Le Baron Napoléon Faverot de
Kerbrech est un personnage de l'histoire militaire de la deuxième moitié
du XIXe siècle ; on en trouve une intéressante notice dans le Tome V du
"Dictionaire des Contemporains" (L.Curinier, 1899) : "FAVEROT
DE KERBRECH (BARON NAPOLEON)
Général, écrivain, né le 24 février 1837 au manoir du Nelhouët,
commune de Caudan (Morbihan). Il fit ses études classiques à Quimper.
Elève ensuite des écoles de La Flèche et de Saint-Cyr, il obtint
d'être affecté au 6e régiment de hussards, que son père avait formé
en 1816. En 1859, Il fit la campagne d'Italie et resta un an en garnison
à Milan après les victoires franco-sardes.
Nommé capitaine en 1866, le baron Faverot de Kerbrech devint officier d’ordonnance
du général Fleury, par la suite ambassadeur de France à
Saint-Pétersbourg. Excellent cavalier, s’intéressant à tout ce qui
concerne l’équitation et le dressage du cheval, il fut envoyé en
mission d’études hippiques à travers l’Europe et notamment en
Russie. A Paris, il était chargé par son chef, grand écuyer de Napoléon
III, de dresser les chevaux de selle au rang personnel de l'empereur.
Nommé, le 19 juillet 1870, écuyer adjoint, il se rendit à Metz avec
Napoléon III, puis partit le 7 août au camp de Châlons et devint,
quelques jours plus tard, officier d’ordonnance du général Ducrot. En
cette qualité, c’est lui qui, à Sedan, porta aux généraux
Margueritte et de Galliffet l’ordre d’exécuter les charges restées
fameuses. Fait prisonnier, il s’évada à Pont-à-Mousson et regagna
Paris, où il fut nommé, par le général Ducrot, qui était parvenu
lui-même à échapper aux allemands, commandant du corps spécial des
éclaireurs de la 2e armée, comprenant l'escadron Franchetti, des
dragons, des gendarmes et de l'artillerie.
Après avoir pris part aux combats de Châtillon, La Malmaison,
Villiers-Champigny, Le Bourget, Buzenval, il fut envoyé, après l’armistice,
à Cherbourg, en mission spéciale. Chef d’escadrons au 1er régiment de
dragons après la paix, le baron Faverot de Kerbrech fut nommé, en 1873,
commandant du dépôt de remonte de Paris. Lieutenant-colonel du 1er
chasseurs d’Afrique en 1876, il devint ensuite officier d’ordonnance
du maréchal de Mac-Mahon, président de la République, et organisa les
services de gala de la présidence lors de l'Exposition universelle de
1878.
En 1880, il remplit, aux Etats-Unis et au Canada, une mission pour
l'étude des chevaux et de la cavalerie de ces pays. Promu, en 1881,
colonel du 23e régiment de dragons, il fut nommé, en 1886, adjoint à l'inspecteur-général
des remontes. La même année, il prenait, comme général, le
commandement de la 4e brigade de dragons en garnison à Sedan.
A nouveau adjoint à l’inspection générale des remontes, le général
Faverot de Kerbrech devint, en 1891, chef de ce même service , situation
qu'il occupa jusqu'à sa retraite en 1902, et au cours de laquelle il fit
prévaloir ses idées sur la production et l'élevage du cheval de guerre,
à la suite d'une politique avec les Haras.
Tout en respectant les traditions de l’ancienne école française sur l’équitation,
le général Faverot de Kerbrech s’est rallié à la nouvelle méthode
préconisée par Baucher et a publié sur la matière des ouvrages qui
font autorité. On doit notamment signaler de cet auteur : les Chevaux de
l'Amérique du Nord et les Raids pendant la guerre de Sécession, travaux
résultant de son voyage aux Etats-Unis ; Projet d'institution d'un corps
d'éclaireurs volontaires à cheval, qui fut mis à profit dans la loi de
1875 sur la réorganisation de l'armée (brochure) ; le dressage
méthodique du cheval de selle d’après les derniers enseignements de
Baucher (1 vol.) ; Dressage du cheval de dehors (brochure) ; l’art de
conduire et d’atteler autrefois et aujourd’hui, ouvrage illustré et d’une
documentation considérable. On connaît en outre de lui : un volume de
souvenirs, la Guerre contre l’Allemagne (1870-1871), auquel la critique
et le public ont fait le meilleur accueil. Rédacteur militaire au
New-York Hérald, sous le pseudonyme de « 3 étoiles » et au
Gaulois, où ila publié des récits historiques, il a donné de plus, au
Journal de l’Elevage, des Souvenirs équestres.
