1870
: les Eclaireurs Algériens à l'Armée de la Loire.
En octobre 1870, les Spahis forment les corps d'Éclaireurs Algériens
qui viendront en France sur les champs de bataille de la Loire.
L'Historique du 3e Spahis relate :
"Chaque province devait
organiser un escadron de 300 cavaliers volontaires ; les spahis
réguliers devaient fournir une partie des cadres et un détachement
destiné à servir de noyau d'organisation ; le reste était recruté
parmi les cavaliers des goums, sous les ordres d'officiers des affaires
indigènes et de quelques caïds ou cheicks, nommés officiers ou
sous-officiers auxiliaires."
Reynaud, alors Capitaine Commandant l'escadron de marche du 2e Spahis, quitte l'Algérie le 19 Novembre pour faire campagne contre
l'Allemagne, à la 2e Armée de la Loire.
Il y sert comme Capitaine en
Second à l'escadron des Eclaireurs Algériens de la Province d'Oran.
Il participera dès lors à de nombreuses actions :
"A rejoint l'armée (corps du
Général de Sonis) à Coulmiers, le 1er Décembre et pris part aux
combats ci-après : Patay-St.Péravy, 3 et 4 Décembre. Retraite de
Beauce. Combats de Cravant-Cernay-Ourcelles-Josnes-Serqueu, du 7 au 11
Décembre - Oucques, engagement d'arrière-garde le 13 Décembre.
Vendôme 14 et 15 Décembre. Opérations en avant de Montoire avec la
Division du Général Jouffray. Combats de Varennes le 31 Décembre.
Montoire le 5 Janvier 1871. Savigny, 7 Janvier. Conlie,
Sillé-le-Guillaume 13 et 14 Janvier. Service d'Éclaireurs en avant des
lignes de la Mayenne, à Montoire et Evreux, jusqu'à l'armistice."
Illustrons ces différents épisodes de la
Campagne de la Loire...
(les textes qui suivent sont, sauf mention contraire, extraits de
"Campagne de 1870-1871, la deuxième Armée de la Loire" du
Général Chanzy).
"Patay-St.Péravy,
3 et 4 Décembre."
Extraits de "Campagne de la Loire en 1870-1871" de Barthélemy Edmond Palat :
"Un corps d'éclaireurs algériens, arrivé à Saint-Péravy le 2 décembre, envoie cent chevaux au général de Tucé à Patay ; les trois cents autres restent avec le général Michel près de
Tournoisis.(...)
Cependant les batteries à cheval de la 2e division de cavalerie
se sont avancées jusqu'à Bois-Girard ; elles obligent à la retraite
celles de Morandy. Les escadrons prussiens atteignent également ce
dernier point ; vers 1 heure, en traversant la route de Châteaudun, la
4e brigade est brusquement attaquée sur son flanc gauche par de la
cavalerie sortie d'Ormes. En même temps un escadron d'éclaireurs
algériens charge sur elle du nord de ce village. Mais trois escadrons
du 5e hussards prussien font face à nos spahis et les rejettent après
une courte et sanglante mêlée. Le reste de nos cavaliers reflue vers
Ingré, où ils sont heureusement recueillis par une partie de la
division Peytavin.(...)
En apprenant l'arrivée de Jauréguiberry vers Coinces, von der Tann
se borne à disposer au nord de Bricy, face à l'ouest, la 3° brigade
d'infanterie bavaroise, ses deux régiments de cuirassiers et sa
réserve d'artillerie ; au même moment la brigade de cavalerie von
Bernhardi (9e) et les batteries de la 4e division s'avancent du sud-est
sur Coinces.
Cependant Jauréguiberry marche sur Bricy : le 75e mobiles, les
éclaireurs algériens du général de Tucé et les deux batteries
venues de Patay forment son arrière-garde. En outre d'une chaîne de
tirailleurs, la brigade de Tucé couvre leur flanc gauche. A ce moment
(1 heure environ), en marchant de Huêtre sur Coinces avec quatre
escadrons de la 9e brigade, von Bernhardi se heurte à une partie de nos
cavaliers. Ceux-ci dirigent sur l'ennemi un feu dé salve de pied ferme,
puis se retirent sur Saint-Péravy. Un escadron de uhlans traverse alors
nos tirailleurs et se jette sur le flanc gauche de la brigade de Tucé ;
un autre charge son flanc droit. Notre cavalerie cède devant cette
double attaque. Heureusement le feu du 75e mobiles ne tarde pas à
arrêter l'ennemi, que nos cent éclaireurs algériens ont attaqué de
flanc, à deux reprises. L'un des régiments du général von Bernhardi
et la 8e brigade se dirigent alors sur Patay, qu'ils occupent presque
sans résistance."
"Combats de
Cravant-Cernay-Ourcelles-Josnes-Serqueu, du 7 au 11
Décembre"
"INSTRUCTIONS DU 5
DECEMBRE.
Au grand quartier général de Josnes, le 5 décembre 1870.
"Une décision du ministre de la guerre en date du 5 décembre
investit le général Chanzy du commandement en chef des 16e, 17e et 21e
corps, et de la défense de Vendôme à Beaugency, par la forêt de
Marchenoir. (...)
Les éclaireurs algériens du capitaine Laroque se porteront à Gravant
et éclaireront tout le pays en avant des positions du 16e et du 17e
corps.
Le capitaine Bernard, avec son escadron, se portera en soutien à
Cernay, se reliant avec Gravant et Ourcelles.
Dix spahis, commandés par un maréchal des logis, seront envoyés au
grand quartier général.(...)"
"INSTRUCTIONS DU 6 DECEMBRE.
Au grand quartier général de Josnes, le 6 décembre 1870.
" (...) Les éclaireurs algériens, en position à Cravant, n'ont rien signalé sur le front de l'armée. (...)"
"INSTRUCTIONS DU 7 DÉCEMBRE.
Josnes, le 7 décembre 1870.
L'ennemi, parti ce matin des positions qu'il occupe depuis
la Chapelle, par Baccon, jusqu'aux environs d'Ouzouer-le-Marché, a
essayé une attaque générale de nos lignes. (...)
II est probable que l'ennemi tentera demain un nouvel effort sur nos
lignes. Au jour, la cavalerie des 16e et 17e corps et les éclaireurs
algériens pousseront des reconnaissances dans les conditions
indiquées aux instructions d'hier, pour reconnaître la force et les
emplacements de l'ennemi, et pour signaler tous les mouvements qu'il
pourrait exécuter. (...)
Demain au jour, la division Camô fera réoccuper les positions,
de Messas à la Loire ; les éclaireurs algériens se porteront
à Cravant, si ce village n'est pas gardé par l'ennemi; la division de
cavalerie du 17e corps les fera appuyer par deux escadrons qu'elle
placera à Cernay, où doit se trouver déjà un avant-poste de la 2e
division du 11e corps
8 DECEMBRE 1870 :
"Le 8 avant le jour, toutes les positions indiquées précédemment
avaient été prises, les convois engagés sur les directions qu'ils
devaient suivre en cas de retraite, et les troupes étaient partout sous
les armes, lorsque l'ennemi fut signalé en forces sur tout notre front.
Les avant-postes de cavalerie de Villermain l'indiquaient marchant sur
Poisly, tandis que les éclaireurs algériens, qui avaient
couché au Grand-Châtre, annonçaient des colonnes nombreuses marchant
sur Cravant. C'était une attaque générale qui se préparait.
Elle commença à huit heures sur la division Collin (...)
Dès le matin également, la 1ere division du 17e corps (général
Roquebrune) s'était avancée au delà de Villemarceau sur Villevert et
Villechaumont avec tant de promptitude et d'ensemble, que l'amiral
n'hésita pas à lui faire commencer l'attaque dès qu'il entendit le
canon de la 3e division du 17" corps sur Gravant, et qu'il
s'aperçut qu'un bataillon du 51e de marche de la 2e division venait
d'enlever Cernay. Ce mouvement offensif, bien conduit par le général
de Roquebrune, quelque retardé qu'il fût par une résistance
opiniâtre, nous porta jusqu'à Beaumont. Là l'ennemi, renforcé vers
midi, disputa vivement le terrain et refoula même un moment nos
colonnes. L'amiral donna alors au général Deplanque l'ordre d'appuyer
cette colonne avec toute sa division, qui repoussa promptement les
Allemands jusqu'au Mée. Ce secours permit au général de Roquebrune de
rallier ses troupes qui avaient le plus souffert, et de porter en avant
celles qu'il avait tenues jusque-là en réserve. Pendant ce temps, la
2° division du 17e corps, déployée en arrière de Cernay qu'occupait
un de ses bataillons, se maintenait en position, et le tir bien réglé
de ses pièces faisait taire les batteries de Cravant, dont le matériel
eut beaucoup à souffrir. Toute fois, rien ne se dessinait; le général
en chef songea alors à tenter un coup décisif avec la cavalerie du 17
corps qu'il avait sous la main, en essayant de percer le centre de
l'ennemi sur ce point qui paraissait le plus faible, et où son feu
s'était considérablement ralenti. Cette cavalerie pouvait en effet
s'avancer facilement en se dissimulant dans une série de larges
dépressions qui, partant du château de Serqueu, arrivent presque sans
interruption au moulin de Cernay. Néanmoins, avant de tenter ce
mouvement qui devait être appuyé par des masses d'infanterie et
d'artillerie, les éclaireurs algériens furent lancés en avant
pour reconnaître la position et la force réelle de l'ennemi. Les
premiers arrivés sur la crête aperçurent des colonnes profondes et de
nombreuses batteries qui accueillirent par une grêle d'obus et de
mitraille l'escadron dès qu'il apparut. L'ennemi était donc trop fort
et trop peu entamé pour lancer sur lui la cavalerie.
Amédée Delorme témoigne de ce combat du 8
décembre (in "Journal d'un Sous-officier") :
"Nous étions cependant maintenus en première réserve,
pour coopérer d'un moment à l'autre à l'attaque du centre ennemi. Sur
l'ordre du général en chef, deux escadrons de grosse cavalerie de
notre corps devaient se masser à l'abri des maisons de Cernay, et, avec
un peloton d'éclaireurs algériens commandés par le capitaine
Laroque, s'élancer de là sur les positions de Beaumont. Mais il
fallait que la préparation de ce mouvement se fît avec prudence, sans
attirer l'attention. Les cuirassiers, lourds, imposants, comme des
statues de pierre, dans leurs blancs manteaux aux plis rares,
défilèrent deux par deux, à la suite du goum tout fringant dans ses
flottants burnous rouges, le long d'un sentier couvert par un repli de
terrain. Les suivant curieusement des yeux pendant qu'ils s'engageaient
dans le village, nous attendions qu'ils eussent fait leur oeuvre pour
accomplir la nôtre.
(...)
Il me serait impossible de dire combien de temps dura notre attente.
Mais voici les éclaireurs algériens, qu'une bordée de mitraille a
ramenés. Trop longue est la distance à franchir dans la zone
dangereuse du tir. Tous les chevaux auraient été fauchés en chemin,
pas un homme ne serait arrivé sur les batteries de Beaumont. Les
Africains s'éloignent d'ailleurs en caracolant, comme à la fantasia.
Plus gravement s'écoule, au petit trot, la double file des Gros
Frères, qui vont attendre une occasion meilleure dans la direction d'Ourcelles.
Tous semblent un instant grandir en franchissant la crête d'un coteau
au delà duquel ils disparaissent brusquement, comme s'ils s'étaient
abîmés dans un ravin ou évanouis dans la brume."
"INSTRUCTIONS POUR LA JOURNÉE DU 10 DÉCEMBRE.
Au grand quartier général de Josnes, le 9 décembre 1870.
Aujourd'hui l'ennemi, qui après la journée d'hier avait
couché à proximité de nos avant-postes, a de nouveau essayé une
attaque de nos lignes.(...)
Partout les troupes ont fait bonne contenance ; on n'a pas
perdu un pouce de terrain, et l'armée couche sur ses positions de ce
matin. C'est là un résultat des plus importants. L'ennemi rassemblant
toutes les forces dont il dispose, a tenté vainement, pendant trois
jours de suite, de nous culbuter; ses efforts ont été vains. Ce succès
prouve que nous pouvons lui résister et doit nous rendre la confiance.
Il fout donc se préparer à un nouvel effort, s'il est nécessaire. A
cet effet, les éclaireurs
algériens reconnaîtront, demain au jour, Cernay et Cravant,
tandis que le général Michel poussera des reconnaissances dans la
direction de Villermain et de Binas, et que la cavalerie du 17e corps
s'assurera des positions de l'ennemi de Villorceau à Beaugency."
"Afin d'éviter l'encombrement dans Vendôme, l'intendant de
l'armée reçut l'ordre de ne conserver sur ce point que les vivres
nécessaires pour assurer pendant quelques jours les approvisionnements,
les grands magasins devant être reportés au Mans, où il y avait lieu
de réunir les transports suffisants pour diriger successivement sur les
divers corps de l'armée ce dont ils auraient besoin.
Le mouvement devant continuer le 11 dès le matin, le général en chef
donna de son quartier général de Talcy 'es instructions ci-après :
INSTRUCTIONS DU 11 DÉCEMBRE.
Au grand quartier général de Talcy, le 11 décembre 1870.
Demain, l'armée continuera son mouvement de retraite sur
Vendôme, de manière à venir occuper après-demain la route de
Vendôme à Blois, de Sainte-Anne à Malignas, et à prendre position le
long de la Houzée et sur la rive droite du Loir jusqu'à Prélevai.
(...)
Le général Jaurès fera faire par sa cavalerie et la brigade de
cavalerie légère du 16e corps, mise à sa disposition, des
reconnaissances poussées le plus loin possible dans la direction de
Binas, Verdes, la Perte-Vineuil, our savoir si l'ennemi ne marche pas
d'Ouzouer-le-Marché sur la ligne de Morée à Gloyes, dans le but de
tourner l'armée par la forêt de Prélevai et le Perche.
Les éclaireurs algériens reconnaîtront également, au
jour, les positions de l'ennemi, dans les directions de Josnes et du
château de Serqueu. Pendant le mouvement de retraite, ils éclaireront
le 17e corps en arrière, et s'établiront le soir à Sermaise."
"Oucques,
engagement d'arrière-garde le 13 Décembre"
"MOUVEMENT DE RETRAITE DU 13 DÉCEMBRE.
Le mouvement de retraite sur Vendôme s'acheva le 13, malgré le temps,
qui devenait de plus en plus mauvais. Le 17e corps seul fut un instant
inquiété à hauteur d'Oucques, par une colonne qui suivait ses traces.
Il y eut là un engagement d'arrière-garde, mais nos troupes firent
bonne contenance ; une section d'artillerie s'avança hardiment,
préparant, par son feu, la charge d'un escadron du 4e de cavalerie
légère mixte, qui parvint à repousser l'ennemi.
