançour pour débloquer le bordj et de poursuivre ensuite les tribus du cercle d'Aumale qui s'étaient retirées de ce côté; mais, sur l'ordre qu'il reçut du général Lallemand, il dut marcber d'abord sur Dra-el- Mizan qu'on croyait en danger sérieux.
(...)
Le 26 avril, l'infanterie fut mise en route seule pour lui faire couper en deux l'étape de Bouïra qui eût été trop longue (35 kilomètres) et elle alla bivouaquer à Aïn-Tiziret. Le reste des troupes partit le 27 à 5heures du matin, fit sa grande halte à côté de l'infanterie et la colonne reconstituée arriva le même jour à Bordj-Bouïra.
Les nouvelles de source indigène que put se procurer le général, et qui paraissaient dignes de créance, sur la situation de Dra-el-Mizan, étaient rassurantes : non seulement la garnison et les habitants avaient de l'eau, mais leur troupeau pouvait pacager librement sous la protection des feux du fort.
A son arrivée à Bouïra, le général s'était trouvé en présence des tribus insurgées du versant sud du Djurdjura; la tribu des Oulad-el-Aziz, la plus importante de ce groupe, se montrait disposée à demander l'aman, mais elle se plaignait de subir la pression des contingents des Guechtoula qui se trouvaient sur son territoire et elle s'engageait, aussitôt que la colonne attaquerait, à se joindre à elle pour repousser l'ennemi. Cette promesse, si elle était faite de bonne foi, était un peu téméraire, car les familles et les troupeaux de la tribu avaient été envoyés sur le versant nord du Djurdjura et se trouvaient ainsi à la discrétion des tribus dont se plaignaient les Oulad-el-Aziz. Quoi qu'il en pensât, le général fit savoir aux dissidents qu'il leur donnait jusqu'au lendemain, à 10 heures du matin, pour faire leurs démarches de soumission et que, passé ce délai, il irait les attaquer.
Le général fut averti dans la nuit que des contingents nombreux se portaient dans les Oulad-el-Aziz et qu il en venait non seulement des tribus les plus voisines des deux versants du Djurdjura, mais encore des Zouaoua de Fort-National et des Beni-Mellikeuch de Bordj-bou-Aréridj. Chikh-el-Djadi, qui avait le commandement de tous ces rebelles, avait quitté le siège de Dra-el-Mizan, ne laissant devant cette place qu'une centaine d'hommes, et avait amené avec lui les contingents qui s'y trouvaient réunis. On avait même rapporté que Chikh-el- Djadi se proposait d'attaquer la colonne pendant la nuit; le général Cérez prit ses dispositions pour être prêt à tout événement, mais la nuit se passa sans aucune alerte.
Le 28 avril, personne ne s'étant présenté au camp, le général forma une colonne légère composée de 1.200 fantassins sans sacs, de 600 cavaliers, de 2 sections d'artillerie et du goum, et il se mit en marche à midi et demi ; les troupes étaient disposées par bataillons en colonnes et elles formaient un carré ayant l'artillerie au centre; la cavalerie régulière flanquait ce carré à droite et le goum à gauche.
La colonne s'avança en suivant l'ancienne route d'Aumale à Dra-el-Mizan. En arrivant au mamelon qui porte le nom de Tekouka, on aperçut l'ennemi en position sur une longue crête située à 8 kilomètres de Bouïra, appelée Dra-Oum-er-Rih, et qui court entre l'Oued-Bezzit et l'Oued-Meroudj. Les rebelles avaient établi des lignes de retranchements sur une longueur de plus de trois kilomètres, construits en pierres sèches, et ces retranchements étaient en double ou en triple rang aux cols et aux passages par où on pouvait franchir la crête. Les contingents comptaient au moins 3.000 hommes.
Le général prit aussitôt ses dispositions pour marcher à l'ennemi; il forma, sous les ordres du colonel Méric, 3 colonnes d'attaque d'infanterie précédées chacune d'une ligne de tirailleurs; la cavalerie régulière, sous les ordres du colonel Goursaud, devait exécuter un mouvement tournant par la droite, et le goum, commandé par le caïd des Oulad-Ferah, devait faire un mouvement analogue par la gauche. Pendant que la troupe montait à l'assaut des retranchements, l'artillerie avait ouvert son feu pour inquiéter leurs défenseurs.
Les positions furent abordées avec un entrain remarquable et, malgré une très vive résistance, l'ennemi fut culbuté et mis en déroute au bout de 35 minutes de combat. Les rebelles, rejetés d'abord dans l'Oued-Bezzit, furent ensuite poursuivis sur les pentes qui mènent à la ligne de faîte qui prolonge le Djurdjura par le Nador et Tachachit. Tous les villages de la vallée de l'Oued-Bezzit furent enlevés et incendiés, l'artillerie préparant d'abord l'attaque et l'infanterie se portant ensuite à l'assaut. L'ennemi, dans une complète débandade, fut pourchassé au milieu des ravins et des escarpements qui se succédaient les uns derrière les autres ; la cavalerie arriva jusqu'aux crêtes supérieures. On eut peine à ramener les troupes qui continuaient leur poursuite alors même que l'ennemi avait disparu.
"L'ardeur des troupes, dit le général Cérez dans son rapport, a été remarquable; les chasseurs du 1er d'Afrique et du 9e de France ont mis pied à terre pour faire le coup de feu. Les chasseurs du 23e bataillon ont rivalisé avec les zouaves; les éclaireurs ont eu leur hardiesse habituelle."
Les pertes de l'ennemi ont été énormes, elles dépassent 300 morts constatés; on lui a pris beaucoup de butin, d'armes et de troupeaux. Chikh-el-Djadi avait disparu dès le commencement du combat.
De notre côté nous avons eu : aux zouaves 2 hommes blessés grièvement, 3 légèrement; aux chasseurs d'Afrique 2 hommes et 2 chevaux blessés; aux éclaireurs algériens, le sous-lieutenant de Vialar légèrement blessé à la cuisse, 2 cavaliers blessés, 1 cheval tué et 3 chevaux blessés.
La colonne est rentrée au camp à 8 heures du soir; des chevaux sont tombés fourbus par suite des fatigues de cette journée dans laquelle certaines fractions ont parcouru 50 kilomètres."


"Harchaoua (Tisers) 30 avril"

"Après avoir donné à sa colonne un jour de repos qu'elle avait bien gagné, le général Cérez reprit, le 30 avril, à 6 heures du matin, sa marche vers Dra-el-Mizan. Un rassemblement d'un millier d'indigènes, qui faisait mine de couper la route à un col des Oulad-el-Aziz, se dispersa à l'approche de l'avant-garde et le bivouac fut établi à 11 heures, à Ben-Haroun, dans les Harchaoua, tribu révoltée du cercle de Dra-el-Mizan. Le point où la colonne s'établit était des plus riants, à côté de belles sources, de prairies, de jardins, de bouquets d'arbres et de beaux villages."