Le général Faverot de Kerbrech est grand-croix du Nicham-Iftikar et de
Saint-Stanislas de Russie, commandeur de la Couronne d’Italie, du Lion
et du Soleil de Perse, chevalier des Saints-Maurice-et-Lazare d’Italie,
de Sainte-Anne de Russie, commandeur du Mérite agricole, officier d’Académie
et grand-officier de la Légion d’honneur. »
Faverot
au 6e Hussards
Si les détails du rôle de Faverot
durant le siège de Paris sont bien connus, intéressons nous de plus
près à son service au sein du 6e Hussards.
Engagé volontaire sans
désignation d'arme le 11 Novembre 1854, il entre comme élève à l'Ecole
Impériale Spéciale Militaire de Saint-Cyr le 15.
Il en sort avec le No.133 sur 416 élèves.
Le 31 Octobre 1856, il est nommé Sous-Lieutenant au 6e Hussards
(pour prendre rang du 1er).
En 1859, le 6e Hussards est
désigné pour l'armée d'Italie.
Les 1er, 2ème, 3ème et 6ème escadrons sont mobilisés.
Faverot, sous-lieutenant au 1er Escadron, prend donc part à la Campagne
d'Italie.
Parti de Tours en deux colonnes le
26 et le 29 Avril, le régiment arrive le 12 Mai à Alexandrie, après
avoir voyagé tantôt par étapes, tantôt par voies ferrées et être
passé par Lyon, le Mont-Cenis et Suse.
Faverot était entré en Italie le 9 Mai.
Le 14, à l’arrivée de l’Empereur à Alexandrie, le 6e Hussards forme
la haie et l'escorte jusqu’au château royal.
Le régiment était à Tortone depuis le 17 Mai.
Il fut désigné pour faire partie de la Division Partouneaux, division
destinée à faire partie du 3ème Corps d’Armée, commandé par le
Maréchal Canrobert.
Le 1er escadron était alors détaché auprès de la Division Trochu ; il
rejoindra le régiment à Mori, le 24 Mai.
Le lendemain, le régiment est finalement affecté au 5e Corps (Prince
Napoléon) et se rend à Gênes où il arrive le 28 Mai.
Mais laissons parler Faverot, qui a
livré ses souvenirs de campagne dans Le Gaulois (18 Octobre 1903) :
"EN ALLANT A LA REVUE -
SOUVENIRS DE 1859.
C'est aujourd'hui que le roi Victor-Emmanuel passe la revue des troupes de
Paris, à Vincennes. A cette revue figurera un bataillon du 3e Zouaves,
commandé par son nouveau colonel, le colonel Lespinasse, fils du vaillant
général tué à Magenta, en 1859. Le grand-père du Roi, on le sait, fut
acclamé caporal par ce régiment à Palestro. aussi, veux-je, à cette
occasion, rappeler quelques souvenirs du jeune lieutenant que j'étais à
cette guerre d'Italie, qu'évoque la revue passée par le petit-fils du
héros de Palestro. Simples feuillets détachés de mon carnet à
l'intention des lecteurs du Gaulois.
Après le combat de Montebello, mon
régiment, le 6e de hussards, reçut l'ordre de se diriger sur Gênes,
pour s'y embarquer à destination de Livourne, où nous allions, avec le
8e de même arme, constituer la brigade de cavalerie du 5e corps d'armée.
Ce corps, placé sous le commandement du prince Napoléon, était chargé
d'opérer une diversion sur le flanc gauche des Autrichiens. Notre voyage
de Livourne à Florence fut une féerique chevauchée à travers un pays
enchanté. Toute la population des campagnes accourait pour voir passer
ces brillants régiments de hussards. Nous traversions une haie de
paysans, de femmes, de jeunes filles nous souriant dans le pittoresque
costume popularisé chez nous par le tableau si connu de Léopold Robert.
a Empoli, à Pontedera, où nous fîmes étape, toutes les maisons
étaient pavoisées. Les rues étaient jonchées de fleurs. Tous les
habitants avaient revêtu leurs habits des dimanches. On nous jetait des
bouquets. On nous acclamait sans fin... A Pontedera, comme j'exprimais à
mon hôte en termes émus combien nous étions tous touchés de cette
réception enthousiaste : "Monsieur, s'écria-t-il, je vous donne ma
parole d'honneur qu'à deux lieues à la ronde il n'y a plus une seule
fleur sur sa tige !..."