Du côté de Villetrun, les éclaireurs arabes du colonel Goursaud
maintinrent jusqu'au soir les uhlans qui battaient le pays. Ces
derniers, s'avançant à la faveur des bois, fouillaient les fermes et
faisaient prisonniers les hommes que la fatigue forçait à s'arrêter,
et qui, à bout de forces, ne cherchaient même plus à résister. C'est
là évidemment un fait fâcheux que nous ne pouvons taire, mais dont
l'ennemi a fort exagéré la valeur en annonçant dans ses bulletins
qu'il avait fait de nombreux prisonniers, alors qu'il n'y avait pas eu
de combat, et qu'il n'avait ramassé sur les routes que quelques
centaines de traînards dont la plupart, il faut bien le dire, avaient
cherché eux-mêmes cette occasion de ne pas continuer la campagne.
En résumé, cette retraite de la deuxième armée des lignes de Josnes
sur Vendôme, dans les conditions de mauvais temps, de fatigue et de
dangers dans lesquels elle s'était effectuée, faisait le plus grand
honneur aux troupes. Elle avait assez imposé à l'ennemi pour qu'il
n'eût pas osé l'inquiéter et profiter des chances qu'il avait de
détruire cette armée, s'il avait su les mettre à profit. (...)"
Pierre Lehautcourt, dans sa "Campagne de
la Loire 1870-71", précise :
"Seule, une fraction du 17e corps, qui partait d'Oucques, fut
inquiétée par la 17e brigade de cavalerie prussienne. Pour couvrir sa
retraite, le général de Jouffroy avait laissé dans ce village le 1er
chasseurs de marche, une batterie et deux escadrons d'éclaireurs
algériens. Ceux-ci, placés dans un pli de terrain en arrière,
chargèrent la cavalerie allemande et la repoussèrent jusqu'à ce qu'une
batterie, démasquée tout à coup, les eût obligés à la retraite.
D'ailleurs l'apparition d'une colonne du 21ecorps, qui débouchait de la
forêt sur le flanc de l'ennemi, força bientôt celui-ci à se retirer."
"Vendôme 14 et 15
Décembre"
"INSTRUCTIONS DU 13 DÉCEMBRE.
Vendôme, 13 décembre 1870.
Les corps d'armée s'établiront demain d'une façon régulière sur les
positions qui leur ont été assignées dans les instructions d'hier ,
et pousseront avec la plus grande activité l'exécution des travaux de
défense prescrits.
Les commandants des corps d'armée donneront toutes les instructions de
détail et s'assureront par eux-mêmes des positions et des travaux. Il
faut être à même de résister à l'ennemi s'il marche sur Vendôme.
Si on sait en profiter, ce pays se prête admirablement à la défense.
(...)
Chaque commandant de corps d'armée fera faire par » sa cavalerie des
reconnaissances journalières, et placera « des petits postes aussi
loin que possible pour surveiller tout le pays.
Les éclaireurs du capitaine Bernard resteront à la » disposition de
l'amiral pour battre le pays dans la direction de Blois.
Les éclaireurs algériens du commandant Laroque seront établis
dans les villages de Rocé et de Coulommiers, pour observer dans la
direction d'Oucques et de Pontijoux.(...)"
"D'après les renseignements parvenus au grand quartier général
pendant la journée, l'aile droite de l'ennemi, sous les ordres du grand-duc de
Mecklembourg, marchait sur le Loir au-dessus de Vendôme, avec l'intention
évidente de franchir cette rivière, de pénétrer dans la forêt de Fré-
teval et de tourner notre gauche, tandis que le prince Frédéric-Charles, qui
était retourné à Blois, se préparait à une attaque directe sur Vendôme. Le
général en chef donna en conséquence les instructions ci-après :
INSTRUCTIONS POUR LA JOURNÉE DU 15 DÉCEMBRE.
Vendôme, le 14 décembre 1870.
Le vice-amiral Jauréguiberry, commandant l'aile droite,
fera établir, dès demain matin, une brigade qu'il renforcera des troupes
jugées nécessaires, sur les positions indiquées cette après-midi par le
général en chef, et activera la
construction des épaulements et des » batteries à établir, sur la crête au
sud de Vendôme, pour la défense dans la direction de Blois.
Les francs-tireurs placés dans les bois devront surveiller le ravin de la
Houzée et celui de Chanteloup. Des régiments de cavalerie légère et
l'escadron d'éclaireurs du capitaine Bernard, soutenus par des détachements
d'infanterie chargés plus spécialement du service de nuit, formeront des
avant-postes, et pousseront des reconnaissances jusqu'à quinze kilomètres au
moins en avant des lignes. Le général en chef rappelle au commandant du 17e
corps, que c'est à lui de prendre toutes les dispositions pour surveiller le
pays dans les directions de Ponlijoux, d'Oucques, et jusqu'à la forêt de
Marchenoir. En outre de sa cavalerie, il a sous ses ordres les éclaireurs
algériens cantonnés à Rocé et à Coulommiers.
L'ennemi a attaqué aujourd'hui Morée et Fréteval : nous sommes restés
maîtres des positions, mais un effort plus sérieux peut être tenté demain.
Les troupes du 17e corps seront donc prêtes, dès le matin, à appuyer le 21e
corps, avec lequel elles se relieront, et elles ne reprendront leurs
cantonnements que lorsque le général Guépratte se sera assuré, par ses
reconnaissances et les renseignements qu'il fera prendre à Fréteval, qu'une
agression de l'ennemi n'est plus à craindre."
"BATAILLE DE VENDÔME.
(...)
Le commandant en chef, qui revenait de visiter les positions sur la rive
droite du Loir, arrivait à deux heures sur le plateau du Temple, au moment où
l'action commençait à devenir sérieuse. L'ennemi avait été assez long à
mettre ses pièces en batterie, par suite des difficultés qu'il avait à les
dégager de la grande route, et à les mouvoir dans un terrain détrempé par
les pluies incessantes et la neige. Il avait commencé par déployer ses
colonnes du côté de Sainte-Anne, et cherchait à s'avancer à la faveur des
bouquets de bois qui couvrent cette partie de la plaine, tandis que d'autres
bataillons se glissaient dans le bois de la Barbe.
D'autres colonnes apparaissaient en même temps en avant de Rocé et de
Villetrun : c'étaient évidemment celles qui arrivaient de Fréteval. Des
ordres furent donnés au 17e corps pour appuyer de suite les deux bataillons et
la batterie établie à Bel-Essort.
Devant les troupes de l'amiral, l'ennemi, reçu par le feu bien nourri de nos
tirailleurs et criblé par nos mitrailleuses, ne put continuer sa marche en
avant. Il essaya alors, en s'étendant sur sa gauche, d'occuper la route de
Tours et de déborder notre droite; cet effort avait été prévu; le 37e de
marche avec le 7e bataillon de chasseurs, se portant sur le bois de la
Guignetière, le contraignirent à reculer, malgré le feu de six batteries
qu'il était parvenu à mettre en ligne. Ces pièces, placées au sommet du
plateau de Sainte-Anne, lancèrent avec beaucoup de précision quelques obus sur
le Temple, et firent éprouver des pertes sérieuses à nos batteries, qui n'en
continuèrent pas moins à riposter avec la plus grande énergie.
A la nuit, les Allemands voyant que leurs efforts pour nous refouler sur
Vendôme restaient sans résultat, et qu'ils ne pouvaient enlever aucune de nos
positions, se mirent en retraite, laissant une grande partie de leurs morts sur
le terrain du combat. Nos pertes avaient été peu sensibles, excepté pour
l'artillerie, qui avait souffert beaucoup plus que les autres corps. Notre aile
droite coucha donc sur ses positions ; la brigade Deplanque, qui vers le soir
avait franchi le Loir sur le pont de Naveil pour venir soutenir le général
Bourdillon et s'opposer au mouvement tournant que l'ennemi dessinait alors,
s'établit également sur la rive gauche."
L'"Historique du 3e Spahis" précise :
"Le 15, les éclaireurs, cantonnés dans les villages de Rocé et de
Coulommiers, pour observer les débouchés de la forêt de Marchenoir, signalent
l'approche de l'ennemi et se replient derrière la petite vallée de la Houzée.
De lu, ils assistent à la bataille de Vendôme, qui se termine par un mouvement
de recul de notre aile gauche, obligée de se retirer sur la rive droite du
Loir. Le général Chanzy comptait continuer la lutte le lendemain ; il donne
des ordres en conséquence pour la journée du 16 : les éclaireurs algériens,
soutenus par les mobiles du Gers, ont l'ordre de défendre la vallée de la
Houzée et sont placés sous le commandement de l'amiral Jauréguiberry. Mais
dans la nuit, voyant ses troupes épuisées do fatigue, très éprouvées par le
froid et la neige et incapables d'une résistance sérieuse, le général en
chef prend le parti de se dérober de grand matin et de se replier sur le Mans.
A 9 heures du matin, toute l'armée avait passé le Loir et était en pleine
retraite; les éclaireurs couvraient les derrières du 16e corps, et passaient
la nuit à Montoire. Cette retraite, rendue très pénible par le mauvais temps
et l'état des chemins, ne fut pas sérieusement inquiétée par l'ennemi.
Les éclaireurs repoussèrent sans peine les patrouilles de cavalerie allemande
qui cherchaient à suivre la marche du 16° corps, et leur firent perdre le
contact.
Le 19, toute l'armée était établie devant le Mans, le 16" corps au sud,
en avant du faubourg de Pontlieue, avec des avant-postes de cavalerie sur les
routes d'Angers, de Tours et du Grand-Lucé."
"Opérations en avant
de Montoire avec la Division du Général Jouffray"
"LE GÉNÉRAL DE JOUFFROY SE PORTE SUR VENDÔME.
Le 30, le général de Jouffroy recevait les renforts envoyés par le
général Barry. Les éclaireurs algériens étaient mis à sa
disposition pour surveiller sur sa droite pendant son mouvement, et le général
Michel faisait avancer sa division de cavalerie dans la direction de
Saint-Calais pour le garantir de tout mouvement tournant sur sa gauche.
Les forces qui allaient être engagées dans cette opération se trouvaient
alors ainsi réparties :
Le colonel Marty occupait Épuisay (1er bataillon du 36e de marche), Danzé (2e
bataillon du même régiment, quatre pièces de 4, deux mitrailleuses), Azay (1er
bataillon du 74e mobiles).
Le colonel Thierry était établi à Savigny avec le 33e de marche, le 32e
mobile, les compagnies de discipline, un bataillon des Bouches-du-Rhône et
quatre pièces de 4.
Le 3e de cuirassiers, également à Savigny.
Le colonel Bayle, de Fortan à Azay, avec le 38e de marche, le 66e mobiles et
quatre pièces de 4.
Le 46e de marche occupait Mazangé, couronnant par ses grand'gardes les hauteurs
de la Boissière et de Vaucroix.
Le 45e de marche, à Lunay, la Barre et les Roches.
Le 70e mobiles à Lunay.
Le 1er bataillon de marche de chasseurs à pied à la Mazière.
L'artillerie de la 3e division (dix-huit pièces de 4 et deux mitrailleuses) à
la Burnaudière.
Deux escadrons de cavalerie légère à Lunay, un régiment à Lavenay, les
éclaireurs algériens à Montoire.
Une compagnie du génie, répartie entre les colonnes principales.
Le plan du général de Jouffroy était le suivant : deux colonnes principales
devaient marcher, l'une par Azay et Espéreuse, l'autre par Courtiras, tandis
qu'une colonne légère, franclissant le Loir à Lisle, devait déboucher sur la
rive gauche par le bois de Meslay, et que les éclaireurs algériens,
passant la rivière à Montoire ou à Lavardin, tourneraient Vendôme pour
couper les routes de Blois et d'Oucques.
Ces mouvements présentaient l'inconvénient d'être trop isolés les uns des
autres; ils pouvaient néanmoins réussir s'ils étaient tous menés
vigoureusement, et si l'ennemi n'était pas en force trop supérieure.
Malheureusement le pont de l'Isle ne put être rétabli."
"Combats de Varennes le 31
Décembre"
"LES ÉCLAIREURS ALGÉRIENS A VARENNES.
Pendant que les choses se passaient ainsi du côté du général de
Jouffroy, le colonel Goursaud, avec les éclaireurs algériens,
établissait à Lavardin un pont provisoire sur le Loir, et se
dirigeait, le 31 au matin, sur Villavard, Saint-Rimay, Varennes et
Villaria. Arrivé à Varennes, il culbuta une arrière-garde de
cuirassiers blancs qui s'enfuit en laissant sur le terrain 4 tués, 1
blessé et 3 chevaux ; mais, au sortir du village, nos éclaireurs
trouvèrent les hauteurs de Villaria et de la Chaise occupées par de
l'infanterie et de l'artillerie ennemies, pendant qu'une autre troupe
d'infanterie et de cavalerie tentait de les déborder vers leur droite.
Il devenait dès lors impossible au colonel Goursaud, qui se savait
menacé d'un autre côté par Thoré, de continuer son mouvement sur
Vendôme. Il se décida donc promptement à la retraite pour éviter
d'être coupé, regagna Varennes dont il dégagea les abords par une
brillante charge en fourrageurs qui fit beaucoup de mal à l'ennemi, et
se retira sur Montoire, où il s'établit après avoir replié de son
côté le tablier du pont provisoire. Il avait perdu dans cette pointe
hardie 10 hommes, 10 chevaux, par le feu des batteries des hauteurs de
Villaria et de la Chaise."
Le Général Chanzy écrira à ce sujet au Ministre de
la Guerre, à Bordeaux :
"Le Mans, 2 janvier 1871.
L'ennemi ayant fait venir des renforts d'infanterie et d'artillerie de Blois
dans la nuit du 31 au 1er, a pu armer fortement les hauteurs qui dominent
Vendôme sur la rive gauche.
Le général de Jouffroy attend, sur ses positions de la rive droite, l'effet
que produiront les démonstrations en avant de Château-Renault. Les troupes du
général de Curten ont repoussé les avant-postes prussiens à Longpré et à
Saint-Amand, en leur faisant subir des pertes.
Les éclaireurs algériens du lieutenant-colonel Goursault ont eu un
brillant engagement en avant de Lavardin, ont fait quelques prisonniers et tué
du monde à l'ennemi. Ils ont eu de leur côté 10 chevaux tués ou blessés, 1
homme tué et 6 blessés, dont un officier. Il est très important pour moi
d'être fixé sur les forces et les intentions de l'ennemi, entre le Loir et la
Loire, pour mes opérations ultérieures.(...)"
Le "Bulletin de la Société
archéologique, historique et littéraire du Vendômois" publiera dans
son édition de 1876 des "Souvenirs de l'invasion allemande dans les
environs de Montoire" sous la plume de l'abbé Constant Bourgogne,
curé de Villavard. Celui-ci relate :
"Le même jour, vers onze heures du matin, nous vîmes arriver de Lavardin, où ils avaient passé le Loir sur un pont provisoire jeté par eux,
les 700 éclaireurs algériens du colonel Goursaud. C'était pour nous un
spectacle étrange. Nous admirions ces Kabyles couverts de manteaux de diverses
couleurs aux capuchons pointus. Ils montaient de petits chevaux arabes
très-vifs et très- agiles, qui, eux aussi, avaient la tête, le cou et le
corps couverts et garantis du froid par des étoffes de couleurs différentes.