"Oued Soufflat, attaque de nuit - Combat de l'Oued Soufflat 4 et 5 mai"

"Rassuré sur la situation de Dra-el-Mizan, le général Cérez résolut de se porter dans les Beni-Djad, mais il voulut profiter de la présence de la colonne à Ben-Haroun pour infliger un châtiment aux tribus avoisinantes et particulièrement aux Nezlioua. Dans ce but, il organisa deux colonnes légères chacune de 500 hommes d'infanterie, 250 cavaliers, une pièce d'artillerie et 100 cavaliers du goum, qu'il mit sous le commandement du lieutenant-colonel Trumelet, commandant la subdivision d'Aumale, et du colonel Goursaud; ces colonnes se mirent en mouvement le 1er mai, à 10h.1/2 du matin.
Le lieutenant-colonel Trumelet avait pour mission de dépasser l'oued Soufflat, de pénétrer dans le pays des Senhadja, puis de rabattre vers la droite jusqu'à Sidi-Rahmoun des Nezlioua. Le colonel Goursaud devait, de son côté, se porter à l'est de Dra-Sellama des Nezlioua, puis se rabattre à gauche vers Sidi-Rahmoun, à la rencontre de l'autre colonne.
Le lieutenant-colonel Trumelet avait avec lui le 4e zouaves de marche et le 23e bataillon de chasseurs à pied, aux ordres du commandant Bayard, et 250 chevaux des chasseurs d'Afrique et des éclaireurs algériens sous les ordres du commandant Delorme, plus 100 chevaux des goums d'Aumale commandés par le caïd des Oulad-Dris, Salem-ben-Mohamed. Il descendit l'oued Djelida, qui est un affluent de droite de l'oued Soufflat prenant naissance un peu au sud du village arabe de Ben- Haroun où était établi le camp.
A peine la colonne arrivait-elle aux abords du village d'El Djelida, où était la maison du caïd révolté des Harchaoua, Ahmed-ben-Aïssa, que des groupes armés assez nombreux apparaissaient sur la rive gauche du ravin boisé d'EI-Akhera au pied du Djebel-Helala. Le lieutenant-colonel Trumelet leur croyant des intentions pacifiques leur envoya le cadi Si-Mohamed-ben-Laoubi pour les inviter à faire leur demande de soumission. Il y eut des pourparlers qui n'aboutirent qu'à des coups de feu tirés du côté des rebelles. Le goum et les éclaireurs algériens furent lancés sur un fort parti de piétons qui, à la faveur des bouquets de lentisque, s'étaient approchés jusqu'à 400 ou 500 mètres de la colonne; on tirailla quelques instants sans résultat, puis l'escadron d'éclaireurs, entraîné par le capitaine de Reynaud de Villeverd, fondit résolument sur eux. Les rebelles se dispersèrent laissant une dizaine de cadavres sur le terrain.
Le village de Djelida fut livré aux flammes. A ce moment, un parti de rebelles, évalué de 600 à 800 hommes, fut signalé descendant les pentes nord du Djebel-Helala; le lieutenant- colonel Trumelet voulait les laisser s'approcher dans un terrain favorable à la cavalerie, mais le commandant Delorme, sans attendre d'ordre, lança trop tôt une portion de sa cavalerie ; les rebelles eurent le temps de se rejeter dans d'épaisses broussailles inaccessibles aux chevaux devant lesquelles les cavaliers durent s'arrêter. Il fallut battre en retraite sous le feu de l'ennemi qui, enhardi par ce mouvement rétrograde, s'avança plus nombreux; cette fois, on le laissa s'approcher. Deux compagnies de chasseurs à pied furent envoyées sur sa gauche en remontant le ravin d'EI-Akhera, tandis que la cavalerie, prenant les rebelles par leur gauche, les chargeait dans une clairière où ils s'étaient imprudemment avancés, les enveloppait et les sabrait; vingt-cinq d'entre eux restèrent sur la place. Les insurgés à qui on avait eu affaire étaient des Harchaoua, des Beni-Djad, des Nezlioua, des Beni-Khalfoun et des Ammal.
La colonne continua sa marche en descendant la vallée, flanquée à gauche par les deux compagnies de chasseurs à pied et à droite par un peloton de chasseurs d'Afrique; les éclaireurs poussaient en avant livrant aux flammes tous les azibs qu'ils rencontraient à proximité de leur route.
Après avoir franchi l'oued Soufflat, les éclaireurs avaient pénétré sur le territoire des Oulad-Sidi-Salem et avaient incendié le village de Tarnast et divers azibs de la fraction des Aouaouda, de laquelle était originaire le caïd des Senhadja, Ahmed-ben-Ali-ben-el-Aoudi. Les gens des Aouaouda essayèrent de résister, mais sans succès, et perdirent quinze des leurs. Les éclaireurs mettaient à leur besogne de destruction et de razzia une ardeur qui menaçait de les entraîner trop loin ; le lieutenant-colonel Trumelet, qui avait arrêté sa colonne au confluent de l'oued Soufflat et de l'oued Djemâa pour les attendre, dut leur envoyer de nombreux appels pour leur faire lâcher prise.
La colonne remonta alors l'oued Djemâa en suivant la grande route d'Alger à Constantine ; la cavalerie fut lancée sur la tribu des Nezlioua qui a de nombreux villages sur la rive droite de l'oued Djemâa.
Un incident vint douloureusement impressionner la colonne ; les éclaireurs avaient trouvé dans un silo voisin du village d'El-Djelida des vêtements européens percés de balles et maculés de sang, qui devaient évidemment provenir des colons de Palestro. Cette vue excita l'ardeur de nos soldats qui brûlaient de venger nos malheureux compatriotes sauvagement assassinés.
Les chasseurs d'Afrique se jetèrent sur les villages des Nezlioua qui s'élèvent à mi-côte du plateau de Sidi-Rahmoun; les Zehennia, les Oulad-Kflf, les Djouahiria furent successivement saccagés et incendiés. Un fort parti de Kabyles qui, embusqué derrière ce dernier village, avait essayé de tenir, fut enveloppé et sabré, avant d'avoir eu le temps defaire usage de ses armes, par une division de chasseurs d'Afrique vigoureusement conduite par le capitaine de Groulard; trente-cinq cadavres restèrent sur la place. On s'avança ainsi jusqu'au village de Bou-Nab qui fut incendié et la cavalerie poussa jusqu'à la nouvelle route d'Alger à Dra-el-Mizan, qui était la limite d'action donnée au lieutenant-colonel Trumelet. Une soixantaine de villages ou hameaux avaient été détruits."

Ce n'est toutefois pas cet engagement auquel l'état des services de Reynaud fait allusion, mais  à celui du 5 mai, où, selon l'Historique du 3e Spahis, "les éclaireurs prennent part au combat de l'oued Soufflat, livré aux contingents des Beni-Djab, et dans lequel périt Mokrabi, le principal chef de l'insurrection".


"Beni Mansour 26 et 29 Mai"

