Louis-Paul KLOTZ est né le 23 Juillet 1823 à
Strasbourg.
Il est nommé Sous-Lieutenant au 7e Hussards le 1er Mai
1848. On notera qu'il avait alors 25 ans et a très certainement
préalablement servi dans la troupe.
Il y est promu Lieutenant le 28 Décembre 1852.
L'Annuaire de 1854 nous apprend qu'il
est alors détaché à l'Ecole Impériale de Cavalerie comme Officier
d'Instruction.
Il partira ensuite avec son régiment en Algérie, où il est cantonné
à Mustapha puis à Blidah.
Klotz y est promu Capitaine en
Second le 9 Février 1856.
C'est à cette période, à l'automne
1857, qu'il est impliqué dans une affaire de duel au sein du régiment,
qui sera racontée par le futur Colonel Fix dans ses "Souvenirs
d'un Officier d'Etat-Major".
« Par un dimanche d'automne, les journées étant courtes, j'étais
resté chez moi, occupé à lire, lorsque, vers les cinq heures du soir,
la porte s'ouvrit et apparut le capitaine instructeur Barbier, une âme
d'enfant, un cœur d'or, un peu sur la hanche ; sa moustache cirée
était plus relevée que de coutume et le coup de jarret par lequel il
repoussait la sabretache résonnait plus sec. A peine avais-je eu le
temps de me retourner pour voir qui entrait :
— Mettez-vous en tenue, me dit-il, mon cheval est là, on va amener le
vôtre que j'ai fait seller et vous allez m’accompagner.
Tout en enfilant mon spencer et en bouclant mon ceinturon j'essayai
d'interroger Barbier.
— Non, non, nous sommes pressés, je vous expliquerai tout en route.
Le pas de nos chevaux rondement amenés retentit; nous sommes en selle
en quelques secondes, nous avons franchi la porte du mur d'enceinte,
accompagnés de nos deux « houzards ». A leurs têtes, on
devine qu’ils flairent une histoire à conter à la chambre. La
journée finissait délicieusement et la douceur de l’air engageait à
une promenade indolente et tranquille, mais nous partons au trot, nous
dirigeant vers les landes. Barbier prend la parole :
— Vous savez, de Sonis? De Sonis ne voit que son escadron !
Le capitaine de Sonis du 7e Hussards était un officier de grande
distinction, cavalier remarquable, plus qu'instruit, érudit, brave
comme Rantzau auquel on dut le comparer quand il fut général de
division, mutilé comme lui, d'une piété exaltée, d'une politesse
impeccable, et intransigeant sur le point d'honneur.
— …Il ne voit que son escadron. Eh bien! ce matin, au rapport,
devant le colonel, il a émis au point de vue de l'instruction, de
l'instruction et du dressage, entendez-vous bien des appréciations, des
jugements, desquels on serait en droit de conclure que ma manière de
servir n'a pas l'heur d'être approuvée par lui et j'ai trouvé que ses
appréciations, ses jugements, n'étaient pas à leur place,
entendez-vous bien, et je n’ai pas caché mon sentiment, je l’ai dit
et je l’ai dit en plein rapport. Après cela j’ai dû faire ma
ronde. A ma rentrée, Klotz est venu avec Y. m'apprendre que de
Sonis se considérait comme offensé. Ces messieurs nous ont précédé
là-bas !
A ce moment, nous croisâmes une dame qui rentrait en ville accompagnée
de jolis enfants animés par la marche et le jeu. C'était Mme de Sonis.
Nous nous découvrîmes avec un respectueux empressement.
A peine eut-elle répondu à notre salut, que Barbier se tournant vers
moi me dit en tordant sa moustache d'un air navré :
— Pauvre femme, elle ne se doute de ce qui l'attend !
— Ah ça, Barbier, vous n'allez pas le tuer!
— Je n'aime pas qu'on plaisante sur ces matières, brisons là, je
vous prie, réplique Barbier d'un ton irrité.