Les éclaireurs algériens combattirent vigoureusement les Prussiens jusqu'à
Villaria, et leur tuèrent plusieurs cavaliers ; mais là, dominés par
l'artillerie ennemie et menacés sur leurs flancs par des troupes de cavalerie,
ils opérèrent leur retraite par les lieux où ils étaient passés le matin.
Vers quatre heures, ils revenaient à Villavard. Un algérien, devant des
habitants du bourg ébahis, passa sur sa langue son sabre encore sanglant. Dans
cette pointe hardie, et pendant les reconnaissances qu'ils firent même au delà
de Villiersfaux, jusqu'au 5 janvier, ces éclaireurs intrépides perdirent une
dizaine d'hommes et de chevaux.
Nous ne pouvons que louer le courage, l'activité et la vigilance de ces braves
soldats, et aussi leur honnêteté dans leurs rapports avec les habitants du
pays. Grâce à eux, Villavard fut préservé pendant plusieurs jours de la
visite des Prussiens. A peine quelques cavaliers allemands paraissaient-ils sur
la route qui conduit aux Roches, que les Kabyles partaient au galop pour leur
donner la chasse.
Pendant leur séjour à Montoire, ils arrêtèrent plusieurs espions soudoyés
par les Prussiens. De ce nombre était un mendiant de Houssay, que les Allemands
avaient attiré à leurs campements, en lui donnant à manger et à boire. Ils
l'interrogeaient sur le pays, sur les hommes qui avaient attaqué leurs
éclaireurs, et sur ce qu'il entendait dire au sujet des positions de l'armée
française. Les révélations de ce mendiant leur parurent si importantes, que
l'on vit plusieurs fois pendant la nuit un détachement de cavaliers prussiens
s'arrêter auprès de sa masure, et des officiers descendre et entrer chez lui
pour le questionner."
"Montoire le 5 Janvier
187 1"1"
"Le 5, le général de Jouffroy acquiert
la conviction que les Allemands, en nombre entre Vendôme et Saint- Amand,
cherchent à se porter sur le général de Curten. Il juge une diversion
indispensable, et se décide à marcher de nouveau sur Vendôme. De petites
colonnes, partant le soir de tous les cantonnements, forcent, à dix heures, les
postes ennemis à quitter la forêt de Vendôme, et nos éclaireurs et
francs-tireurs s'avancent dans la nuit jusqu'à Pezou, la Tousselinière et
Bel-Air."
Sollicitons ici à nouveau le
témoignage du curé de Villavard :
"Jeudi 5 janvier.
Nous allons être bientôt témoins d'un combat. Certains signes que nous
remarquons nous l'annoncent. Des soldats du génie ou de l'artillerie préparent
sur le coteau des Roches des emplacements pour les canons d'une batterie. Des
cavaliers allemands arrivent au galop sur le coteau de Villavard, le parcourent
rapidement en différents sens, comme s'ils examinaient les endroits les plus
convenables pour placer leurs batteries. Nous entendons les éclaireurs
algériens, qui, de temps en temps, échangent des coups de fusil avec les
cavaliers prussiens. Une épaisse colonne de fumée qui s'élève au-dessus du
Loir nous indique que le pont provisoire des Roches, rétabli par les Prussiens,
est détruit par le feu, sur les ordres du général français."
Pierre Lehautcourt, dans sa "Campagne de la Loire
1870-71", précise :
"En même temps, un
engagement plus vif avait lieu à l'est de la route de Château-Renault à
Saint-Amand. Une reconnaissance allemande arrêtée à Vilmoin poussait une
compagnie sur Villeporcher ; celle-ci y pénétrait malgré le feu d'une partie
du 2e bataillon du 40e de marche et de quelques éclaireurs algériens,
mais ne tardait pas à en être rejetée sur Vilmoin.(...)
Les éclaireurs algériens dont il est question au sujet de Villeporcher
faisaient partie de patrouilles qui s'étaient trouvées rejetées sur les
troupes de Curten. Le gros de ce corps était encore à Montoire. Ils se
comportèrent vaillamment ainsi qu'en témoigne le capitaine F. Hönig(Ueber die
Bewaffnung, Ausbildung, Organisation und Verwendung der Reiterei)."
Ce capitaine Hönig est cité dans l'"Historique
du 3e Spahis" :
"Quand ces dernières troupes arrivèrent à midi à
Saint- Amand, la cavalerie était en train
d'abandonner les trois points principaux de la ligne, quoiqu'elle n'eût
rencontré que de faibles patrouilles d'éclaireurs algériens. Elle n'avait
pas d'armes à feu. A Ambloy, par exemple, une vingtaine de spahis à pied
arrêtèrent court un escadron du 3e cuirassiers. L'infanterie dut prendre le
village ; il en fut de même à Vilthiou. Sur tout le front de cette longue
ligne, on entendait constamment des coups de feu, et ce n'était en somme qu'un
escadron d'éclaireurs algériens qui tenait en échec notre nombreuse cavalerie.
Ces Arabes faisaient preuve d'une grande adresse pour tromper et
inquiéter l'ennemi. Souples et exercés au tir, aussi bien à pied qu'à
cheval, ils étaient bien supérieurs à nos cavaliers. Pendant les journées
des 5, 6, 7, 8 et 9 janvier, ils étaient partout et nulle part, et, lors de la
prise de Château-Renault, les cavaliers isolés se défendirent avec leur fusil
jusqu'à ce qu'on le leur eut arraché"
"Savigny, 7 Janvier"
"Le 7 janvier, la matinée fut employée à régulariser la position des
diverses colonnes arrivées fort tard au bivouac et à renforcer les
grand'gardes et les avant-postes. L'ennemi se présenta vers midi, et le combat
reprit sur toute la ligne jusqu'à trois heures. A ce moment, le général de
Jouffroy apprit que le colonel Thierry, qui formait sa gauche, n'avait pu tenir
au Poirier et se repliait sur Saint-Calais ; il continua dès lors son mouvement
général de retraite. Les éclaireurs algériens le couvraient sur la droite,
résistant avec la plus grande vigueur aux attaques de l'ennemi. A neuf heures
du soir, toutes les troupes étaient derrière la Braye, et les convois,
intacts, à Cogniers, engagés sur les chemins qui mènent à Saint-Jean de la
Gouée."
L'"Historique
du 3e Spahis" précise :
"La retraite sur Saint-Calais continua le 7, vivement pressée par
l'ennemi: les éclaireurs, chargés de couvrir la droite, résistèrent pendant
une partie de l'après-midi à toutes les attaques de l'ennemi. Dans la soirée,
ils défendirent avec une fermeté inébranlable le pont de Savigny, pour donner
le temps au parc et aux convois de filer vers Saint-Calais ; le combat dura une
partie de la nuit ; vers minuit, le commandant De La Roque, jugeant sa mission
remplie, donna l'ordre de la retraite ; à ce moment, la lune se leva et permit
aux Allemands de diriger sur nos escadrons deux feux de salve qui leur firent
beaucoup de mal.
"Conlie,
Sillé-le-Guillaume 13 et 14 Janvier"
Ce service très actif allait pouvoir être
rompu ; en effet :
"Au grand quartier général du Mans, le 11 janvier 1871 (n° 210),
(...) La cavalerie ne pouvant être d'une grande utilité dans le terrain
couvert que nous avons à défendre, les commandants des 16e, 17e et 21e corps,
ne gardant que les escadrons strictement nécessaires pour éclairer et pour
assurer le service des correspondances , renverront le reste de leur cavalerie
sur la rive droite de la Sarthe.
La division Michel devra surveiller toute la vallée de la Sarthe, du Mans au
delà de la Suze, suivre les mouvements de l'ennemi, et l'empêcher de tenter
quelque passage.
La cavalerie du 17e corps surveillera le cours supérieur jusqu'à
Beaumont-sur-Sarthe.
La cavalerie du 21e corps, en réserve, en arrière du Mans, sur la route de
Laval.
Les volontaires algériens et les éclaireurs du capitaine Bernard se
cantonneront au faubourg de Pontlieue, à la disposition du général en chef."
"Au grand quartier général de Domfront, le 12 janvier 1871.
Par suite des ordres du ministre, la direction de la retraite de la deuxième
armée est changée ; elle est, dès
aujourd'hui, sur Laval. (...)
Sur les observations du général en chef au ministre, la marche en retraite sur
Laval est suspendue. Les corps s'arrêteront sur les positions où ils se
trouvent, tout en » les rectifiant, pour assurer la défense dans le cas d'une
» agression de l'ennemi.
On placera de l'artillerie derrière des épaulements sur tous les points des
lignes où il importe d'en avoir.
Le pays se prête admirablement à la défense. Il offre de précieuses
ressources pour les cantonnements.
On peut donc s'y arrêter et y reconstituer l'armée sans perdre un seul
instant.
Dès demain, les commandants des corps d'armée s'assureront par eux-mêmes que
les troupes reçoivent dans la journée les vivres nécessaires pour les aligner
jusqu'au 17 inclus, en y comprenant les deux jours de réserve du sac.
Cette opération, dont il sera rendu compte par écrit au général en chef,
étant terminée, les convois, sous n bonne garde, seront poussés dès demain
à au moins six kilomètres des lignes, dans la direction primitivement
assignée à chaque corps pour le cas de la retraite sur Laval.
Le général en chef recommande l'étude des positions. II lui sera envoyé,
dès demain, pour chaque corps d'armée, un croquis indiquant celles occupées.
Partout la défense sera organisée sur deux lignes pouvant se soutenir.
La cavalerie légère sera reportée en avant pour éclairer le plus loin
possible et jusqu'à la Sarthe.
Les éclaireurs algériens se reporteront à Conlie. Sillé devra être
occupé exclusivement par le 21e corps. Le général de Colomb fera évacuer la
ville par tout ce qui appartient au 17e corps, dès demain matin.
Le 14 Janvier, les choses tournent mal
pour les 16e et 17e Corps :
"De son côté, le général de Colomb, commandant le 17e corps, ne donnait
pas sur l'état moral de ses troupes des renseignements plus satisfaisants. Plus
encore que celles du 16e corps, elles étaient à bout de forces. Le temps
était, en effet, d'une rigueur exceptionnelle: la neige ne cessait pas; le
froid était intense ; le pays offrait peu d'abris ; les convois ne marchaient
qu'avec les plus grandes difficultés ; les distributions de vivres ne pouvaient
se faire exactement, et les hommes, velus d'une façon insuffisante, mal
chaussés pour la plupart, constamment mouillés sans pouvoir se sécher, se
laissaient aller au découragement. Il fallait cependant faire tête à
l'ennemi, qui apparaissait sur toutes les routes en avant de nos lignes. La
retraite sans combattre c'était la débandade, l'abandon d'une partie de notre
matériel, et peut-être, si les Allemands étaient audacieux, la perte de
l'armée .
Le mouvement de recul du 16e corps affaiblissait l'aile droite et pouvait
permettre à l'ennemi de se porter sur le flanc dès lors découvert du 17e
corps. Les éclaireurs algériens qui s'étaient portés à Conlie et qui
battaient tout le pays dans la direction du Mans, signalaient partout sa
présence. Toutefois, comme un effort principal semblait devoir se faire en
avant de Sillé-le-Guillaume où le 21e corps occupait de solides positions,
bien couvert sur sa gauche par les volontaires de Cathelineau qui observaient la
Sarthe aux environs de Fresnay, il se pouvait qu'une résistance heureuse
arrêtât la poursuite."
Le Général Chanzy écrira à ce sujet au
Ministre de la Guerre, à Bordeaux :
"14 janvier 1871, quatre heures.
Le temps est exécrable, le pays couvert de neige, les routes de verglas; une
brume épaisse retarde l'installation sur nos positions. La marche pénible des
convois sur les rares communications n'a pas encore permis de réparer le
désordre.(...)
En avant de nos lignes, des avant-postes d'infanterie et de cavalerie
couvrent les divisions, et au village de Conlie, pour éclairer tout le
pays jusqu'à la Sarthe, les éclaireurs du colonel Goursaud, sur
lesquels je compte le plus. (...)"
"14 janvier 1871.
Les têtes de colonnes ennemies ont paru ce soir sur toutes les routes
aboutissant sur nos positions. Il y a eu engagement entre les
avant-gardes prussiennes et les éclaireurs algériens à Conlie.
Le général Le Bouëdec s'est battu ce soir à Longne avec une colonne
assez forte. Je m'attends à être attaqué demain sur plusieurs points.(...)"
"Service d'Éclaireurs
en avant des lignes de la Mayenne, à Montoire et Evreux, jusqu'à l'armistice."
Nous
ferons ici encore appel à l'"Historique
du 3e Spahis" :
"Le 17, on atteignait Laval, et l'armée était en sûreté derrière la
Mayenne.
Les éclaireurs furent cantonnés à Montgiroux, d'où ils surveillaient le
cours de la Mayenne en amont de Laval, poussant de fréquentes reconnaissances
dans la direction du Mans et ayant de nombreux engagements avec les patrouilles
ennemies. Le village de Montsurs fut à plusieurs reprises le théâtre
d'escarmouches assez vives et finit par rester en notre pouvoir. Dans toutes ces
rencontres, les spahis soutinrent la réputation qu'ils s'étaient justement
acquise à l'armée de la Loire : partout ils repoussèrent l'ennemi, lui firent
des prisonniers et lui tuèrent du monde.
Le 28 janvier, l'armée, complètement réorganisée, se préparait à se
porter vers le nord, pour protéger la Normandie et reprendre le mouvement sur
Paris par la basse Seine, lorsqu'une dépêche vint annoncer au général Chanzy la reddition de Paris et la conclusion d'un armistice de vingt et un
jours.
L'armée profita de ce délai pour passer sur la rive gauche de la
Loire et alla se concentrer à Poitiers, laissant aux forces
nouvellement organisées en Bretagne le soin de défendre la ligne de Ia
Mayenne.
Février. — Les éclaireurs algériens quittèrent Laval le 13
février, avec le grand quartier général et la brigade Bourdillon, et
gagnèrent Poitiers par Château-Gonthier, Angers et Thouars.
Le 26 février, les préliminaires de la paix furent ratifiés par un
vole de l'Assemblée nationale.
L'armée de la Loire fut licenciée à la date du 7 mars, et les
éclaireurs algériens furent dirigés sur Toulon."
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1871
: l'insurrection de la Grande Kabylie.