"Garanti du côté du sud et rassuré sur la situation des Beni- Mançour par la lettre qu'il avait reçue du capitaine Mas, le général Cérez se mit en route le 20 mai avec l'intention de dégager l'aghalik de Bouïra des étrangers qui l'avaient envahi avant d'aller débloquer le bordj desBeni-Mançour. La colonne bivouaqua à Aïn-Tiziret et, le 21 mai, a 10 heures du matin, elle arrivait à Bordj-Bouïra. Les cavaliers de Bou-Mezrag n'étant pas en force pour se mesurer avec nous refluèrent immédiatement du côté des Beni-Mançour.
Le 23 mai, la cavalerie alla faire une reconnaissance dans les Beni-Meddour et les Merkalla, brûlant quelques villages sur sa route (...).
Quelques coups de fusil furent échangés avec les Beni-Yala.
Le 24, un renfort d'une compagnie de zouaves et d'une section d'artillerie rejoignit la colonne.(...)
Le général Cérez avait reçu à Bouïra une nouvelle lettre du capitaine Mas ; ce dernier avait pris le parti de renvoyer ses cavaliers, n'ayant plus rien pour nourrir leurs chevaux. Le bordj était toujours surveillé par l'ennemi, mais pas bien étroitement, puisque les cavaliers renvoyés avaient pu sortir sans être inquiétés.
Le général laissa une partie de son convoi à Bordj-Bouïra et se dirigea, le 25 mai, sur Adjiba des Beni-Yala, avec douze jours de vivres et un ravitaillement pour le bordj des Beni-Mançour. On brûla en chemin quelques villages et azibs des Beni-Yala et on releva, en passant, la petite garnison du caravansérail d'El-Esnam. Adjiba fut aussi livré aux flammes. La moisson était commencée dans le pays; les récoltes sur pied furent respectées et on ne prit que ce qui était nécessaire pour la nourriture des chevaux et mulets.
La colonne quitta Adjiba le 26, à 5 heures du matin ; elle avait à peine fait 3 kilomètres, quelle trouva l'ennemi en position à El-Mergueb sur une crête bien prononcée, s'appuyant à l'oued Sahel et barrant la route (ce point est marqué sur la carte Ir-Arem) ; c'étaient Bou-R'enan et Mohamed-Ould-Kouider qui avaient amené là tous les contingents de l'Oued-Sahel. Le général fit masser sa colonne et continua sa marche; en même temps la cavalerie et le goum engageaient l'action et, avant même que l'infanterie eût le temps d'entrer en ligne, les contingent kabyles étaient chassés de leur position.
Sur la gauche, on aperçut un parti de cavaliers qui semblait vouloir tourner la colonne; quelques obus bien dirigés arrêtèrent leur marche. Les rebelles se partagèrent alors en deux groupes de chaque côté de la rivière : celui de droite fut vigoureusement poursuivi par les éclaireurs algériens, sous les ordres du commandant de la Roque, et par le goum commandé par le capitaine Abd-el-Kader; celui de gauche fut hardiment poussé par le 1er chasseurs d'Afrique et par le 9e chasseurs, envoyés par le colonel Goursaud, sous les ordres du commandant Delorme. Nos ca valiers eurent un peu plus loin, à hauteur du village des Aït-Ikhelef des Meeheddala, à. vaincre une vive résistance que leur opposèrent les Kabyles de cette tribu, des Beui-Aïssi et des Beni-Yala qui s'étaient embusqués dans les bois d'oliviers qui bordent la rive droite de l'oued Sahel. Une partie de la cavalerie dut mettre pied à terre et elle exécuta, sur l'ennemi, des feux de peloton et d'escadron. Le général avait fait appuyer l'attaque par des feux d'artillerie, qui furent bien dirigés, et par l'entrée en ligne de quatre compagnies de zouaves sous les ordres du commandant Vitalis, lesquelles ont été fortement engagées.
Un peu en avant, le capitaine Guillemin, des éclaireurs, prenait aussi une vigoureuse offensive sur un autre groupe.
Peu après, l'ennemi, qui avait éprouvé de grosses pertes, se décida à fuir de toutes parts, laissant une partie de ses morts sur le terrain. De notre côté, les pertes étaient insignifiantes.
La route des Beni-Mançour se trouvant, dès lors, ouverte, la colonne reprit sa marche et, à midi 1/2, elle établissait son bivouac en avant du borj, délivrant enfin la garnison et les malheureux colons qui étaient restés étroitement bloqués depuis cinquante-deux jours. Les colons s'étaient portés au-devant de la colonne, les uns joyeux, les autres pleurant d'émotion.
Tout le monde, militaires et civils, était bien portant; un seul soldat de la garnison était malade de fièvres dont il avait été atteint plusieurs mois auparavant.
Le général put constater par lui-même que le bordj ne manquait ni de vivres, ni de munitions, ni d'eau et qu'il aurait pu facilement tenir encore douza à quinze jours sans se rationner autrement qu'on ne l'avait fait ; le lard seul faisait défaut.

Le général Cérez résolut de châtier sans retard le village des Cheurfa, situé à 3 kilomètres au nord du bordj, sur la rive gauche de l'oued Sahel, à l'extrémité des dernières pentes du Djurdjura. Les marabouts de ce village, dont la conduite pendant l'insurrection de 1856-1857 avait déjà été telle que tout leur territoire avait été mis sous le séquestre, s'étaient encore fait remarquer, en 1871, parmi nos adversaires les plus acharnés et c'était encore chez eux que se tenait Mohamed-ould-Kouider que Bou-Mezrag avait chargé de maintenir le blocus du bordj. Des rassemblements nombreux s'y étaient formés; c'était là que s'étaient ralliés les insurgés qui avaient été battus le matin à El-Margueb.
Vers 3 heures, le général envoya contre les Cheurfa une colonne légère sous les ordres du lieutenant-colonel Noellat, du 4e zouaves, et composée de 500 hommes d'infanterie, de 200 chevaux, d'une section d'artillerie et du goum. L'infanterie aborda le village de front, pendant que l'escadron de chasseurs d'Afrique du capitaine Ulrich l'attaquait par la droite; les éclaireurs algériens opéraient en même temps un mouvement tournant encore plus à droite de manière à venir couronner les crêtes qui dominent le village au nord. Ces derniers effectuèrent leur mouvement avec une audacieuse rapidité, mais les insurgés qui occupaient le village ne leur laissèrent pas le temps d'arriver, ils se sauvèrent en toute hâte dans les ravins ou remontèrent les crêtes du côté de Selloum. L'artillerie qui avait lancé des obus dans le village avait contribué à la déroute des défenseurs. L'infanterie put y entrer sans coup férir et elle se mit à la poursuite des fuyards, qui furent aussi serrés de près par les spahis et les chasseurs.
Les Kabyles éprouvèrent des pertes sérieuses; de notre côté, nous avions deux spahis tués et quelques hommes et chevaux blessés. Le village fut détruit avec tout ce qu'il contenait.(...)

Le général fit remettre le bordj en état, fit remplir la citerne et reconstitua les approvisionnements pour quarante-cinq jours.
Le village des Aït-bou-Ali, qui dominait la cour du bordj, fut rasé complètement, ainsi que les maisons trop voisines du fort, qui servaient d'embuscades aux Kabyles.
Le 28 mai, tous les villages des Beni-Mancour : Oulad-Zian, Tir'ilt, Taourirt, furent incendiés par les éclaireurs commandés par le commandant de La Roque.
Le général Cérez renforça de 25 zouaves la garnison du bordj, et il reprit avec sa colonne, le 29 mai, le chemin de Bouïra, emmenant tous les Européens, hommes, femmes et enfants, qui étaient restés bloqués, afin de les rapatrier à Aumale.(...)