Comme le jour baissait rapidement, et que nous filions à grande allure,
ce me fut un prétexte pour garder le silence et sortir d'embarras. A la
lande, nous trouvâmes de Sonis et les autres officiers qui avaient pris
les devants, accompagnés du médecin-major dont aucune susceptibilité
ne troublait jamais l’humeur joviale. Nous mettons pied à terre et
tandis que les hussards, conduisant les chevaux en main, vont former un
groupe à quelque distance, nous prenons des dispositions pour régler
le combat, assez contrariés, du reste, qu'il se livrât au moment où
la nuit allait nous surprendre. Absolument décidés, sans nous soucier
d'autre chose, à empêcher Barbier de tuer Sonis, et de Sonis de tuer
Barbier, il fut convenu que les deux témoins, Klotz pour Sonis,
et moi pour Barbier, nous nous tiendrions le sabre haut sur le flanc des
combattants.
Tout le monde est placé, le combat s'engage; au contact des lames, les
deux adversaires ont été saisis de la furie du fer…
Klotz était un excellent garçon avec lequel, à notre table, j’étais
en coquetterie réglée de taquineries. Après chaque passe ayant duré
tout un repas, l'un ou l'autre de nous ne manquait jamais de dire ça ne
peut pas durer comme ça, il faudra finir par aller sur le pré! — ou
sous le poirier, ripostait l'autre.
Quand nous nous vîmes face à face, une arme à la main, les premiers
rayons de la lune qui se levait, éclairant nos figures teintées d’inquiétudes,
nous fûmes saisis d’une envie de rire aussi incongrue que subite.
Nous n'eûmes pas à la réprimer longtemps, elle s'enfuit : le
capitaine Barbier venait de porter au capitaine de Sonis un coup de
pointe qui lui avait traversé le bras et fait lâcher son arme.
Le docteur appliqua un pansement, on remonta à cheval et on rentra à
nuit close, à une allure aussi vive qu’en allant ; de Sonis avait des
invités et ne voulait pas arriver en retard pour le dîner.
Il n’a d’ailleurs jamais été dressé de ce duel d’autre
procès-verbal que ce récit. De notre temps ce n’était pas la
coutume, on s’arrangeait et la plupart du temps les chefs n’en
savaient rien.
Quand j'ai vu Barbier pour la dernière fois, c'était il y a une
vingtaine d'années, il venait de prendre sa retraite; ne sachant à
quoi s'occuper, il étudiait et faisait des démarches pour devenir juge
de paix.
Vous savez, me disait-il, comme je suis conciliant, cela conviendrait
parfaitement à mon humeur et à mon caractère! »
Le Général de Cointet, alors
Lieutenant au régiment, nous propose une version légèrement
différente de l'incident dans ses Souvenirs ; le témoignage, moins
direct, est sûrement moins renseigné, mais cela donne un éclairage
intéressant sur le personnage (in dans Vivat
Husar No.4) :
"Parmi les autres
Capitaines je citerai le Capitaine Instructeur Barbier, fils d'un
pâtissier de Paris. Personne n'était plus fier de son uniforme, il
était le type de ces officiers de l'ancienne armée pour lesquels tout
ce qui n'était pas militaire était d'une race inférieure. Quand il
avait dit : "Moi, Barbier, Officier du Roi", il respirait le
Bonheur. C'était un homme de sentiments très élevés. Il avait eu à
Blidah une altercation avec le Capitaine de Sonis, à la suite de
laquelle rendez-vous avait été pris pour le lendemain ; Barbier était
de première force à l'épée. Le lendemain, en attendant l'heure de la
rencontre, il vit sortir de l'église Sonis avec sa famille. Il alla à
lui et lui tendit la main et nous dit ensuite : "quand j'ai vu cet
homme sortir de l'église avec ses 7 enfants, je n'ai pas eu le courage
de le tuer et lui ai tendu la main". Il devint Chef
d'Escadrons."
|