Reynaud rentrera en Afrique du Nord le
8 Mars 1871.
L'"Historique du 3e Spahis" nous indique que "sitôt leur arrivée à Alger,
les éclaireurs algériens avaient été réorganisés : il fut constitué un
nouveau régiment de marche, comprenant toujours un escadron par province, mais
ayant un effectif plus réduit. Le colonel Goursaud conserva le commandement du
corps, avec le chef d'escadrons De La Roque pour commandant en second."
Reynaud reste au corps ; son service dans
cette sombre période est ainsi détaillé :
"Capitaine
Commandant l'escadron des Eclaireurs Algériens de la province d'Oran, à la
colonne de Mr. le Général Cérès du 11 Avril 1871, a pris part aux affaires de
Teniet Daoud, 18 Avril - Summah 21 et 22 Avril - Oulad El Aziz, 28 avril -
Harchaoua (Tisers) 30 avril - Oued Soufflat, attaque de nuit - Combat de l'Oued
Soufflat 4 et 5 mai - Beni Mansour 26 et 29 Mai -
Dra El
Mizan 6 juin. A la
colonne de Mr. le Colonel Goursaud, du 8 Juin
- Col de
Teniet
Djaboub 4 juillet -
Beni Kouffi 8 juillet - Beni Meddour 17 juillet - Beni Yala, 2 août."
Illustrons ces tristes épisodes de
la répression de l'insurrection de 1871.
(les textes qui suivent sont, sauf mention contraire, extraits de
"L'insurrection de la Grande Kabylie en 1871" du Colonel
Robin, Paris, 1901).
"la colonne de Mr. le
Général Cérès du 11 Avril 1871"
"Le général Cérez avait reçu du gouverneur général civil une
délégation, datée du 11 avril, pour réorganiser le commandement indigène,
sauf approbation. (...)
Dès son arrivée à Aumale, le général Cérez s'occupa de mettre la dernière
main à l'organisation de sa colonne et de la pourvoir de tout ce qui était
nécessaire pour entrer immédiatement en campagne; elle fut constituée
définitivement, sous le nom de colonne de l'Oued-Sahel, de la manière
suivante, par un ordre du 15 avril.
Commandant de la colonne : M. le général Cérez.
Etat-major général. MM.
Ulrich, capitaine d'état-major, aide de camp.
Lebrun, lieutenant au 1er spahis, officiers d'ordonnance.
Henri, lieutenant au 21e mobilisé, officiers d'ordonnance.
D'arjuzon, lieutenant-colonel de mobiles, attaché à l'état-major.
État-major de la colonne. MM,
Rubineau De Barazia, capitaine d'état-major, chef d'état-major.
Maréchal, capitaine au 1er zouaves, adjoint à l'état-major.
Ruyssen, capitaine au 1er tirailleurs, chargé des affaires
indigènes.
Ibrahim-bel-haojer, sous-lieutenant au 1er spahis, faisant fonctions
d'interprète.
Services administratifs. M. Carrière, sous-intendant militaire.
Génie : M. Mortagne, capitaine, commandant une section.
Artillerie : M. Bury, capitaine (commandant 2 sections de 4 rayés de
montagne).
Télégraphe: M. Chrétien.
Ambulance: M. Pajenud, adjudant d'administration en 2e.
Vivres et administration : M. Chenal, adjoint en 2e.
Grand prévôt : M. Roussel, lieutenant au 2e régiment du train.
Médecin de l'ambulance : M. Pateaud, médecin-major de 1ere classe.
Infanterie. MM.
Méric, colonel du 4e zouaves, commandant.
Colonna, capitaine au 4e zouaves, officier d'ordonnance.
Noëlla, lieutenant-colonel du 4e zouaves, commandant le 1er régiment de
marche.
Bayard, chef de bataillon au 23e chasseurs à pied, commandant le 2e régiment
de marche.
Cavalerie. MM.
Goursaud. colonel des éclaireurs algériens, commandant.
Delorme, chef d'escadrons au 1er chasseurs d'Afrique, commandant la cavalerie
régulière.
Braün, chef d'escadrons au 1er chasseurs d'Afrique.
Lambert, capitaine en 2e à l'escadron de marche du 9e chasseurs de
France.
De La Roque, chef d'escadrons au 2e spahis, commandant le régiment des
éclaireurs algériens.
Train des équipages : M. Finet, sous-lieutenant.
L'effectif de la colonne, au 20 avril, était de 164 officiers, 2.784 hommes,
dont 1.823 d'infanterie, 875 chevaux, 4 pièces de 4 rayées de montagne.
L'effectif, qui était, le 15, de 3.331 hommes, avait été réduit par le
départ immédiat des hommes appartenant au territoire annexé à l'Allemagne.
Je rappelle quelle était à ce moment la situation de la subdivision d'Aumale :
l'annexe des Beni-Mançour était tout entière en insurrection et le bordj
était bloqué par les bandes de Bou-Mezrag, depuis le 7 avril, et sans
communications avec Aumale.
Le poste était suffisamment approvisionné en vivres et en munitions et pouvait
se défendre, mais il n'avait comme ressource en eau qu'une citerne de 46
mètres cubes, qui avait été remplie en temps utile avec l'eau de l'oued
Sahel, et cette réserve ne pouvait pas durer bien longtemps.
Les tribus du nord et du sud du cercle d'Aumale étaient calmes, leurs goums
nous servaient avec fidélité sous les ordres de leurs chefs indigènes; les
tribus de l'est seules se trouvaient en état d'hostilité ouverte; c'étaient
les Oulad-Salem, les Oulad-Msellem, les Beni-Intacen et les Beni-Amar.
Les deux frères El-Haddad et Mohamed-ben-el-Goliel, caïds des Oulad-Msellem et
des Beni-Intacen, se trouvaient seuls de leurs personnes dans nos goums, tandis
que leurs familles, avec leurs troupeaux, avaient suivi le mouvement de
défection de leurs tribus et s'étaient placées sous le commandement de
Bou-Mezrag. Les deux caïds avaient de tout temps fait partie de la clientèle
de Bou-Mezrag; ils lui avaient tout donné moins leurs personnes, cherchant
ainsi à se ménager leur position pour l'avenir, quelle que fût l'issue de la
levée de boucliers de Mokrani.
Le caïd des Oulad-Salem, dont la tribu était attenante aux précédentes, nous
avait servis avec dévouement, mais il avait été impuissant à empêcher sa
tribu de suivre le mouvement de défection déterminé par les efforts d'un
perturbateur nommé El-Hadj-Amar, des Oulad-Salem.
L'attitude d'une partie des Adaoura, des Oulad-Meriem, des Oulad-bou-Arif et des
Djouab avait laissé à désirer et il y avait en elle des éléments de
révolte.
Les tribus des Oulad-el-Aziz, des Merkalla et des Beni-Med- dour étaient fort
ébranlées, et l'agha Si-Bouzid avait dû, ainsi que le caïd des Oulad-Bellil,
s'enfermer dans le fort de Bouïra."
"Teniet Daoud, 18 Avril"
"D'après les renseignements recueillis, Bou-Mezrag, après avoir
dirigé les opérations contre le caravansérail d'El-Esnam et fait investir le
bordj des Beni-Mançour, avait quitté la subdivision d'Aumale pour conduire à
son frère le bach-agha un renfort d'un millier d'hommes; il avait laissé le
commandement à son khalifa et cousin Bou-R'enan, qui avait sous ses ordres, à
son camp de Teniet-Oulad-Daoud, où les insurgés étaient retournés, les
contingents des Oulad-Salem, Oulad- Msellem, Beni-Intacen, Oulad-Sidi-Hadjeres,
Ahl-el-Ksar, Oulad-Dan, Beni-Ilman, et autres tribus de l'Ouennour'a Cheraga.
Toutes ses forces pouvaient être évaluées à 2.000 fantassins, avec un petit
nombre de cavaliers.
C'est le 18 avril que la colonne commence ses opérations.
Les éclaireurs de la cavalerie, partis à 5 heures du matin d'Aumale, arrivent
au col des Oulad-Daoud à 11 heures et signalent l'ennemi qui s'est retranché
sur un plateau du Djebel-Mogornin, à droite et en avant, dans une position
bien choisie pour la défense.
Le général fait masser son convoi au pied de la montagne, sous la protection
de deux bataillons et prend ses dispositions pour l'attaque, qui commence à midi et demi. Les zouaves du 4e régiment, puis
ceux du 4e de marche, vigoureusement secondés par les chasseurs d'Afrique,
abordent l'ennemi avec un entrain remarquable; les positions sont rapidement
enlevées malgré une résistance très vive, à un moment surtout où tout
l'avantage de la position était à l'ennemi. A 2 heures, les contingents de
Bou-R'enan sont en pleine déroute et fuient dans la direction du sud-est, mais
alors ils se heurtent aux éclaireurs algériens, auxquels le
général a fait opérer un mouvement tournant par la gauche. Cette attaque est
conduite par le colonel Goursaud, avec une intelligente vigueur, à laquelle
répond bien l'ardeur de ses officiers et de ses troupes. Le goum a suivi le
mouvement, sous les ordres du capitaine Cartairade.
La fuite est devenue une déroute complète et, à 5 heures, le général
ramène ses troupes à Teniet-Oulad-Daoud, où était établi le bivouac.
Les renseignements les plus modérés évaluent à 300 au moins le chiffre des
morts de l'ennemi; les éclaireurs et le goum ont ramené des chevaux et
rapporté au moins 400 fusils, sabres, etc., enlevés aux morts et aux blessés.
Le drapeau de Bou-R'enan a été enlevé par un éclaireur qui a tué le porte-
drapeau.
De notre côté, nous avons eu 5 zouaves blessés légèrement, 2 éclaireurs
algériens tués et 5 blessés, dont 4 très grièvement, 1 cheval tué et 3
blessés. Dans le goum, il y a eu 1 homme tué, 7 blessés, 1 cheval tué et 3
blessés.
Le 19 avril, à 6 heures du matin, la colonne quittait son bivouac de
Teniet-Oulad-Daoud pour se mettre à la poursuite des contingents de Bou-R'enan,
en prenant le chemin du marché du khemis des Oulad-Msellem. En arrivant à ce
point, le général apprit que Bou-R'enan avait disparu et que ses bandes de
rebelles s'étaient dispersées, fuyant dans deux directions différentes; le
plus grand nombre s'étaient dirigés vers les Beni-Ilman, les autres étaient
allés du côté des Ksar et des Sebkha."
"Summah 21 et 22 Avril"
"Le 20 avril, la colonne se dirigea vers deux gros villages, Soumma et
Kasba du cercle de Bordj-bou-Aréridj, adossés au Djebel-Gourraoui et
séparés par une distance de 4 kilomètres; c'est là que s'étaient
réfugiées les tribus rebelles, et, en particulier, celles du cercle d'Aumale.
Soumma appartenait à la tribu des Oulad-Dan, et Kasba à celle des Beni-Ilman;
ce dernier village, situé dans une position très forte, était d'un accès
très difficile.
En arrivant en face de ces villages, la colonne trouva les crêtes rocheuses de
la montagne garnies d'hommes armés; les familles et les troupeaux avaient été
chercher un refuge dans la partie haute des ravins.
Le général Cérez fit aussitôt ouvrir le feu de son artillerie sur le village
de Soumma et las rebelles se hâtèrent d'envoyer des députations pour demander
l'aman ; les Oulad-Salem et les Oulad-Msellem d'Aumale furent les premiers à se
présenter. Le général fit suspendre l'attaque et il imposa comme conditions
aux tribus révoltées qu'elles livreraient immédiatement leurs armes, qu'elles
fourniraient des otages, qu'elles feraient rentrer leurs familles et leurs
troupeaux sur leurs territoires respectifs et qu'elles se soumettraient aux
mesures de répression que le gouverneur général jugerait devoir leur imposer.
Il donna aux autres tribus jusqu'au lendemain matin, pour accepter ces
conditions et fournir leurs otages.
Les Oulad-Salem s'installèrent de suite à proximité du camp en attendant leur
rentrée sur leur territoire; les Oulad-Msellem firent savoir que, du point où
ils étaient campés, il leur faudrait faire un grand détour pour éviter les
tribus insoumises dans leur mouvement pour rejoindre la colonne et qu'ils ne
pourraient pas venir immédiatement bien qu'ils fussent décidés à se
soumettre.
Quant aux Oulad-Dan de Soumma, leurs offres de soumission n'avaient été qu'un
moyen de gagner du temps pour faire filer leurs troupeaux et pour permettre à
Bou-Mezrag, qui avait annoncé son retour avec de gros contingents, de venir à leur secours, et, le 21 au matin, au lieu des
otages qui devaient être livrés, un seul homme se présenta pour demander de
nouveaux délais.
Le général Cérez, qui avait compris le but da cette demande, prit ses
dispositions pour l'attaque de Soumma, qui eut lieu à 2 heures de
l'après-midi. Le village est protégé à droite et à gauche par des
escarpements presque à pic, de sorte qu'il ne peut être attaqué que de front.
L'artillerie ouvrit d'abord, sur le village, un feu remarquable de précision ;
puis les tirailleurs algériens et les zouaves d'un côté, un détachement de
tirailleurs et le 23e bataillon de chasseurs à pied de l'autre, furent lancés
à l'assaut. Les difficultés du terrain ne purent arrêter l'élan de nos
troupes qui abordèrent la position avec la plus grande vigueur. Au bout d'une
demi-heure, les dissidents étaient en fuite, laissant sur le terrain une
cinquantaine de morts. De notre côté, 5 tirailleurs avaient été légèrement
blessés.
Le village, qui comptait environ 80 maisons, fut incendié et le génie eut
mission de couper les arbres fruitiers des jardins avoisinants, de manière à
rendre nulle la récolte de l'année, mais sans détruire les arbres eux-mêmes.
Pendant ce temps la cavalerie brûlait le village d'El-Hammam et un autre
appartenant aussi aux Oulad-Dan et d'un abord plus facile que Soumma; elle
vidait les silos et y puisait, ainsi que les goums et les convoyeurs, la
nourriture des chevaux et mulets.
Les tribus de l'est du cercle d'Aumale s'étaient mises en mesure de se
réinstaller sur leurs territoires après avoir livré leurs otages.
Le châtiment infligé aux Oulad-Dan par la destruction complète de Soumma et
des autres villages fit réfléchir les habitants de Kasba, qui n'avaient fait
encore que des semblants de soumission ; le 22 au matin, sachant qu'ils allaient
être attaqués à leur tour s'ils ne se décidaient pas à se soumettre, ils
envoyèrent au général Cérez une lettre portée par trois hommes de la djemaa
qui devaient rester entre ses mains comme otages et parmi lesquels se trouvait
le frère du chikh.
Les Beni-Ilman déclaraient accepter les conditions qu'on voudrait leur imposer
et faisaient part au général de leur vif désir d'être soustraits à
l'autorité de Mokrani ou des siens par leur annexion au cercle d'Aumale, qui
avait déjà reçu plusieurs tribus de l'Ouennour'a.