Le 29 mai était le jour fixé par Bou-Mezrag pour l'attaque de la colonne, mais c'était aussi le jour où celle-ci se mettait en route pour aller opérer enfin le débloquement de Dra-el- Mizan, déjà plusieurs fois remis; aussi, lorsque les rebelles se présentèrent devant les Beni-Mançour, ils n'y trouvèrent plus la colonne qui s'était mise en route dès 5 heures du matin.
Le général Cérez s'attendait à une attaque, et il avait pris ses dispositions en conséquence; il avait mis toute sa cavalerie, moins un escadron d'éclaireurs, du côté de la plaine, sous les ordres du colonel Goursaud et, pour couvrir la marche du côté des terrains boisés de Hanif, il avait employé ledit escadron d'éclaireurs, commandé par le capitaine Rapp, et le goum sous les ordres du capitaine Abd-el-Kader-ouId-bel- Kassem; un bataillon de zouaves formait l'arrière-garde.
Quelques cavaliers ennemis se montrent d'abord sur la ligne de crête parallèle à la rivière sur laquelle sont bâtis les villages des Beni-Mançour; puis, vers 7 heures, une attaque sérieuse se prononce de ce côté.
Le général fait filer son convoi sous l'escorte de deux bataillons, puis il fait face à l'ennemi avec le reste de ses troupes. La cavalerie restant aux ailes, il masse l'infanterie au centre, sous les ordres du colonel Méric, en deux colonnes chacune de deux bataillons; une section d'artillerie marche avec chaque colonne. L'action devient bientôt générale, les assaillants, repoussés au centre par l'infanterie devant laquelle ils ne peuvent tenir, sont rejetés, partie dans la vallée, partie dans les bois de Hanif. Ces derniers sont poussés vigoureusement par le goum et les éclaireurs qui ont pu les tourner, soutenus par les zouaves du commandant Barberet, et ils sont poursuivis jusqu'à 3 kilomètres de distance; les nôtres les chargent le sabre à la main et leur font subir d'énormes pertes. Les éclaireurs et le goum ont rapporté 44 fusils pris à autant d'ennemis qu'ils ont tués; le khodja de Mokrani a été tué par le caïd Mohamed-ben-Brahim qui s'est emparé de son fusil et du cachet du bach-agha, cachet qu'on avait fait servir même après la mort de ce dernier.
Sur notre gauche, les chasseurs d'Afrique, l'escadron du 9e chasseurs et les éclaireurs, soutenus par les zouaves, abordent vigoureusement l'ennemi; le feu des zouaves a arrêté brusquement le goum ennemi qui osait tenter de charger l'escadron du capitaine Ulrich. Les contingents à pied, qui se sont embusqués dans les bois d'oliviers qui bordent l'oued Sahel, tiennent bon; les zouaves et tirailleurs du capitaine Sonnois, les chasseurs du 23e bataillon, sous les ordres du commandant Bayard, les attaquent vivement. Les chasseurs à pied arrivent les premiers, mais ils ont épuisé leurs cartouches; alors, par un vigoureux effort, les zouaves enlèvent la position. Le capitaine Sonnois a eu son cheval tué sous lui et a roulé dans un ravin.
Le combat continue encore d'assez près avec acharnement l'ennemi ne lâchant pied sur un point que pour se reformer un peu plus loin; enfin, les rebelles se débandent et s'enfuient poursuivis par nos balles, qui fouillent les buissons et les ravins, jusqu'au delà des premières crêtes qui dominent la vallée sur la rive gauche de l'oued Sahel.
L'artillerie a protégé les divers mouvements par des feux bien dirigés.
Des azibs appartenant aux Mecheddala et aux Beni-Aïssi sont livrés aux flammes.
Le combat avait commencé à 7 heures du matin et ce n'est qu'à 11 h. 1/2 que les contingents ennemis disparurent complètement.
Les pertes des insurgés ont été d'au moins 250 tués ou blessés grièvement; parmi ceux qui sont tombés étaient des personnages importants, à en juger par la beauté de certaines armes qui ont été recueillies. Un ancien amin-el-oumena des Beni-Yala, Sliman-ou-Saïd, qui a été un des principaux instigateurs de la révolte, a été tué à coups de baïonnette par les chasseurs à pied.
De notre côté il y a eu 1 mort et 15 blessés, dont 3 grièvement.
Les contingents des tribus se dispersèrent en emportant leurs morts ; Bou-Mezrag voulut en vain les retenir aux Meched-dala, on ne l'écouta pas. Ce chef d'insurrection qui, selon son habitude, n'avait pas eu une attitude brillante dans le combat, fut obligé de repartir pour les Beni-Abbès, poursuivi par les quolibets des Kabyles. Un témoin oculaire a affirmé au général qu'au fur et à mesure que nos balles portaient plus loin par suite des mouvements en avant de nos soldats, il prenait prudemment ses distances, ayant soin de se tenir toujours hors de leur portée. Il a passé dans une djamà d'un village éloigné de l'action les derniers moments de la lutte. Il a eu son cheval tué dans le combat, mais non pas sous lui; il venait de le quitter pour en monter un autre plus sûr et plus propre à le maintenir à bonne distance.
Après le combat, la colonne alla camper auprès du village des Oulad-Adjiba."


"Dra El Mizan 6 juin"

"Le 4 juin, la colonne va camper au confluent de l'oued Isser et de l'oued Djemaa et, le 5 juin, le temps, qui était toujours resté pluvieux, s'étant remis, la colonne se met en route à 9 heures pour aller débloquer Dra-el-Mizan investi par les Kabyles depuis quarante-sept jours.
Le général avait reçu avis que les hauteurs qu'il fallait franchir pour arriver à Dra-el-Mizan étaient fortement occupées par des contingents kabyles et que les crêtes et le col de Sidi- Rahmoun avaient été garnis de retranchements en pierres sèches; aussi avait-il pris, dès le départ, ses dispositions pour l'attaque. 11 avait laissé une garde très forte avec une section d'artillerie, sous les ordres du commandant Bayard, pour protéger l'énorme convoi qui suivait la colonne.
Arrivé à une centaine de mètres des crêtes de Sidi-Rah-moun, il fait former l'infanterie de chaque côté de la route en deux colonnes d'attaque, celle de droite dirigée par le lieutenant-colonel Noëllat, celle de gauche par le lieutenant-colonel Désandré, le tout sous les ordres du colonel Méric; l'artillerie étant placée de manière à soutenir l'attaque.
En même temps, le goum, un escadron d'éclaireurs, un escadron de chasseurs d'Afrique, un escadron du 9e chasseurs de France sont envoyés à l'extrême droite, sous le commandement du commandant de La Roque; à l'extrême gauche se trouve le reste de la cavalerie, sous les ordres du colonel Goursaud.
Le déploiement effectué, le mouvement en avant est commencé en même temps sur toute la ligne.
Les Kabyles, se voyant menacés d'être tournés par la cavalerie, abandonnent leur centre où ils avaient préparé leurs principaux moyens de résistance et le combat n'est soutenu avec vigueur que sur les deux ailes.
A droite étaient les Guechtoula, et les Zouaoua, conduits par Si-el-Hadj-Mhamed-el-Djadi, oukil de la zaouïa de Si-Abd-er-Rahman-bou-Goberin, étaient postés à Dra-Sellama vers la route de Dra-el-Mizan à Bouïra, où ils avaient préparé quelques barricades, entre autres celle d'un ponceau barré avec ses débris. De ce côté la résistance est très vive, les Kabyles font même des retours offensifs. Un caporal de zouaves est enveloppé, tué et dépouillé complètement et ses hommes arrivent à son secours juste à temps pour empêcher que son corps ne soit mutilé : trois hommes y sont blessés.
En face de notre gauche, sont établis les Nezlioua, les Flis-sat-oum-el-Lil, les Maatka, commandés par Ali-ben-Tallach, l'ancien caïd des Nezlioua ; de ce côté, la résistance est assez molle et elle ne devient un instant sérieuse qu'à un col qui était fortement retranché. Les rebelles sont bientôt délogés de toutes leurs positions et sont poursuivis vigoureusement par les éclaireurs, les chasseurs d'Afrique et par les zouaves du 4e de marche qui, ayant pu les atteindre, en tuent plusieurs à la baïonnette. Les zouaves, le goum et la cavalerie ont rapporté bon nombre d'armes.
On peut évaluer à plus de 4.000 hommes les forces de l'ennemi ; ses pertes ont dû dépasser 200 hommes. De notre côté nous avons eu 3 tués et 6 blessés et quelques chevaux blessés.
Pendant le combat, le convoi avait pu s'avancer en toute sécurité.
L'affaire terminée, la colonne continue sa route vers Dra-el-Mizan, où elle arrive à 3 heures. La population civile s'était portée au-devant de la colonne qu'elle a saluée de ses vivats tant était grande la joie de se voir libres et d'être débarrassés du cauchemar d'un ennemi toujours aux aguets dont on pouvait à tout instant redouter les attaques."


"A la colonne de Mr. le Colonel Goursaud, du 8 Juin"

"Le 7 juin, le général Cérez procéda à l'organisation de la colonne qui devait aller opérer dans la vallée de l'oued Sahel pendant tout le temps qu'il serait retenu par le général Lallemand; elle était ainsi composée :

M. Goursaud, colonel des éclaireurs algériens, commandant de la colonne;
M. de La Roque, chef d'escadrons, chef d'état-major;
M. de Saint-Germain, capitaine, employé à l'état-major;
M. Monthaulon, capitaine, employé à l'état-major;
M. Didier, capitaine, faisant fonctions de sous-intendant.

L'infanterie formait trois bataillons de marche :
1er bataillon de zouaves, commandant de Montlevant;
2e bataillon de la légion étrangère, commandant Gache;
3e bataillon de tirailleurs algériens, capitaine commandant Thomas.

La cavalerie était composée de trois escadrons, sous les ordres du commandant de La Roque :
ler escadron du 9e chasseurs, capitaine Lambert;
2e et 3e escadrons d'éclaireurs algériens, MM. Guillemin et Reynaud, capitaines.

L'artillerie était composée d'une section, commandée par le lieutenant Ecosse.

Services administratifs :
M. Lefort, médecin-major, chargé de l'ambulance ;
M. Sarda, comptable de l'ambulance;
M. Riss, comptable des subsistances ;
M. Lemoussu, capitaine du train, chef du convoi ;
M. Baudry, sous-lieutenant, adjoint au chef de convoi.
M. Courège, sous-lieutenant du train, vaguemestre général et grand prévôt.

Le général Cérez avait gardé une partie de l'escorte du convoi pour porter son infanterie à 2.500 hommes.
Le 8 juin, le général Cérez alla camper à Azib-Chikh, sur la route de Dra-el-Mizan à Tizi-Ouzou, et le colonel Goursaud alla camper à Ben-Haroun (...)
Le 8 juin, la colonne du colonel Goursaud, constituée à Dra-el-Mizan  (...), établissait son bivouac à Ben-Haroun; elle avait emmené avec elle la plupart des colons de Dra-el-Mizan pour les conduire à Aumale.
Le caïd des Harchaoua, Ahmed-ben-Aïssa, avait amené au gué de l'oued Djemaa les otages que la tribu devait fournir et les armes qu'elle devait livrer.
Quelques coups de fusil furent tirés pendant la nuit sur une grand' garde par les Oulad-el-Aziz qui, le lendemain, lorsque la colonne se mit en marche pour Bouïra, vinrent encore échanger des coups de feu avec nos flanqueurs.
Le 10 juin, la colonne était à Aumale où elle était allée se remettre en état, compléter son matériel et ses munitions, et prendre un ravitaillement. Le 12 juin, elle était à Aïn-Tiziret et, le 13, elle arrivait au caravansérail d'El-Esnam, où elle apportait un ravitaillement. La cavalerie avait poussé sa marche, le même jour, jusqu'à Bouïra où on avait craint une attaque des Oulad-el-Aziz et, n'y ayant trouvé aucun ennemi, elle avait rejoint le soir même au gîte d'étape. (...)
Le 15 juin, maigre; la proximité de la colonne Goursaud, Bou-Mezrag, suivi d'une centaine de cavaliers et des contingents des Ahl-el-Ksar, fondit tout-à-coup avec une audace incroyable sur les Beni-Âmar qui se trouvaient entre El Esnam et Aïn-Hazem et leur enleva 300 moutons, 15 bœufs et 8 chevaux. Quand le colonel Goursaud apprit cette razzia, les rebelles étaient déjà loin et hors de portée. La colonne était arrivée, ce jour-là, à Kaf-el-Ahmar. Le colonel se porta, le 16, à Aïn-el-Kharouba, le 17, à Itordj-Bouïra et, le 18, il alla s'établir à l'Oued-Berdi où il prépara une attaque contre la petite tribu des Ahl-el-Ksar, toujours insoumise. Cette tribu se trouvait sous la pression des contingents de l'Ouennour'a qui étaient rassemblés au Khemis des Ouled-Msellem.
Pour diviser l'attention de l'ennemi dans l'opération qu'il voulait effectuer, le colonel Goursaud demanda le concours de la colonne de Sidi-Aïssa (...)
La lettre que le colonel Goursaud avait écrite au lieutenant- colonel Trumelet pour lui demander le concours de sa colonne dans la matinéedu 19, ne parvint à cet officier supérieur que le 18 juin, à 8 heures du soir. Le théâtre de l'action était trop éloigné pour qu'on eût le temps d'y arriver avec l'infanterie; d'ailleurs, la colonne n'avait comme moyens de transport que des chameaux qui ne pouvaient être utilisés dans les terrains rocheux et difficiles qu'il y aurait eu à traverser; aussi, le lieutenant-colonel Trumelet dut-il se borner à envoyer, la nuit même, tous les goums qu'il avait à sa disposition et qui comprenaient : 300 chevaux du cercle de Médéa commandés par le capitaine Coyne, 150 chevaux du cercle de Boghar sous les ordres du capitaine Labayle et 150 du cercle d'Aumale conduits par le capitaine Cartairade. Les commandants des goums étaient trois officiers vigoureux, énergiques et hardis cavaliers ; c'était au capitaine Cartairade, le plus ancien de grade, que revenait le commandement dans l'opération à exécuter.(...)
Voyons maintenant ce qu'avait fait la colonne du colonel Goursaud.
Les troupes s'étaient mises en marche le 19, à 4h.1/2 du matin, et, au lieu d'arriver par la route directe, elles avaient pris à travers bois en suivant la ligne des crêtes et étaient arrivées sur les trois villages des Ahl-el-Ksar, d'un côté où la résistance n'avait pas été préparée. La diversion faite par les goums de la colonne du lieutenant-colonel Trumelet avait produit son effet : les Ahl-el-Ksar n'avaient à opposer à la colonne Goursaud que leurs propres forces. Les éclaireurs purent s'emparer, après une courte résistance, des positions dominantes, et les gens de la tribu prirent la fuite en faisant filer leurs troupeaux; quand le gros de la colonne arriva, les villages étaient déserts. Ces villages : Oulad-Rached, Oulad-abd-Allah et Zeriba, furent incendiés, et la maison de l'amin de la tribu, EI-Hadj-Mohamed-ben-Ammar, fut démolie.
Le colonel Goursaud ne passa qu'une seule nuit dans les Ahl-el-Ksar; le lendemain, il retourna à l'oued Berdi. Au moment du départ, une dizaine de cavaliers et une cinquantaine de piétons apparurent dans un des villages et tirèrent sans résultat quelques coups de lusil sur l'arrière-garde; on riposta par un feu de peloton qui abattit trois ou quatre hommes et mit les autres en fuite.
Après avoir sévi sur les Ahl-el-Ksar, le colonel Goursaud se dirigea sur Aumale pour y prendre un ravitaillement destiné à la garnison des Beni-Mançour. Arrivé à Aumale le 22, il en repartit le 24 juin pour aller camper à Aïn-Hazem. La cavalerie avait été envoyée seule, le 23, chez les Beni-Amar, qui s'étaient crus menacés par les dissidents; elle rejoignit la colonne à son bivouac le lendemain.
La colonne, prenant la route des Beni-Mançour, campa, le 25, à l'oued Berdi; le 26 à Adjiba, et elle arriva à destination le 27 juin.
Le lendemain, des contingents ennemis ayant été signalés dans les Beni-Abbès, la cavalerie reçut l'ordre de monter à cheval et d'aller faire une reconnaissance, soutenue par trois compagnies d'infanterie. L'ennemi fut rencontré à 3 kilomètres, chez les Beni-Houïdan; on tirailla quelque temps, puis les rebelles lâchèrent pied et disparurent, leur chef, Bel-Kassem-ou-Bettach, ayant été tué.
Pendant son séjour à Adjiba, le colonel Goursaud avait reçu la nouvelle que Saïd-ben-bou-Daoud s'était porté, à la tête de ses contingents, dans les environs de l'oued Okheris, d'où il menaçait d'un coup de main les Beni-Amar et les Beni-Iddou, et même les environs d'Aumale, et il avait demandé au lieutenant-colonel Trumelet de faire faire un mouvement à sa colonne pour couvrir les tribus d'Aumale du côté de l'est, pendant qu'il opérerait aux Beni-Mançour. (...)
Le colonel Goursaud avait encore fait séjour aux Beni-Mançour les 29 et 30 juin, pour recevoir des ouvertures de soumission qui lui étaient faites par les Ahl-el-Ksar, les Sebkha, les Mecheddala, les Beni-Mellikeuch et les Beni-Abbès. Les négociations avaient été laborieuses et elles n'avaient pas abouti complètement, car il n'y avait encore que des sofs isolés qui se présentaient, et on ne pouvait rien arrêter définitivement. 
Pendant le séjour de la colonne Goursaud aux Beni-Mançour, un de nos meilleurs chefs indigènes, qui nous avait montré, dans ces circonstances difficiles, une fidélité inébranlable, était tombé victime du devoir : c'était le caïd des Oulad-Bellil, Mahmed-ben-Mançour, dont j'ai eu plus d'une fois l'occasion de parler.(...)
Le colonel Goursaud avait à cœur de venger la mort de notre fidèle serviteur; il quitta les Beni-Mançour le 1er juillet et arriva à Bouïra le 3, avec sa colonne."