Le général répondit qu'il y avait là des questions qu'il ne pouvait
trancher, puisque leur tribu dépendait de la subdivision de Sétif, qu'il
garantirait seulement la sécurité de leurs personnes et de leurs familles et
qu'il garderait leurs otages pour répondre de leur tranquillité. Il les
prévint aussi qu'il informerait le gouverneur général des conditions dans
lesquelles il leur avait donné l'aman et de leur demande d'être annexés au
cercle d'Aumale.
Les Beni-Ilman se déclarèrent satisfaits et ils offrirent même au général
de le recevoir et de le fêter avec ses troupes dans leur ville; celui-ci ne put
accepter leurs offres, car de graves événements venaient de s'accomplir en
Kabylie et dans le nord de la subdivision d'Aumale, qui nécessitaient
impérieusement la présence de la colonne. Toute la Kabylie, à la voix de
Chikh- el-Haddad, avait levé l'étendard de la révolte; Fort-National,
Tizi-Ouzou, Dellys, Dra-el-Mizan étaient bloqués; tous les villages européens
avaient été saccagés jusqu'aux abords de laMétidja et un certain nombre de
tribus d'Aumale qui étaient jusque-là restées paisibles s'étaient lancées
dans le mouvement insurrectionnel et menaçaient de couper les communications
entre Aumale et Alger.
Le général Cérez ne s'arrêta donc pas au village de Kasba; après avoir
réglé les conditions de la soumission, il se mit en route le jour même, à 11
heures du matin. La nécessité de ravitailler la colonne en vivres et en
munitions l'obligeait à reprendre le chemin d'Aumale avant que de se porter
vers le nouveau foyer d'insurrection."
"Oulad El Aziz, 28
avril"
"Nous avons vu que le général Cérez, rappelé de l'Ouennour'a par les
événements qui avaient suivi la proclamation de la guerre sainte par
Chikh-el-Haddad, avait ramené sa colonne à Aumale le 25 avril. L'intention du
général était, après s'être ravitaillé, de se diriger vers Beni-Mançour
pour débloquer le bordj et de poursuivre ensuite les tribus du cercle d'Aumale
qui s'étaient retirées de ce côté; mais, sur l'ordre qu'il reçut du
général Lallemand, il dut marcber d'abord sur Dra-el- Mizan qu'on croyait en
danger sérieux.
(...)
Le 26 avril, l'infanterie fut mise en route seule pour lui faire couper en
deux l'étape de Bouïra qui eût été trop longue (35 kilomètres) et elle
alla bivouaquer à Aïn-Tiziret. Le reste des troupes partit le 27 à 5heures du
matin, fit sa grande halte à côté de l'infanterie et la colonne reconstituée
arriva le même jour à Bordj-Bouïra.
Les nouvelles de source indigène que put se procurer le général, et qui
paraissaient dignes de créance, sur la situation de Dra-el-Mizan, étaient
rassurantes : non seulement la garnison et les habitants avaient de l'eau, mais
leur troupeau pouvait pacager librement sous la protection des feux du fort.
A son arrivée à Bouïra, le général s'était trouvé en présence des
tribus insurgées du versant sud du Djurdjura; la tribu des Oulad-el-Aziz, la
plus importante de ce groupe, se montrait disposée à demander l'aman, mais
elle se plaignait de subir la pression des contingents des Guechtoula qui se
trouvaient sur son territoire et elle s'engageait, aussitôt que la colonne
attaquerait, à se joindre à elle pour repousser l'ennemi. Cette promesse, si
elle était faite de bonne foi, était un peu téméraire, car les familles et
les troupeaux de la tribu avaient été envoyés sur le versant nord du
Djurdjura et se trouvaient ainsi à la discrétion des tribus dont se
plaignaient les Oulad-el-Aziz. Quoi qu'il en pensât, le général fit savoir
aux dissidents qu'il leur donnait jusqu'au lendemain, à 10 heures du matin,
pour faire leurs démarches de soumission et que, passé ce délai, il irait les
attaquer.
Le général fut averti dans la nuit que des contingents nombreux se
portaient dans les Oulad-el-Aziz et qu il en venait non seulement des tribus les
plus voisines des deux versants du Djurdjura, mais encore des Zouaoua de
Fort-National et des Beni-Mellikeuch de Bordj-bou-Aréridj. Chikh-el-Djadi, qui
avait le commandement de tous ces rebelles, avait quitté le siège de
Dra-el-Mizan, ne laissant devant cette place qu'une centaine d'hommes, et avait
amené avec lui les contingents qui s'y trouvaient réunis. On avait même
rapporté que Chikh-el- Djadi se proposait d'attaquer la colonne pendant la
nuit; le général Cérez prit ses dispositions pour être prêt à tout
événement, mais la nuit se passa sans aucune alerte.
Le 28 avril, personne ne s'étant présenté au camp, le général forma une
colonne légère composée de 1.200 fantassins sans sacs, de 600 cavaliers, de 2
sections d'artillerie et du goum, et il se mit en marche à midi et demi ; les troupes étaient disposées par
bataillons en colonnes et elles formaient un carré ayant l'artillerie au
centre; la cavalerie régulière flanquait ce carré à droite et le goum à
gauche.
La colonne s'avança en suivant l'ancienne route d'Aumale à Dra-el-Mizan. En
arrivant au mamelon qui porte le nom de Tekouka, on aperçut l'ennemi en
position sur une longue crête située à 8 kilomètres de Bouïra, appelée
Dra-Oum-er-Rih, et qui court entre l'Oued-Bezzit et l'Oued-Meroudj. Les
rebelles avaient établi des lignes de retranchements sur une longueur de plus
de trois kilomètres, construits en pierres sèches, et ces retranchements
étaient en double ou en triple rang aux cols et aux passages par où on pouvait
franchir la crête. Les contingents comptaient au moins 3.000 hommes.
Le général prit aussitôt ses dispositions pour marcher à l'ennemi; il
forma, sous les ordres du colonel Méric, 3 colonnes d'attaque d'infanterie
précédées chacune d'une ligne de tirailleurs; la cavalerie régulière, sous
les ordres du colonel Goursaud, devait exécuter un mouvement tournant par la
droite, et le goum, commandé par le caïd des Oulad-Ferah, devait faire un
mouvement analogue par la gauche. Pendant que la troupe montait à l'assaut des
retranchements, l'artillerie avait ouvert son feu pour inquiéter leurs
défenseurs.
Les positions furent abordées avec un entrain remarquable et, malgré une
très vive résistance, l'ennemi fut culbuté et mis en déroute au bout de 35
minutes de combat. Les rebelles, rejetés d'abord dans l'Oued-Bezzit, furent
ensuite poursuivis sur les pentes qui mènent à la ligne de faîte qui prolonge
le Djurdjura par le Nador et Tachachit. Tous les villages de la vallée de l'Oued-Bezzit
furent enlevés et incendiés, l'artillerie préparant d'abord l'attaque et
l'infanterie se portant ensuite à l'assaut. L'ennemi, dans une complète
débandade, fut pourchassé au milieu des ravins et des escarpements qui se
succédaient les uns derrière les autres ; la cavalerie arriva jusqu'aux
crêtes supérieures. On eut peine à ramener les troupes qui continuaient leur
poursuite alors même que l'ennemi avait disparu.
"L'ardeur des troupes, dit le général Cérez dans son rapport, a été
remarquable; les chasseurs du 1er d'Afrique et du 9e de France ont mis pied à
terre pour faire le coup de feu. Les chasseurs du 23e bataillon ont rivalisé
avec les zouaves; les éclaireurs ont eu leur hardiesse habituelle."
Les pertes de l'ennemi ont été énormes, elles dépassent 300 morts
constatés; on lui a pris beaucoup de butin, d'armes et de troupeaux.
Chikh-el-Djadi avait disparu dès le commencement du combat.
De notre côté nous avons eu : aux zouaves 2 hommes blessés grièvement, 3
légèrement; aux chasseurs d'Afrique 2 hommes et 2 chevaux blessés; aux
éclaireurs algériens, le sous-lieutenant de Vialar légèrement blessé à la
cuisse, 2 cavaliers blessés, 1 cheval tué et 3 chevaux blessés.
La colonne est rentrée au camp à 8 heures du soir; des chevaux sont tombés
fourbus par suite des fatigues de cette journée dans laquelle certaines
fractions ont parcouru 50 kilomètres."
"Harchaoua (Tisers) 30
avril"
"Après avoir donné à sa colonne un jour de repos qu'elle avait bien
gagné, le général Cérez reprit, le 30 avril, à 6 heures du matin, sa marche
vers Dra-el-Mizan. Un rassemblement d'un millier d'indigènes, qui faisait mine
de couper la route à un col des Oulad-el-Aziz, se dispersa à l'approche de
l'avant-garde et le bivouac fut établi à 11 heures, à Ben-Haroun, dans les
Harchaoua, tribu révoltée du cercle de Dra-el-Mizan. Le point où la colonne
s'établit était des plus riants, à côté de belles sources, de prairies, de
jardins, de bouquets d'arbres et de beaux villages."
"Oued Soufflat, attaque
de nuit - Combat de l'Oued Soufflat 4 et 5 mai"
"Rassuré sur la situation de Dra-el-Mizan, le général Cérez résolut
de se porter dans les Beni-Djad, mais il voulut profiter de la présence de la
colonne à Ben-Haroun pour infliger un châtiment aux tribus avoisinantes et
particulièrement aux Nezlioua. Dans ce but, il organisa deux colonnes légères
chacune de 500 hommes d'infanterie, 250 cavaliers, une pièce d'artillerie et
100 cavaliers du goum, qu'il mit sous le commandement du lieutenant-colonel
Trumelet, commandant la subdivision d'Aumale, et du colonel Goursaud; ces
colonnes se mirent en mouvement le 1er mai, à 10h.1/2 du matin.
Le lieutenant-colonel Trumelet avait pour mission de dépasser l'oued Soufflat, de pénétrer dans le pays des
Senhadja, puis de rabattre vers la
droite jusqu'à Sidi-Rahmoun des Nezlioua. Le colonel Goursaud devait, de son
côté, se porter à l'est de Dra-Sellama des Nezlioua, puis se rabattre à
gauche vers Sidi-Rahmoun, à la rencontre de l'autre colonne.
Le lieutenant-colonel Trumelet avait avec lui le 4e zouaves de marche et le
23e bataillon de chasseurs à pied, aux ordres du commandant Bayard, et 250
chevaux des chasseurs d'Afrique et des éclaireurs algériens sous les ordres du
commandant Delorme, plus 100 chevaux des goums d'Aumale commandés par le caïd
des Oulad-Dris, Salem-ben-Mohamed. Il descendit l'oued Djelida, qui est un
affluent de droite de l'oued Soufflat prenant naissance un peu au sud du village
arabe de Ben- Haroun où était établi le camp.
A peine la colonne arrivait-elle aux abords du village d'El Djelida, où était la maison du caïd révolté des
Harchaoua, Ahmed-ben-Aïssa, que des groupes armés assez nombreux apparaissaient sur la
rive gauche du ravin boisé d'EI-Akhera au pied du Djebel-Helala. Le
lieutenant-colonel Trumelet leur croyant des intentions pacifiques leur envoya
le cadi Si-Mohamed-ben-Laoubi pour les inviter à faire leur demande de
soumission. Il y eut des pourparlers qui n'aboutirent qu'à des coups de feu
tirés du côté des rebelles. Le goum et les éclaireurs algériens furent
lancés sur un fort parti de piétons qui, à la faveur des bouquets de
lentisque, s'étaient approchés jusqu'à 400 ou 500 mètres de la colonne; on
tirailla quelques instants sans résultat, puis l'escadron d'éclaireurs,
entraîné par le capitaine de Reynaud de Villeverd, fondit résolument sur eux.
Les rebelles se dispersèrent laissant une dizaine de cadavres sur le terrain.
Le village de Djelida fut livré aux flammes. A ce moment, un parti de
rebelles, évalué de 600 à 800 hommes, fut signalé descendant les pentes nord
du Djebel-Helala; le lieutenant- colonel Trumelet voulait les laisser
s'approcher dans un terrain favorable à la cavalerie, mais le commandant
Delorme, sans attendre d'ordre, lança trop tôt une portion de sa cavalerie ;
les rebelles eurent le temps de se rejeter dans d'épaisses broussailles
inaccessibles aux chevaux devant lesquelles les cavaliers durent s'arrêter. Il
fallut battre en retraite sous le feu de l'ennemi qui, enhardi par ce mouvement
rétrograde, s'avança plus nombreux; cette fois, on le laissa s'approcher. Deux
compagnies de chasseurs à pied furent envoyées sur sa gauche en remontant le
ravin d'EI-Akhera, tandis que la cavalerie, prenant les rebelles par leur
gauche, les chargeait dans une clairière où ils s'étaient imprudemment
avancés, les enveloppait et les sabrait; vingt-cinq d'entre eux restèrent sur
la place. Les insurgés à qui on avait eu affaire étaient des Harchaoua, des
Beni-Djad, des Nezlioua, des Beni-Khalfoun et des Ammal.
La colonne continua sa marche en descendant la vallée, flanquée à gauche par les deux compagnies de chasseurs à pied et à droite
par un peloton de chasseurs d'Afrique; les éclaireurs poussaient en avant
livrant aux flammes tous les azibs qu'ils rencontraient à proximité de leur
route.
Après avoir franchi l'oued Soufflat, les éclaireurs avaient pénétré sur
le territoire des Oulad-Sidi-Salem et avaient incendié le village de Tarnast et
divers azibs de la fraction des Aouaouda, de laquelle était originaire le caïd
des Senhadja, Ahmed-ben-Ali-ben-el-Aoudi. Les gens des Aouaouda essayèrent de
résister, mais sans succès, et perdirent quinze des leurs. Les éclaireurs
mettaient à leur besogne de destruction et de razzia une ardeur qui menaçait
de les entraîner trop loin ; le lieutenant-colonel Trumelet, qui avait arrêté
sa colonne au confluent de l'oued Soufflat et de l'oued Djemâa pour les
attendre, dut leur envoyer de nombreux appels pour leur faire lâcher prise.
La colonne remonta alors l'oued Djemâa en suivant la grande route d'Alger à
Constantine ; la cavalerie fut lancée sur la tribu des Nezlioua qui a de
nombreux villages sur la rive droite de l'oued Djemâa.
Un incident vint douloureusement impressionner la colonne ; les éclaireurs
avaient trouvé dans un silo voisin du village d'El-Djelida des vêtements
européens percés de balles et maculés de sang, qui devaient évidemment
provenir des colons de Palestro. Cette vue excita l'ardeur de nos soldats qui
brûlaient de venger nos malheureux compatriotes sauvagement assassinés.