"Col de Teniet Djaboub 4 juillet"

"Les contingents des Oulad-el-Aziz, auxquels s'étaient joints ceux des Guechtoula, du cercle de Dra-el-Mizan, s'étaient réunis au col de Djaboub, point du Djudjura à partir duquel commencent les crêtes rocheuses et inaccessibles de cette chaîne de montagnes; le colonel Goursaud résolut de les y aller chercher et il partit, à cet effet, de Bouïra, le 4 juillet, à 4 heures du matin. La route à suivre a des pentes très rapides, mais elle ne présente pas, par elle-même, de difficultés bien considérables dans la plus grande partie de son parcours.
La position de l'ennemi, déjà très forte naturellement, avait encore été admirablement retranchée par les Kabyles; il n'y avait pas moins de quatorze barricades sur le chemin étroit et escarpé qui conduit au col, et la crête était défendue par un système de trois retranchements superposés, vraiment considérables.
La cavalerie ne pouvait rendre que peu de services dans un pareil terrain, et le colonel Goursaud dut en faire mettre une partie à pied pour concourir, avec l'infanterie, à l'attaque de la position. Il était 7 heures du matin quand on commença à prendre les dernières dispositions pour l'assaut.
Pendant que la cavalerie à pied, une compagnie de zouaves et deux de tirailleurs abordaient de front la position, sous la protection des feux de l'artillerie, trois autres compagnies, une de zouaves, une de la légion étrangère et une de tirailleurs gravissaient hardiment une crête très abrupte, d'où l'on pouvait prendre à revers les retranchements de l'ennemi. Ce dernier mouvement détermina la fuite des Kabyles qui, jusque-là, s'étaient défendus avec un acharnement qu'ils n'avaient pas montré dans les rencontres précédentes; ils lançaient des pierres et faisaient rouler des blocs de rocher, dont l'un a écrasé un tirailleur.
Deux positions dans lesquelles ils ont encore essayé de se maintenir, à une certaine distance du col, ont été enlevées quelques instants après par la légion étrangère et les zouaves. Les Kabyles ont été vigoureusement poursuivis dans toutes les directions.
Les troupes de cette petite colonne, énergiquement enlevées par leurs officiers, ont été admirables d'entrain et de bravoure.
On eut à regretter la mort d'un jeune officier de tirailleurs, le sous-lieutenant Crouzet, qui a été tué à bout portant, en enlevant une barricade à la tête de sa section. Le capitaine Thomas, des tirailleurs, a reçu trois blessures, dont une a entraîné l'amputation d'un bras. En outre, nous avons eu 2 hommes tués et 19 blessés; 3 chevaux ont été tués et 2 mulets ayant roulé dans un ravin se sont tués.
L'ennemi a éprouvé des pertes importantes, à en juger par les traces de sang qu'on trouvait dans toutes les directions; sur un seul point étaient entassés une centaine de cadavres qui n'avaient pu être emportés.
Dès 10 h. 1/2, la colonne avait conquis son terrain de campement qui était un petit plateau appelé Mehallet-Ramdan, traversé par la route deTeniet-Djaboub, mais la poursuite des fuyards fut encore longue; le canon se faisait encore entendre à 3 heures, et les derniers coups de fusil furent tirés à 5 heures.
Le bois pour la cuisson des aliments, le diss pour les animaux étaient en abondance, mais l'eau se trouvait à 2 kilotres, dans le lac minuscule des Oulad-el-Aziz. En aménageant des sources situées à côté du camp, on put, plus tard, construire un abreuvoir plus commode.
C'est sur le même emplacement, que la colonne du général Yusuf a bivouaqué pendant cinq jours, en septembre 1856.
De ce point élevé (cote 1308), on apercevait tout le cercle de Dra-el-Mizan, une partie de celui de. Tizi-Ouzou et toute la portion supérieure de la vallée de l'oued Sahel.
La colonne du colonel Goursaud resta pendant un certain temps en observation à ce campement, en se ravitaillant à Bouïra"


"Beni Kouffi 8 juillet"