Les chasseurs d'Afrique se jetèrent sur les villages des Nezlioua qui
s'élèvent à mi-côte du plateau de Sidi-Rahmoun; les Zehennia, les Oulad-Kflf,
les Djouahiria furent successivement saccagés et incendiés. Un fort parti de
Kabyles qui, embusqué derrière ce dernier village, avait essayé de tenir, fut
enveloppé et sabré, avant d'avoir eu le temps defaire usage de ses armes, par
une division de chasseurs d'Afrique vigoureusement conduite par le capitaine de
Groulard; trente-cinq cadavres restèrent sur la place. On s'avança ainsi
jusqu'au village de Bou-Nab qui fut incendié et la cavalerie poussa jusqu'à
la nouvelle route d'Alger à Dra-el-Mizan, qui était la limite d'action donnée
au lieutenant-colonel Trumelet. Une soixantaine de villages ou hameaux avaient
été détruits."
Ce
n'est toutefois pas cet engagement auquel l'état des services de Reynaud fait
allusion, mais à celui du 5 mai, où, selon l'Historique du 3e Spahis,
"les éclaireurs prennent part au combat de l'oued Soufflat, livré aux
contingents des Beni-Djab, et dans lequel périt Mokrabi, le principal chef de
l'insurrection".
"Beni Mansour 26 et 29
Mai"
"Garanti du côté du sud et rassuré sur la situation des Beni- Mançour par
la lettre qu'il avait reçue du capitaine Mas, le général Cérez se mit en
route le 20 mai avec l'intention de dégager l'aghalik de Bouïra des étrangers
qui l'avaient envahi avant d'aller débloquer le bordj desBeni-Mançour. La
colonne bivouaqua à Aïn-Tiziret et, le 21 mai, a 10 heures du matin, elle
arrivait à Bordj-Bouïra. Les cavaliers de Bou-Mezrag n'étant pas en force
pour se mesurer avec nous refluèrent immédiatement du côté des Beni-Mançour.
Le 23 mai, la cavalerie alla faire une reconnaissance dans les Beni-Meddour
et les Merkalla, brûlant quelques villages sur sa route (...).
Quelques coups de fusil furent échangés
avec les Beni-Yala.
Le 24, un renfort d'une compagnie de zouaves et d'une section d'artillerie
rejoignit la colonne.(...)
Le général Cérez avait reçu à Bouïra une nouvelle lettre du capitaine
Mas ; ce dernier avait pris le parti de renvoyer ses cavaliers, n'ayant plus
rien pour nourrir leurs chevaux. Le bordj était toujours surveillé par
l'ennemi, mais pas bien étroitement, puisque les cavaliers renvoyés avaient pu
sortir sans être inquiétés.
Le général laissa une partie de son convoi à Bordj-Bouïra et se dirigea,
le 25 mai, sur Adjiba des Beni-Yala, avec douze jours de vivres et un ravitaillement pour le bordj des
Beni-Mançour. On brûla
en chemin quelques villages et azibs des Beni-Yala et on releva, en passant, la
petite garnison du caravansérail d'El-Esnam. Adjiba fut aussi livré aux
flammes. La moisson était commencée dans le pays; les récoltes sur pied
furent respectées et on ne prit que ce qui était nécessaire pour la
nourriture des chevaux et mulets.
La colonne quitta Adjiba le 26, à 5 heures du matin ; elle avait à peine
fait 3 kilomètres, quelle trouva l'ennemi en position à El-Mergueb sur une
crête bien prononcée, s'appuyant à l'oued Sahel et barrant la route (ce
point est marqué sur la carte Ir-Arem) ; c'étaient Bou-R'enan et
Mohamed-Ould-Kouider qui avaient amené là tous les contingents de l'Oued-Sahel.
Le général fit masser sa colonne et continua sa marche; en même temps la
cavalerie et le goum engageaient l'action et, avant même que l'infanterie eût
le temps d'entrer en ligne, les contingent kabyles étaient chassés de leur
position.
Sur la gauche, on aperçut un parti de cavaliers qui semblait vouloir tourner
la colonne; quelques obus bien dirigés arrêtèrent leur marche. Les rebelles
se partagèrent alors en deux groupes de chaque côté de la rivière : celui de
droite fut vigoureusement poursuivi par les éclaireurs algériens, sous les
ordres du commandant de la Roque, et par le goum commandé par le capitaine
Abd-el-Kader; celui de gauche fut hardiment poussé par le 1er chasseurs
d'Afrique et par le 9e chasseurs, envoyés par le colonel Goursaud, sous les
ordres du commandant Delorme. Nos ca valiers eurent un peu plus loin, à hauteur
du village des Aït-Ikhelef des Meeheddala, à. vaincre une vive résistance que
leur opposèrent les Kabyles de cette tribu, des Beui-Aïssi et des Beni-Yala
qui s'étaient embusqués dans les bois d'oliviers qui bordent la rive droite de
l'oued Sahel. Une partie de la cavalerie dut mettre pied à terre et elle
exécuta, sur l'ennemi, des feux de peloton et d'escadron. Le général avait
fait appuyer l'attaque par des feux d'artillerie, qui furent bien dirigés, et
par l'entrée en ligne de quatre compagnies de zouaves sous les ordres du
commandant Vitalis, lesquelles ont été fortement engagées.
Un peu en avant, le capitaine Guillemin, des éclaireurs, prenait aussi une
vigoureuse offensive sur un autre groupe.
Peu après, l'ennemi, qui avait éprouvé de grosses pertes, se décida à
fuir de toutes parts, laissant une partie de ses morts sur le terrain. De notre
côté, les pertes étaient insignifiantes.
La route des Beni-Mançour se trouvant, dès lors, ouverte, la colonne reprit
sa marche et, à midi 1/2, elle établissait son bivouac en avant du borj,
délivrant enfin la garnison et les malheureux colons qui étaient restés
étroitement bloqués depuis cinquante-deux jours. Les colons s'étaient portés
au-devant de la colonne, les uns joyeux, les autres pleurant d'émotion.
Tout le monde, militaires et civils, était bien portant; un seul soldat de
la garnison était malade de fièvres dont il avait été atteint plusieurs mois
auparavant.
Le général put constater par lui-même que le bordj ne manquait ni de
vivres, ni de munitions, ni d'eau et qu'il aurait pu facilement tenir encore
douza à quinze jours sans se rationner autrement qu'on ne l'avait fait ; le
lard seul faisait défaut.
Le général Cérez résolut de châtier sans retard le village des Cheurfa,
situé à 3 kilomètres au nord du bordj, sur la rive gauche de l'oued Sahel, à
l'extrémité des dernières pentes du Djurdjura. Les marabouts de ce village,
dont la conduite pendant l'insurrection de 1856-1857 avait déjà été
telle que tout leur territoire avait été mis sous le séquestre,
s'étaient encore fait remarquer, en 1871, parmi nos adversaires les plus
acharnés et c'était encore chez eux que se tenait Mohamed-ould-Kouider que
Bou-Mezrag avait chargé de maintenir le blocus du bordj. Des rassemblements
nombreux s'y étaient formés; c'était là que s'étaient ralliés les
insurgés qui avaient été battus le matin à El-Margueb.
Vers 3 heures, le général envoya contre les Cheurfa une colonne légère sous
les ordres du lieutenant-colonel Noellat, du 4e zouaves, et composée de 500
hommes d'infanterie, de 200 chevaux, d'une section d'artillerie et du goum.
L'infanterie aborda le village de front, pendant que l'escadron de chasseurs
d'Afrique du capitaine Ulrich l'attaquait par la droite; les éclaireurs
algériens opéraient en même temps un mouvement tournant encore plus à droite
de manière à venir couronner les crêtes qui dominent le village au nord. Ces
derniers effectuèrent leur mouvement avec une audacieuse rapidité, mais les
insurgés qui occupaient le village ne leur laissèrent pas le temps d'arriver,
ils se sauvèrent en toute hâte dans les ravins ou remontèrent les crêtes du
côté de Selloum. L'artillerie qui avait lancé des obus dans le village avait
contribué à la déroute des défenseurs. L'infanterie put y entrer sans coup
férir et elle se mit à la poursuite des fuyards, qui furent aussi serrés de
près par les spahis et les chasseurs.
Les Kabyles éprouvèrent des pertes sérieuses; de notre côté, nous avions
deux spahis tués et quelques hommes et chevaux blessés. Le village fut
détruit avec tout ce qu'il contenait.(...)
Le général fit remettre le bordj en état, fit remplir la citerne et
reconstitua les approvisionnements pour quarante-cinq jours.
Le village des Aït-bou-Ali, qui dominait la cour du bordj, fut rasé
complètement, ainsi que les maisons trop voisines du fort, qui servaient
d'embuscades aux Kabyles.
Le 28 mai, tous les villages des Beni-Mancour : Oulad-Zian, Tir'ilt, Taourirt,
furent incendiés par les éclaireurs commandés par le commandant de La Roque.
Le général Cérez renforça de 25 zouaves la garnison du bordj, et il reprit
avec sa colonne, le 29 mai, le chemin de Bouïra, emmenant tous les Européens,
hommes, femmes et enfants, qui étaient restés bloqués, afin de les rapatrier
à Aumale.(...)
Le 29 mai était le jour fixé par Bou-Mezrag pour l'attaque de la colonne,
mais c'était aussi le jour où celle-ci se mettait en route pour aller opérer
enfin le débloquement de Dra-el- Mizan, déjà plusieurs fois remis; aussi,
lorsque les rebelles se présentèrent devant les Beni-Mançour, ils n'y
trouvèrent plus la colonne qui s'était mise en route dès 5 heures du matin.
Le général Cérez s'attendait à une attaque, et il avait pris ses
dispositions en conséquence; il avait mis toute sa cavalerie, moins un escadron
d'éclaireurs, du côté de la plaine, sous les ordres du colonel Goursaud et,
pour couvrir la marche du côté des terrains boisés de Hanif, il avait
employé ledit escadron d'éclaireurs, commandé par le capitaine Rapp, et le
goum sous les ordres du capitaine Abd-el-Kader-ouId-bel- Kassem; un bataillon de
zouaves formait l'arrière-garde.
Quelques cavaliers ennemis se montrent d'abord sur la ligne de crête parallèle
à la rivière sur laquelle sont bâtis les villages des Beni-Mançour; puis,
vers 7 heures, une attaque sérieuse se prononce de ce côté.
Le général fait filer son convoi sous l'escorte de deux bataillons, puis il
fait face à l'ennemi avec le reste de ses troupes. La cavalerie restant aux
ailes, il masse l'infanterie au centre, sous les ordres du colonel Méric, en
deux colonnes chacune de deux bataillons; une section d'artillerie marche avec
chaque colonne. L'action devient bientôt générale, les assaillants,
repoussés au centre par l'infanterie devant laquelle ils ne peuvent tenir, sont
rejetés, partie dans la vallée, partie dans les bois de Hanif. Ces derniers
sont poussés vigoureusement par le goum et les éclaireurs qui ont pu les
tourner, soutenus par les zouaves du commandant Barberet, et ils sont poursuivis
jusqu'à 3 kilomètres de distance; les nôtres les chargent le sabre à la main
et leur font subir d'énormes pertes. Les éclaireurs et le goum ont rapporté
44 fusils pris à autant d'ennemis qu'ils ont tués; le khodja de Mokrani a
été tué par le caïd Mohamed-ben-Brahim qui s'est emparé de son fusil et du cachet du bach-agha, cachet qu'on avait fait servir même après la mort de
ce dernier.
Sur notre gauche, les chasseurs d'Afrique, l'escadron du 9e chasseurs et les
éclaireurs, soutenus par les zouaves, abordent vigoureusement l'ennemi; le feu
des zouaves a arrêté brusquement le goum ennemi qui osait tenter de charger
l'escadron du capitaine Ulrich. Les contingents à pied, qui se sont embusqués
dans les bois d'oliviers qui bordent l'oued Sahel, tiennent bon; les zouaves et
tirailleurs du capitaine Sonnois, les chasseurs du 23e bataillon, sous les
ordres du commandant Bayard, les attaquent vivement. Les chasseurs à pied
arrivent les premiers, mais ils ont épuisé leurs cartouches; alors, par un
vigoureux effort, les zouaves enlèvent la position. Le capitaine Sonnois a eu
son cheval tué sous lui et a roulé dans un ravin.
Le combat continue encore d'assez près avec acharnement l'ennemi ne lâchant
pied sur un point que pour se reformer un peu plus loin; enfin, les rebelles se
débandent et s'enfuient poursuivis par nos balles, qui fouillent les buissons
et les ravins, jusqu'au delà des premières crêtes qui dominent la vallée sur
la rive gauche de l'oued Sahel.
L'artillerie a protégé les divers mouvements par des feux bien dirigés.
Des azibs appartenant aux Mecheddala et aux Beni-Aïssi sont livrés aux
flammes.
Le combat avait commencé à 7 heures du matin et ce n'est qu'à 11 h. 1/2 que
les contingents ennemis disparurent complètement.
Les pertes des insurgés ont été d'au moins 250 tués ou blessés grièvement;
parmi ceux qui sont tombés étaient des personnages importants, à en juger par
la beauté de certaines armes qui ont été recueillies. Un ancien
amin-el-oumena des Beni-Yala, Sliman-ou-Saïd, qui a été un des principaux
instigateurs de la révolte, a été tué à coups de baïonnette par les
chasseurs à pied.
De notre côté il y a eu 1 mort et 15 blessés, dont 3 grièvement.
Les contingents des tribus se dispersèrent en emportant leurs morts ;
Bou-Mezrag voulut en vain les retenir aux Meched-dala, on ne l'écouta pas. Ce
chef d'insurrection qui, selon son habitude, n'avait pas eu une attitude
brillante dans le combat, fut obligé de repartir pour les Beni-Abbès,
poursuivi par les quolibets des Kabyles. Un témoin oculaire a affirmé au
général qu'au fur et à mesure que nos balles portaient plus loin par suite
des mouvements en avant de nos soldats, il prenait prudemment ses distances,
ayant soin de se tenir toujours hors de leur portée. Il a passé dans une
djamà d'un village éloigné de l'action les derniers moments de la lutte. Il a
eu son cheval tué dans le combat, mais non pas sous lui; il venait de le
quitter pour en monter un autre plus sûr et plus propre à le maintenir à
bonne distance.
Après le combat, la colonne alla camper auprès du village des Oulad-Adjiba."
"Dra El Mizan 6 juin"
"Le 4 juin, la colonne va camper au confluent de l'oued Isser et de
l'oued Djemaa et, le 5 juin, le temps, qui était toujours resté pluvieux,
s'étant remis, la colonne se met en route à 9 heures pour aller débloquer
Dra-el-Mizan investi par les Kabyles depuis quarante-sept jours.
Le général avait reçu avis que les hauteurs qu'il fallait franchir pour
arriver à Dra-el-Mizan étaient fortement occupées par des contingents kabyles
et que les crêtes et le col de Sidi- Rahmoun avaient été garnis de
retranchements en pierres sèches; aussi avait-il pris, dès le départ, ses
dispositions pour l'attaque. 11 avait laissé une garde très forte avec une
section d'artillerie, sous les ordres du commandant Bayard, pour protéger
l'énorme convoi qui suivait la colonne.
Arrivé à une centaine de mètres des crêtes de Sidi-Rah-moun, il fait former
l'infanterie de chaque côté de la route en deux colonnes d'attaque, celle de
droite dirigée par le lieutenant-colonel Noëllat, celle de gauche par le
lieutenant-colonel Désandré, le tout sous les ordres du colonel Méric;
l'artillerie étant placée de manière à soutenir l'attaque.
En même temps, le goum, un escadron d'éclaireurs, un escadron de chasseurs
d'Afrique, un escadron du 9e chasseurs de France sont envoyés à l'extrême
droite, sous le commandement du commandant de La Roque; à l'extrême gauche se
trouve le reste de la cavalerie, sous les ordres du colonel Goursaud.
Le déploiement effectué, le mouvement en avant est commencé en même temps
sur toute la ligne.
Les Kabyles, se voyant menacés d'être tournés par la cavalerie, abandonnent
leur centre où ils avaient préparé leurs principaux moyens de résistance et
le combat n'est soutenu avec vigueur que sur les deux ailes.
A droite étaient les Guechtoula, et les Zouaoua, conduits par
Si-el-Hadj-Mhamed-el-Djadi, oukil de la zaouïa de Si-Abd-er-Rahman-bou-Goberin,
étaient postés à Dra-Sellama vers la route de Dra-el-Mizan à Bouïra, où
ils avaient préparé quelques barricades, entre autres celle d'un ponceau
barré avec ses débris. De ce côté la résistance est très vive, les Kabyles
font même des retours offensifs. Un caporal de zouaves est enveloppé, tué et
dépouillé complètement et ses hommes arrivent à son secours juste à temps
pour empêcher que son corps ne soit mutilé : trois hommes y sont blessés.
En face de notre gauche, sont établis les Nezlioua, les Flis-sat-oum-el-Lil,
les Maatka, commandés par Ali-ben-Tallach, l'ancien caïd des Nezlioua ; de ce
côté, la résistance est assez molle et elle ne devient un instant sérieuse
qu'à un col qui était fortement retranché. Les rebelles sont bientôt
délogés de toutes leurs positions et sont poursuivis vigoureusement par les
éclaireurs, les chasseurs d'Afrique et par les zouaves du 4e de marche qui,
ayant pu les atteindre, en tuent plusieurs à la baïonnette. Les zouaves, le
goum et la cavalerie ont rapporté bon nombre d'armes.
On peut évaluer à plus de 4.000 hommes les forces de l'ennemi ; ses pertes ont
dû dépasser 200 hommes. De notre côté nous avons eu 3 tués et 6 blessés et
quelques chevaux blessés.
Pendant le combat, le convoi avait pu s'avancer en toute sécurité.
L'affaire terminée, la colonne continue sa route vers Dra-el-Mizan, où elle
arrive à 3 heures. La population civile s'était portée au-devant de la
colonne qu'elle a saluée de ses vivats tant était grande la joie de se voir
libres et d'être débarrassés du cauchemar d'un ennemi toujours aux aguets
dont on pouvait à tout instant redouter les attaques."
"A la colonne de Mr. le
Colonel Goursaud, du 8 Juin"
"Le 7 juin, le général Cérez procéda à l'organisation de la colonne
qui devait aller opérer dans la vallée de l'oued Sahel pendant tout le temps
qu'il serait retenu par le général Lallemand; elle était ainsi composée :
M. Goursaud, colonel des éclaireurs algériens, commandant de la colonne;
M. de La Roque, chef d'escadrons, chef d'état-major;
M. de Saint-Germain, capitaine, employé à l'état-major;
M. Monthaulon, capitaine, employé à l'état-major;
M. Didier, capitaine, faisant fonctions de sous-intendant.
L'infanterie formait trois bataillons de marche :
1er bataillon de zouaves, commandant de Montlevant;
2e bataillon de la légion étrangère, commandant Gache;
3e bataillon de tirailleurs algériens, capitaine commandant Thomas.
La cavalerie était composée de trois escadrons, sous les ordres du
commandant de La Roque :
ler escadron du 9e chasseurs, capitaine Lambert;
2e et 3e escadrons d'éclaireurs algériens, MM. Guillemin et Reynaud,
capitaines.
L'artillerie était composée d'une section, commandée par le lieutenant
Ecosse.
Services administratifs :
M. Lefort, médecin-major, chargé de l'ambulance ;
M. Sarda, comptable de l'ambulance;
M. Riss, comptable des subsistances ;
M. Lemoussu, capitaine du train, chef du convoi ;
M. Baudry, sous-lieutenant, adjoint au chef de convoi.
M. Courège, sous-lieutenant du train, vaguemestre général et grand prévôt.
Le général Cérez avait gardé une partie de l'escorte du convoi pour
porter son infanterie à 2.500 hommes.
Le 8 juin, le général Cérez alla camper à Azib-Chikh, sur la route de
Dra-el-Mizan à Tizi-Ouzou, et le colonel Goursaud alla camper à Ben-Haroun
(...)
Le 8 juin, la colonne du colonel Goursaud, constituée à Dra-el-Mizan
(...), établissait son bivouac à Ben-Haroun; elle
avait emmené avec elle la plupart des colons de Dra-el-Mizan pour les conduire
à Aumale.
Le caïd des Harchaoua, Ahmed-ben-Aïssa, avait amené au gué de l'oued
Djemaa les otages que la tribu devait fournir et les armes qu'elle devait
livrer.
Quelques coups de fusil furent tirés pendant la nuit sur une grand' garde
par les Oulad-el-Aziz qui, le lendemain, lorsque la colonne se mit en marche
pour Bouïra, vinrent encore échanger des coups de feu avec nos flanqueurs.
Le 10 juin, la colonne était à Aumale où elle était allée se remettre en
état, compléter son matériel et ses munitions, et prendre un ravitaillement.
Le 12 juin, elle était à Aïn-Tiziret et, le 13, elle arrivait au
caravansérail d'El-Esnam, où elle apportait un ravitaillement. La cavalerie
avait poussé sa marche, le même jour, jusqu'à Bouïra où on avait craint une
attaque des Oulad-el-Aziz et, n'y ayant trouvé aucun ennemi, elle avait rejoint
le soir même au gîte d'étape. (...)
Le 15 juin, maigre; la proximité de la colonne Goursaud, Bou-Mezrag, suivi
d'une centaine de cavaliers et des contingents des Ahl-el-Ksar, fondit
tout-à-coup avec une audace incroyable sur les Beni-Âmar qui se trouvaient
entre El Esnam et Aïn-Hazem et leur enleva 300 moutons, 15 bœufs et 8 chevaux.
Quand le colonel Goursaud apprit cette razzia, les rebelles étaient déjà loin
et hors de portée. La colonne était arrivée, ce jour-là, à Kaf-el-Ahmar. Le
colonel se porta, le 16, à Aïn-el-Kharouba, le 17, à Itordj-Bouïra et, le
18, il alla s'établir à l'Oued-Berdi où il prépara une attaque contre la
petite tribu des Ahl-el-Ksar, toujours insoumise. Cette tribu se trouvait sous
la pression des contingents de l'Ouennour'a qui étaient rassemblés au Khemis
des Ouled-Msellem.
Pour diviser l'attention de l'ennemi dans l'opération qu'il voulait effectuer,
le colonel Goursaud demanda le concours de la colonne de Sidi-Aïssa (...)
La lettre que le colonel Goursaud avait écrite au lieutenant- colonel
Trumelet pour lui demander le concours de sa colonne dans la matinéedu 19,
ne parvint à cet officier supérieur que le 18 juin, à 8 heures du soir. Le
théâtre de l'action était trop éloigné pour qu'on eût le temps d'y
arriver avec l'infanterie; d'ailleurs, la colonne n'avait comme moyens de
transport que des chameaux qui ne pouvaient être utilisés dans les terrains
rocheux et difficiles qu'il y aurait eu à traverser; aussi, le
lieutenant-colonel Trumelet dut-il se borner à envoyer, la nuit même, tous les
goums qu'il avait à sa disposition et qui comprenaient : 300 chevaux du cercle
de Médéa commandés par le capitaine Coyne, 150 chevaux du cercle de Boghar
sous les ordres du capitaine Labayle et 150 du cercle d'Aumale conduits par le
capitaine Cartairade. Les commandants des goums étaient trois officiers
vigoureux, énergiques et hardis cavaliers ; c'était au capitaine Cartairade,
le plus ancien de grade, que revenait le commandement dans l'opération à
exécuter.(...)
Voyons maintenant ce qu'avait fait la colonne du colonel Goursaud.
Les troupes s'étaient mises en marche le 19, à 4h.1/2 du matin, et, au lieu
d'arriver par la route directe, elles avaient pris à travers bois en suivant la
ligne des crêtes et étaient arrivées sur les trois villages des Ahl-el-Ksar,
d'un côté où la résistance n'avait pas été préparée. La diversion faite
par les goums de la colonne du lieutenant-colonel Trumelet avait produit son
effet : les Ahl-el-Ksar n'avaient à opposer à la colonne Goursaud que leurs
propres forces. Les éclaireurs purent s'emparer, après une courte résistance,
des positions dominantes, et les gens de la tribu prirent la fuite en faisant
filer leurs troupeaux; quand le gros de la colonne arriva, les villages étaient
déserts. Ces villages : Oulad-Rached, Oulad-abd-Allah et Zeriba, furent
incendiés, et la maison de l'amin de la tribu, EI-Hadj-Mohamed-ben-Ammar, fut
démolie.
Le colonel Goursaud ne passa qu'une seule nuit dans les Ahl-el-Ksar; le
lendemain, il retourna à l'oued Berdi. Au moment du départ, une dizaine de cavaliers et une cinquantaine de piétons
apparurent dans un des villages et tirèrent sans résultat quelques coups de
lusil sur l'arrière-garde; on riposta par un feu de peloton qui abattit trois
ou quatre hommes et mit les autres en fuite.
Après avoir sévi sur les Ahl-el-Ksar, le colonel Goursaud se dirigea sur
Aumale pour y prendre un ravitaillement destiné à la garnison des
Beni-Mançour. Arrivé à Aumale le 22, il en repartit le 24 juin pour aller
camper à Aïn-Hazem. La cavalerie avait été envoyée seule, le 23, chez les
Beni-Amar, qui s'étaient crus menacés par les dissidents; elle rejoignit la
colonne à son bivouac le lendemain.
La colonne, prenant la route des Beni-Mançour, campa, le 25, à l'oued Berdi;
le 26 à Adjiba, et elle arriva à destination le 27 juin.
Le lendemain, des contingents ennemis ayant été signalés dans les Beni-Abbès,
la cavalerie reçut l'ordre de monter à cheval et d'aller faire une
reconnaissance, soutenue par trois compagnies d'infanterie. L'ennemi fut
rencontré à 3 kilomètres, chez les Beni-Houïdan; on tirailla quelque temps,
puis les rebelles lâchèrent pied et disparurent, leur chef, Bel-Kassem-ou-Bettach, ayant été tué.
Pendant son séjour à Adjiba, le colonel Goursaud avait reçu la nouvelle que
Saïd-ben-bou-Daoud s'était porté, à la tête de ses contingents, dans les
environs de l'oued Okheris, d'où il menaçait d'un coup de main les Beni-Amar
et les Beni-Iddou, et même les environs d'Aumale, et il avait demandé au
lieutenant-colonel Trumelet de faire faire un mouvement à sa colonne pour
couvrir les tribus d'Aumale du côté de l'est, pendant qu'il opérerait aux
Beni-Mançour. (...)
Le colonel Goursaud avait encore fait séjour aux Beni-Mançour les 29 et 30
juin, pour recevoir des ouvertures de soumission qui lui étaient faites par les
Ahl-el-Ksar, les Sebkha, les Mecheddala, les Beni-Mellikeuch et les Beni-Abbès.
Les négociations avaient été laborieuses et elles n'avaient pas abouti
complètement, car il n'y avait encore que des sofs isolés qui se
présentaient, et on ne pouvait rien arrêter définitivement.
Pendant le séjour de la colonne Goursaud aux Beni-Mançour, un de nos meilleurs
chefs indigènes, qui nous avait montré, dans ces circonstances difficiles, une
fidélité inébranlable, était tombé victime du devoir : c'était le caïd
des Oulad-Bellil, Mahmed-ben-Mançour, dont j'ai eu plus d'une fois l'occasion
de parler.(...)
Le colonel Goursaud avait à cœur de venger la mort de notre fidèle serviteur;
il quitta les Beni-Mançour le 1er juillet et arriva à Bouïra le 3, avec sa
colonne."
"Col de Teniet Djaboub
4 juillet"
"Les
contingents des Oulad-el-Aziz, auxquels s'étaient joints ceux des Guechtoula,
du cercle de Dra-el-Mizan, s'étaient réunis au col de Djaboub, point du
Djudjura à partir duquel commencent les crêtes rocheuses et inaccessibles de
cette chaîne de montagnes; le colonel Goursaud résolut de les y aller chercher
et il partit, à cet effet, de Bouïra, le 4 juillet, à 4 heures du matin. La
route à suivre a des pentes très rapides, mais elle ne présente pas, par
elle-même, de difficultés bien considérables dans la plus grande partie de
son parcours.
La position de l'ennemi, déjà très forte naturellement, avait encore été
admirablement retranchée par les Kabyles; il n'y avait pas moins de quatorze
barricades sur le chemin étroit et escarpé qui conduit au col, et la crête
était défendue par un système de trois retranchements superposés, vraiment
considérables.
La cavalerie ne pouvait rendre que peu de services dans un pareil terrain, et le
colonel Goursaud dut en faire mettre une partie à pied pour concourir, avec
l'infanterie, à l'attaque de la position. Il était 7 heures du matin quand on
commença à prendre les dernières dispositions pour l'assaut.
Pendant que la cavalerie à pied, une compagnie de zouaves et deux de
tirailleurs abordaient de front la position, sous la protection des feux de
l'artillerie, trois autres compagnies, une de zouaves, une de la légion
étrangère et une de tirailleurs gravissaient hardiment une crête très
abrupte, d'où l'on pouvait prendre à revers les retranchements de l'ennemi. Ce
dernier mouvement détermina la fuite des Kabyles qui, jusque-là, s'étaient
défendus avec un acharnement qu'ils n'avaient pas montré dans les rencontres
précédentes; ils lançaient des pierres et faisaient rouler des blocs de
rocher, dont l'un a écrasé un tirailleur.
Deux positions dans lesquelles ils ont encore essayé de se maintenir, à une
certaine distance du col, ont été enlevées quelques instants après par la
légion étrangère et les zouaves. Les Kabyles ont été vigoureusement
poursuivis dans toutes les directions.
Les troupes de cette petite colonne, énergiquement enlevées par leurs officiers, ont été admirables d'entrain et de bravoure.