"Les tribus des Beni-Sedka et des Guechtoula, impressionnées par les succès obtenus par le général Lallemand et par l'apparition, après un brillant combat, de la colonne Goursaud au Mehallet-Ramdan, témoignèrent immédiatement du désir de faire leur soumission et les négociations furent entamées.
Le 8 juillet, le général Cérez s'avança jusqu'à Aïn-Soultane, dans la tribu des Mechtras. Chikh-el-Djadi, oukil de la zaouïa de Si-Abd-er-Rahman-bou-Goberin, dès l'arrivée de la colonne, écrivit au général pour lui demander l'aman, mais en y mettant certaines conditions; le général lui répondit qu'il devait se rendre à discrétion, lui garantissant seulement la vie sauve. Le marabout ne tarda pas à arriver et à se constituer prisonnier, amenant avec lui l'amin-el-oumena des Beni- Smaïl, Mohamed-ou-el-Hadj-bel-Kassem, Amar-ou-Ahmed, des Beni-Mendès, qui jouissait dans le pays d'une certaine influence religieuse, et des députations des tribus des Beni-Koufi et des Beni-Mendès qui demandaient à se soumettre. Les fractions des Aït-Ali et d'Irzer-Nchebel, des Beni-Koufi, montrèrent des prétentions inadmissibles; elles voulaient bien faire leur soumission, seulement elles refusaient de donner des otages, de livrer leurs fusils et elles prétendaient ne payer qu'une infime contribution de guerre; le général comprit qu'il serait obligé de les réduire par la force.
(...) le général Cérez porta son camp, le 10 juillet, dans les Beni-Smaïl, à côté de la zaouia de Si-Abd-er-Rahman-bou-Goberin ; l'apparition des nos troupes au tombeau vénéré de leur marabout impressionna vivement les Kabyles.
Le but du général, en se transportant sur ce point, était de préparer son attaque contre les Aït-Ali. Quant au village d'Irzer-Nchebel, qui est situé au fond d'un ravin, il n'y avait pas à s'en occuper, car il ne pouvait pas être défendu. Les villages des Aït-Ali sont situés sur un contrefort qui se détache des sommets rocheux du Djurdjura et qui est placé entre deux profonds ravins, acif Tala-ou-Lili et acif Iberkoken, qui en font comme une citadelle au milieu des montagnes. Dans cette position que la nature avait rendue très forte et à laquelle ils avaient encore ajouté des retranchements, les Kabyles se croyaient inexpugnables; ils se rappelaient bien que leurs villages avaient déjà été emportés d'assaut en 1856 (le 24 septembre), mais ils avaient été attaqués par les deux divisions Renault et Yusuf qui comptaient 9.000 hommes, tandis qu'ils n'avaient affaire aujourd'hui qu'à une petite brigade. D'ailleurs, tous les fanatiques du pays et les insurgés des Beni-Yala, Oulad-el-Aziz, etc., s'y étaient donné rendez-vous et pesaient sur les décisions des gens de la tribu.
Sans hésiter un instant, le général résolut d'aller les attaquer dans leur repaire. Le 11 juillet au matin, il quitta son camp avec 1.500 hommes d'infanterie, 6 pièces d'artillerie, un peu de cavalerie et une partie du goum, le reste des troupes étant chargé de la garde du camp. Arrivé en face des Aït-Ali il fit ouvrir des feux d'artillerie dont le tir précis, dirigé par le capitaine Bury, balaya le terrain ; il fit ensuite commencer l'attaque par le 4e zouaves de marche (bataillons Huas et Barberet), le 4ezouaves (lieutenant-colonel Xoëllat et commandant Vitalis) et le 23e bataillon de chasseurs à pied du commandant Bavard. A gauche, le goum et un peloton d'éclaireurs empêchaient l'ennemi de tourner notre attaque; à droite, le colonel Goursaud, sur l'ordre du général Cérez, avait pu, du Mehallet-Ramdan s'avancer, par des chemins affreux pour occuper les hauteurs qui dominent les Aït-Ali, et leur couper la retraite par les pentes sud du Djurdjura.
Pour arriver aux Aït-Ali, les troupes d'assaut devaient descendre au fond d'un ravin d'une profondeur de 200 à 300 mètres, puis remonter de l'autre côté par des pentes abruptes, rocheuses, couvertes de broussailles. Ces difficultés ne purent arrêter l'élan des troupes, qui avaient encore à endurer une chaleur excessive.
Malgré une résistance vive et tenace, les villages furent enlevés et livrés aux flammes avec tout ce qu'ils contenaient. Cette exécution faite, les troupes se retirèrent sous la protection de l'artillerie. En outre de ses pertes matérielles, l'ennemi a eu bon nombre de tués et de blessés dont il est impossible d'évaluer le chiffre. Nos pertes ont été de 2 zouaves tués et 9 blessés dont 2 grièvement; 2 officiers étaient contusionnés."


"Beni Meddour 17 juillet"

"Après l'affaire des Aït-ou-Ali, du 11 juillet, la colonne du colonel Goursaud était encore restée au Mehallet-Ramdan, où elle continuait à sévir contre les tribus insoumises à sa portée, incendiant leurs villages et détruisant leurs récoltes. Le 15 juillet, l'escadron du 9e chasseurs et un escadron d'éclaireurs étaient allés ravager les récoltes des Merkalla et y opérer une razzia.
Le 17 juillet, la colonne Goursaud se trouva en partie désorganisée par suite du départ de l'escadron du 9e chasseurs, rappelé à Miliana à cause de l'insurrection des Beni-Menasser, du bataillon du 2e zouaves et de celui de la légion étrangère rappelés à Oran. Ces troupes devaient être remplacées à la colonne par 800 hommes du 11e de marche.
Le 18 juillet, la colonne Goursaud quitte son camp de Mehallet-Ramdan et va s'établir à l'oued Tassala, dans les Merkalla. Le 20 au matin, 500 hommes de la colonne brûlent les villages des Merkalla et des Beni-Meddour, pendant que la cavalerie et les mulets du convoi de la colonne Cérez, qui est arrivée le jour même à Bouïra, enlèvent leurs orges sur pied. Les insurgés, après un engagement dans lequel ils ont été très éprouvés et où nous avons eu seulement 2 blessés, se sont enfuis en masse vers les crêtes du Djurdjura. Les Oulad-el- Aziz ont fait leur soumission et se sont réinstallés, mais les Merkella et Beni-Meddour ne sont encore venus à nous qu'en partie. Un sof des Beni-Yala a demandé l'aman et a livré des otages, mais le reste de la tribu est toujours en état de rébellion."


"Beni Yala, 2 août."

"Les derniers rebelles du versant sud du Djurdjura étaient confinés dans la montagne et la tranquillité était si bien revenue dans la région que le colonel Goursaud put décider, à la date du 26 juillet, la réouverture du marché des Arib et du marché de Bouïra, qui étaient fermés depuis le mois de mars.
Comme il importait d'en finir le plus tôt possible avec les Beni-Yala, le 31 juillet, le colonel Goursaud se transporta avec sa colonne à Tir'eremt sur l'acif-el-Gentour (la carte porte Tiharamt), où on commence à entrer dans la partie fortement escarpée des Beni-Yala. L'avant-garde fut accueillie par les rebelles à coups de fusil, mais quelques feux de peloton suffirent pour les disperser.
Le 2 août, le commandant de La Roque dirigea une reconnaissance dans la montagne et trouva les révoltés au col de Tamziant, où ils avaient élevé des retranchements en pierres sèches. L'artillerie bouleversa ces ouvrages qui furent ensuite abordés de front par les éclaireurs, pendant que les tirailleurs, gagnant la crête, se portaient sur le flanc de la ligne de défense, forçant les Kabyles qui l'occupaient à l'abandonner. L'ennemi eut une vingtaine d'hommes hors de combat; de notre côté, il y avait eu un tirailleur tué et quatre blessés. Au retour, les Kabyles s'attachèrent à la poursuite de la colonne et il fallut leur envoyer quelques obus pour les tenir à distance.
Le 4 août, une nouvelle reconnaissance fut conduite par le commandant Moulin jusqu'aux crêtes boisées de Sameur, où les rebelles s'étaient réfugiés et retranchés. Ceux-ci furent délogés après un engagement assez sérieux, où ils eurent vingt tués, tandis que, de notre côté, il n'y avait eu qu'un seul blessé.
Cette leçon ne fut pas encore suffisante pour vaincre l'obstination des Beni-Yala et le colonel Goursaud dut aller les combattre sur le terrain même où avait été les relancer le colonel Canrobert en juillet 1849. Le 6 août, la colonne porta son camp à Sameur près de la source d'Aïn-Isly, dont les Beni-Yala avaient besoin pour abreuver, dans cette saison, leurs nombreux troupeaux. Les dissidents, démoralisés et se voyant près d'être forcés dans leurs derniers repaires, commencèrent des démarches de soumission et ils avaient déjà livré des otages et une partie de leurs armes, lorsque, poussés par quelques fanatiques irréconciliables et par les contingents des Beni-Irguen et d'autres tribus du versant nord du Djurdjura, ils refusèrent d'exécuter les conditions qui leur avaient été imposées.
Les rebelles occupaient les rochers escarpés et boisés de Taouïalt, contrefort du Djurdjura qui s'élève à une altitude de 1753 mètres; c'est là qu'il fallut aller les chercher. Cette opération eut lieu le 10 août ; nos troupes n'eurent pas à vaincre d'autres difficultés que celles du terrain. Les Beni-Yala se décidèrent alors à faire leur soumission complète, et, du même coup, la pacification de toutes les tribus du versant sud de Djurdjura se trouva achevée. Ces tribus remirent au colonel Goursaud 840 fusils et livrèrent 164 otages pour garantir la rentrée de la contribution de guerre.
Le colonel Goursaud crut nécessaire de donner aux Beni-Yala un chef énergique, pris en dehors de la tribu, et dégagé, par conséquent, de toutes les considérations de sof et il fit choix d'un officier des éclaireurs algériens nommé Mohamed-ben-Dagma, qui lui parut réunir les conditions nécessaires pour ce difficile commandement; le nouveau chef, qui eut le titre de caïd, s'installa au caravansérail d'EI-Esnam. Quant au vieux Bou-Dehen qui n'avait plus l'influence et l'énergie nécessaires pour se faire obéir par les Beni-Yala, on lui donna comme compensation le commandement du douar d'El-Berdi, dans les Beni-Amar, en remplacement de Sliman-ben-Chennaf."


L'insurrection touche alors à sa fin et le Corps des Eclaireurs Algériens sera bientôt licencié. 

"La mission du colonel Goursaud dans l'Oued-Sahel étant terminée, il se porta dans la vallée de l'Isser pour activer la rentrée des contributions de guerre et il occupa quelque temps le camp d'Aïn-Zeberboura. Les éclaireurs algériens ayant été licenciés, le colonel Goursaud rentra à Alger et sa colonne fut réduite à un bataillon de 700 hommes du 11e provisoire, sous les ordres du commandant Moulin. Cette petite colonne, après avoir séjourné près de Palestro, fut envoyée, pour des raisons de salubrité, à Ben-Haroun et elle fut définitivement licenciée dans le courant de novembre.

Voici l'ordre général dans lequel le général Wolff a rappelé les brillants services rendus par les éclaireurs algériens pendant la guerre contre l'Allemagne et dans la répression de l'insurrection algérienne.
"Au quartier général, à Alger, le 9 septembre 1871.
Le régiment d'éclaireurs algériens est licencié, conformément aux ordres du Ministre de la guerre.
Le général chargé de l'expédition des affaires militaires de la colonie ne veut pas prononcer sa dissolution sans rappeler les services qu'il a rendus.
Créé par décret du 19 octobre 1870, ce corps, recruté dans les trois provinces de l'Algérie, entrait en ligne à l'armée de la Loire à la lin de novembre, grâce à l'impulsion donnée à son organisation par le colonel Goursaud. Il assistait aux combats de Saint-Peravy, Patay, Les Ormes, Josnes, Vendôme.
Le 31 décembre, le Ministre signalait sa belle conduite au combat de Varennes. Ce corps a lutté ensuite à Savigny, à Vencé, au Mans, à Conlies, à Sillé-le-Guillaume.
La guerre terminée en France, le régiment rentrait en Algérie où il a été de suite employé contre l'insurrection et, dans les combats de Teniet-Oulad Daoud, Oued-Bezzit, Sidi-Rahmoun, Teniet-Djaboub, Beni-Mançour, Dra-el-Mizan, Icheriden, il a montré ce qu'on pouvait attendre de sa vigueur et de sa bonne discipline.
Aussi je vois avec regret licencier ce corps et je suis heureux d'adresser mes félicitations aux officiers, sous-officiers et éclaireurs algériens sur l'énergie qu'ils ont montrée dans les dangers et les fatigues de cette campagne.
Le général de division chargé de l'expédition des affaires militaires de la colonie, Signé : Wolff."


Reynaud de Villeverd réintègre donc les rangs du 2e Spahis
Le 19 Janvier 1875, il épousera à Aix Marie-Joséphine de Foresta (née le 30 Mai 1832), fille de Marie-Joseph,  Marquis de Foresta, et de Marie-Charlotte-Léon-Suzanne-Thècle-Sosthènes d'Ourches (avec autorisation ministérielle du 12).

Le 5 Avril de la même année, il sera promu Chef d'Escadrons et affecté au 2e Hussards, "Chamborant".
Le régiment part pour l'Algérie en 1879 ; Reynaud y retourne le 19 Octobre 1880.

L'Inspecteur Général lui donne pour 1881 et 1882 des notes éloquentes :
1881 - "Sert avec conscience et avec goût. Mr de Reynaud est extérieurement bien, son honorabilité, sa tenue, sa manière de servir ne laissent rien à désirer. Il est parfaitement élevé. Quoiqu'il semble un peu lourd il monte à cheval vigoureusement et il peut résister aux fatigues de la guerre la plus active. Il peut être regardé comme un bon officier supérieur et il deviendra probablement chef de corps. Il est digne d'arriver au commandement d'un régiment. Il a beaucoup de campagnes et quoiqu'ayant servi longtemps aux spahis, il s'est mis au courant de tout ce qui concerne les règlements et il a étudié sérieusement les questions élevées de l'art militaire. Il sait mettre ses études à profit." 

1882 - "Encore très vigoureux et plein d'entrain. Intelligent, très militaire. Aurait fait un très on chef de corps. Il est regrettable que son âge lui laisse peu d'espoir d'arriver.
Animé du meilleur esprit - Ayant au plus haut degré le sentiment du devoir."

Reynaud est fait Officier de la Légion d'Honneur le 29 Décembre 1882.
Ses notes montrent que ses chefs tentent de le soutenir pour l'obtention de la direction d'un dépôt de remonte :
1883 - "J'estime que M. de Reynaud de Villeverd est un vigoureux soldat et que ses connaissances professionnelles et son expérience le rendent apte à faire un bon Lt.-Colonel."

Ces tentatives n'aboutiront pas ; Reynaud rentrera d'Algérie le 17 Mars 1884, et prendra sa retraite le 16 Mai suivant.


A l'Armée Territoriale.

Il servira encore quelques années au sein de l'Armée Territoriale, qu'il rejoint le 5 Septembre 1884, commandant les escadrons de Cavalerie Légère de la 16e Région.
Son livret de la territoriale reprend son signalement, toujours amusant à lire en regard de la photographie :

Cheveux et sourcils châtains,
Yeux bleus ;
Front haut ;
Nez droit ;
Bouche moyenne ;
Menton rond ;
Visage ovale ;
Taille de 1m70

Ses notes d'inspection pour 1888 sont élogieuses :
"Officier vigoureux et réellement distingué, d'un esprit sérieux et toujours occupé de son commandement, Monsieur de Reynaud dirige ses escadrons avec une méthode, un esprit de suite et une entente faits pour inspirer pleine confiance à ses chefs".

Toutefois, "ayant accompli le temps de service exigé par la loi du 22 juin 1878", Reynaud de Villeverd "exprim(e) le désir de n'être pas maintenu dans (sa) position actuelle" en Mai 1889.
Il est rayé des cadres le 24 Mai 1889, se retirant à Villefranche (Rhône).
Henri Reynaud de Villeverd décède le 21 juillet 1911, à Nice.