On eut à regretter la mort d'un jeune officier de tirailleurs, le
sous-lieutenant Crouzet, qui a été tué à bout portant, en enlevant une
barricade à la tête de sa section. Le capitaine Thomas, des tirailleurs, a
reçu trois blessures, dont une a entraîné l'amputation d'un bras. En outre,
nous avons eu 2 hommes tués et 19 blessés; 3 chevaux ont été tués et 2
mulets ayant roulé dans un ravin se sont tués.
L'ennemi a éprouvé des pertes importantes, à en juger par les traces de
sang qu'on trouvait dans toutes les directions; sur un seul point étaient
entassés une centaine de cadavres qui n'avaient pu être emportés.
Dès 10 h. 1/2, la colonne avait conquis son terrain de campement qui était
un petit plateau appelé Mehallet-Ramdan, traversé par la route
deTeniet-Djaboub, mais la poursuite des fuyards fut encore longue; le canon se
faisait encore entendre à 3 heures, et les derniers coups de fusil furent
tirés à 5 heures.
Le bois pour la cuisson des aliments, le diss pour les animaux étaient en
abondance, mais l'eau se trouvait à 2
kilomètres, dans le lac minuscule des
Oulad-el-Aziz. En aménageant des sources situées à côté du camp, on put,
plus tard, construire un abreuvoir plus commode.
C'est sur le même emplacement, que la colonne du général Yusuf a
bivouaqué pendant cinq jours, en septembre 1856.
De ce point élevé (cote 1308), on apercevait tout le cercle de Dra-el-Mizan,
une partie de celui de. Tizi-Ouzou et toute la portion supérieure de la vallée
de l'oued Sahel.
La colonne du colonel Goursaud resta pendant un certain temps en observation
à ce campement, en se ravitaillant à Bouïra"
"Beni Kouffi 8 juillet"
"Les tribus des Beni-Sedka et des Guechtoula, impressionnées par les succès
obtenus par le général Lallemand et par l'apparition, après un brillant
combat, de la colonne Goursaud au Mehallet-Ramdan, témoignèrent immédiatement
du désir de faire leur soumission et les négociations furent entamées.
Le 8 juillet, le général Cérez s'avança jusqu'à Aïn-Soultane, dans la
tribu des Mechtras. Chikh-el-Djadi, oukil de la zaouïa de
Si-Abd-er-Rahman-bou-Goberin, dès l'arrivée de la colonne, écrivit au
général pour lui demander l'aman, mais en y mettant certaines conditions; le
général lui répondit qu'il devait se rendre à discrétion, lui garantissant
seulement la vie sauve. Le marabout ne tarda pas à arriver et à se constituer prisonnier, amenant avec lui
l'amin-el-oumena des Beni- Smaïl, Mohamed-ou-el-Hadj-bel-Kassem, Amar-ou-Ahmed, des
Beni-Mendès, qui jouissait
dans le pays d'une certaine influence religieuse, et des députations des tribus
des Beni-Koufi et des Beni-Mendès qui demandaient à se soumettre. Les
fractions des Aït-Ali et d'Irzer-Nchebel, des Beni-Koufi, montrèrent des
prétentions inadmissibles; elles voulaient bien faire leur soumission,
seulement elles refusaient de donner des otages, de livrer leurs fusils et elles
prétendaient ne payer qu'une infime contribution de guerre; le général
comprit qu'il serait obligé de les réduire par la force.
(...) le général Cérez porta son camp, le 10 juillet, dans
les Beni-Smaïl, à côté de la zaouia de Si-Abd-er-Rahman-bou-Goberin ;
l'apparition des nos troupes au tombeau vénéré de leur marabout impressionna
vivement les Kabyles.
Le but du général, en se transportant sur ce point, était de préparer son
attaque contre les Aït-Ali. Quant au village d'Irzer-Nchebel, qui est situé au
fond d'un ravin, il n'y avait pas à s'en occuper, car il ne pouvait pas être
défendu. Les villages des Aït-Ali sont situés sur un contrefort qui se
détache des sommets rocheux du Djurdjura et qui est placé entre deux profonds
ravins, acif Tala-ou-Lili et acif Iberkoken, qui en font comme une citadelle
au milieu des montagnes. Dans cette position que la nature avait rendue très
forte et à laquelle ils avaient encore ajouté des retranchements, les Kabyles
se croyaient inexpugnables; ils se rappelaient bien que leurs villages avaient
déjà été emportés d'assaut en 1856 (le 24 septembre), mais ils avaient
été attaqués par les deux divisions Renault et Yusuf qui comptaient 9.000
hommes, tandis qu'ils n'avaient affaire aujourd'hui qu'à une petite brigade.
D'ailleurs, tous les fanatiques du pays et les insurgés des Beni-Yala,
Oulad-el-Aziz, etc., s'y étaient donné rendez-vous et pesaient sur les
décisions des gens de la tribu.
Sans hésiter un instant, le général résolut d'aller les attaquer dans
leur repaire. Le 11 juillet au matin, il quitta son camp avec 1.500 hommes
d'infanterie, 6 pièces d'artillerie, un peu de cavalerie et une partie du goum,
le reste des troupes étant chargé de la garde du camp. Arrivé en face des Aït-Ali il fit
ouvrir des feux d'artillerie dont le tir précis, dirigé par le capitaine Bury,
balaya le terrain ; il fit ensuite commencer l'attaque par le 4e zouaves de
marche (bataillons Huas et Barberet), le 4ezouaves (lieutenant-colonel Xoëllat
et commandant Vitalis) et le 23e bataillon de chasseurs à pied du commandant
Bavard. A gauche, le goum et un peloton d'éclaireurs empêchaient l'ennemi de
tourner notre attaque; à droite, le colonel Goursaud, sur l'ordre du général
Cérez, avait pu, du Mehallet-Ramdan s'avancer, par des chemins affreux pour
occuper les hauteurs qui dominent les Aït-Ali, et leur couper la retraite par
les pentes sud du Djurdjura.
Pour arriver aux Aït-Ali, les troupes d'assaut devaient descendre au fond
d'un ravin d'une profondeur de 200 à 300 mètres, puis remonter de l'autre
côté par des pentes abruptes, rocheuses, couvertes de broussailles. Ces
difficultés ne purent arrêter l'élan des troupes, qui avaient encore à
endurer une chaleur excessive.
Malgré une résistance vive et tenace, les villages furent enlevés et livrés
aux flammes avec tout ce qu'ils contenaient. Cette exécution faite, les troupes
se retirèrent sous la protection de l'artillerie. En outre de ses pertes
matérielles, l'ennemi a eu bon nombre de tués et de blessés dont il est
impossible d'évaluer le chiffre. Nos pertes ont été de 2 zouaves tués et 9
blessés dont 2 grièvement; 2 officiers étaient contusionnés."
"Beni Meddour 17
juillet"
"Après l'affaire des Aït-ou-Ali, du 11 juillet, la colonne du colonel
Goursaud était encore restée au Mehallet-Ramdan, où elle continuait à sévir
contre les tribus insoumises à sa portée, incendiant leurs villages et
détruisant leurs récoltes. Le 15 juillet, l'escadron du 9e chasseurs et un
escadron d'éclaireurs étaient allés ravager les récoltes des Merkalla et y
opérer une razzia.
Le 17 juillet, la colonne Goursaud se trouva en partie désorganisée par suite
du départ de l'escadron du 9e chasseurs, rappelé à Miliana à cause de
l'insurrection des Beni-Menasser, du bataillon du 2e zouaves et de celui de la
légion étrangère rappelés à Oran. Ces troupes devaient être remplacées à
la colonne par 800 hommes du 11e de marche.
Le 18 juillet, la colonne Goursaud quitte son camp de Mehallet-Ramdan et va
s'établir à l'oued Tassala, dans les Merkalla. Le 20 au matin, 500 hommes de
la colonne brûlent les villages des Merkalla et des Beni-Meddour, pendant que
la cavalerie et les mulets du convoi de la colonne Cérez, qui est arrivée le
jour même à Bouïra, enlèvent leurs orges sur pied. Les insurgés, après un
engagement dans lequel ils ont été très éprouvés et où nous avons eu
seulement 2 blessés, se sont enfuis en masse vers les crêtes du Djurdjura. Les
Oulad-el- Aziz ont fait leur soumission et se sont réinstallés, mais les
Merkella et Beni-Meddour ne sont encore venus à nous qu'en partie. Un sof des
Beni-Yala a demandé l'aman et a livré des otages, mais le reste de la tribu
est toujours en état de rébellion."
"Beni Yala, 2 août."
"Les derniers rebelles du versant sud du Djurdjura étaient confinés
dans la montagne et la tranquillité était si bien revenue dans la région que
le colonel Goursaud put décider, à la date du 26 juillet, la réouverture du
marché des Arib et du marché de Bouïra, qui étaient fermés depuis le mois
de mars.
Comme il importait d'en finir le plus tôt possible avec les Beni-Yala, le 31
juillet, le colonel Goursaud se transporta avec sa colonne à Tir'eremt sur l'acif-el-Gentour
(la carte porte Tiharamt), où on commence à entrer dans la partie fortement
escarpée des Beni-Yala. L'avant-garde fut accueillie par les rebelles à coups
de fusil, mais quelques feux de peloton suffirent pour les disperser.
Le 2 août, le commandant de La Roque dirigea une reconnaissance dans la
montagne et trouva les révoltés au col de Tamziant, où ils avaient élevé
des retranchements en pierres sèches. L'artillerie bouleversa ces ouvrages qui
furent ensuite abordés de front par les éclaireurs, pendant que les
tirailleurs, gagnant la crête, se portaient sur le flanc de la ligne de
défense, forçant les Kabyles qui l'occupaient à l'abandonner. L'ennemi eut
une vingtaine d'hommes hors de combat; de notre côté, il y avait eu un
tirailleur tué et quatre blessés. Au retour, les Kabyles s'attachèrent à la
poursuite de la colonne et il fallut leur envoyer quelques obus pour les tenir
à distance.
Le 4 août, une nouvelle reconnaissance fut conduite par le commandant Moulin
jusqu'aux crêtes boisées de Sameur, où les rebelles s'étaient réfugiés et
retranchés. Ceux-ci furent délogés après un engagement assez sérieux, où
ils eurent vingt tués, tandis que, de notre côté, il n'y avait eu qu'un seul
blessé.
Cette leçon ne fut pas encore suffisante pour vaincre l'obstination des
Beni-Yala et le colonel Goursaud dut aller les combattre sur le terrain même
où avait été les relancer le colonel Canrobert en juillet 1849. Le 6 août,
la colonne porta son camp à Sameur près de la source d'Aïn-Isly, dont les
Beni-Yala avaient besoin pour abreuver, dans cette saison, leurs nombreux
troupeaux. Les dissidents, démoralisés et se voyant près d'être forcés dans
leurs derniers repaires, commencèrent des démarches de soumission et ils
avaient déjà livré des otages et une partie de leurs armes, lorsque, poussés
par quelques fanatiques irréconciliables et par les contingents des Beni-Irguen
et d'autres tribus du versant nord du Djurdjura, ils refusèrent d'exécuter
les conditions qui leur avaient été imposées.
Les rebelles occupaient les rochers escarpés et boisés de Taouïalt,
contrefort du Djurdjura qui s'élève à une altitude de 1753 mètres; c'est là
qu'il fallut aller les chercher. Cette opération eut lieu le 10 août ; nos
troupes n'eurent pas à vaincre d'autres difficultés que celles du terrain. Les
Beni-Yala se décidèrent alors à faire leur soumission complète, et, du même
coup, la pacification de toutes les tribus du versant sud de Djurdjura se trouva
achevée. Ces tribus remirent au colonel Goursaud 840 fusils et livrèrent 164
otages pour garantir la rentrée de la contribution de guerre.
Le colonel Goursaud crut nécessaire de donner aux Beni-Yala un chef énergique,
pris en dehors de la tribu, et dégagé, par conséquent, de toutes les
considérations de sof et il fit choix d'un officier des éclaireurs algériens
nommé Mohamed-ben-Dagma, qui lui parut réunir les conditions nécessaires pour
ce difficile commandement; le nouveau chef, qui eut le titre de caïd,
s'installa au caravansérail d'EI-Esnam. Quant au vieux Bou-Dehen qui n'avait
plus l'influence et l'énergie nécessaires pour se faire obéir par les
Beni-Yala, on lui donna comme compensation le commandement du douar d'El-Berdi,
dans les Beni-Amar, en remplacement de Sliman-ben-Chennaf."
L'insurrection touche alors à sa fin et le Corps des Eclaireurs Algériens
sera bientôt licencié.
"La mission du colonel Goursaud dans l'Oued-Sahel
étant terminée, il se porta dans la vallée de l'Isser pour activer la
rentrée des contributions de guerre et il occupa quelque temps le camp d'Aïn-Zeberboura.
Les éclaireurs algériens ayant été licenciés, le colonel Goursaud rentra à
Alger et sa colonne fut réduite à un bataillon de 700 hommes du 11e
provisoire, sous les ordres du commandant Moulin. Cette petite colonne, après
avoir séjourné près de Palestro, fut envoyée, pour des raisons de
salubrité, à Ben-Haroun et elle fut définitivement licenciée dans le courant
de novembre.
Voici l'ordre général dans lequel le général Wolff a rappelé les
brillants services rendus par les éclaireurs algériens pendant la guerre
contre l'Allemagne et dans la répression de l'insurrection algérienne.
"Au quartier général, à Alger, le 9 septembre 1871.
Le régiment d'éclaireurs algériens est licencié, conformément aux ordres du
Ministre de la guerre.
Le général chargé de l'expédition des affaires militaires de la colonie ne
veut pas prononcer sa dissolution sans rappeler les services qu'il a rendus.
Créé par décret du 19 octobre 1870, ce corps, recruté dans les trois
provinces de l'Algérie, entrait en ligne à l'armée de la Loire à la lin de
novembre, grâce à l'impulsion donnée à son organisation par le colonel
Goursaud. Il assistait aux combats de Saint-Peravy, Patay, Les Ormes, Josnes,
Vendôme.
Le 31 décembre, le Ministre signalait sa belle conduite au combat de Varennes.
Ce corps a lutté ensuite à Savigny, à Vencé, au Mans, à Conlies, à
Sillé-le-Guillaume.
La guerre terminée en France, le régiment rentrait en Algérie où il a été
de suite employé contre l'insurrection et, dans les combats de Teniet-Oulad
Daoud, Oued-Bezzit, Sidi-Rahmoun, Teniet-Djaboub, Beni-Mançour, Dra-el-Mizan,
Icheriden, il a montré ce qu'on pouvait attendre de sa vigueur et de sa bonne
discipline.
Aussi je vois avec regret licencier ce corps et je suis heureux d'adresser mes
félicitations aux officiers, sous-officiers et éclaireurs algériens sur
l'énergie qu'ils ont montrée dans les dangers et les fatigues de cette
campagne.
Le général de division chargé
de l'expédition des
affaires militaires de la colonie, Signé : Wolff."
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