A Florence, notre brigade campa dans les allées de la célèbre
promenade appelée "le Cascine"; Nos tentes y étaient
installées dans des parterres, sous les ombrages d'arbres séculaires.
C'était charmant. Mais notre campement devint bientôt le but unique de pèlerinages
presque continus et, dès le matin, nous étions envahis par des curieux
de tout sexe, qui soulevaient nos portières pour y glisser un oeil
indiscret, si bien qu'il était devenu à peu près impossible d'y
procéder à sa toilette intime. Le 4 juin au soir, on donnait, au
théâtre de la Pérgola, je ne sais quel opéra. Il pouvait être onze
heures, lorsqu'on vit un individu entrer en coup de vent dans la salle,
traverser l'orchestre et escalader la scène criant en italien:
"silence ! Silence !" Chanteurs et musiciens s'arrêtent.
L'homme déploie un papier et lit : "L'empereur Napoléon à
l'impératrice. aujourd'hui, grande bataille, grande victoire !" Tout
le monde se lève, on crie frénétiquement : "Viva la Francia ! Viva
l'imperatore Napoleone !" On fait jouer à l'orchestre l'air de la
Reine Hortense, que la salle accompagne en chœur. Tous les spectateurs,
debout, battent des mains en acclamant trois ou quatre officiers de
hussards français qui sont aux fauteuils d'orchestre... Bientôt on les
saisit. On les porte en triomphe. Un cortège s'improvise avec des
lumières, des torches, des musiciens, des chanteurs que suivent des
milliers de personnes dont le nombre s'accroît sans cesse, et nos
sémillants camarades, qui auraient peut-être préféré des
manifestations de sympathie plus discrètes, sont ainsi hissés en l'air
et tenus à bout de bras, tandis que l'immense procession serpente dans
Florence... Cette promenade triomphale autant qu'inopinée ne s'arrêta
qu'à l'aurore, sans qu'il fut possible aux modestes héros de la fête de
se dérober, pour regagner leur camp, aux interminables ovations dont ils
étaient l'objet...
Nous quittâmes bientôt Florence pour rejoindre la grande armée en
passant par Pistoja, Lucques, la côte, et Parme. A Sarzana, il nous
arriva une aventure qui nécessite quelques explications. A l'ouest et
près de cette ville, coule une rivière qui se jette un peu plus loin
dans la mer. Elle prend sa source dans les Appenins. L'été, c'est un
étroit ruisseau qui serpente au milieu d'un lit de graviers très large,
très plat et complètement à sec. L'aide de camp de notre général,
chargé d'installer le bivouac de la brigade, fut séduit par cet
emplacement qui semblait fait à souhait pour y faire camper de la
cavalerie. Le syndic lui fait remarquer que le mince filet d'eau pourrait
se changer en torrent s'il venait à pleuvoir dans la montagne, le
capitaine se mit à rire et répondit qu'on saurait toujours se
débrouiller si les cataractes du ciel s'entr'ouvraient... La journée fut
magnifique. Ayant eu je ne sais quelle indisposition légère, je demandai
à mon colonel la permission de coucher dans une maison de Sarzani, ce qui
me fut accordé. Le lendemain matin, en ouvrant les yeux, je regarde ma
montre. je vois qu'il est six heures ! Je n'aperçois pas mon ordonnance,
qui devait me réveiller à quatre heures... Je saute à la descente de
mon lit, je m'habille au galop, je prends mon bissac de route et m'élance
en courant dans la rue... Là je me heurte au capitaine de Sédaiges, dont
la présence en ville et le calme gouailleur me déroutent : "Ne vous
pressez pas tant, me cria-t-il. Il y a un océan entre le régiment et
nous. Nous ne pourrons pas le rejoindre avant plusieurs heures. Il
m'apprit en effet que, dans la nuit, vers trois heures du matin, on avait
tout à coup entendu, dans la direction des Apennins, une sorte de
grondement lointain et continu ; que ce bruit grossissant précédait
l'irruption d'une immense nappe d'eau de plusieurs pieds d'épaisseur, qui
avait submergé tout le bivouac... Les officiers et les hommes, surpris
dans leurs tentes par ce bain d'un nouveau genre, avaient eu bien juste le
temps de se mettre sur pied pour ne pas être noyés. Tous leurs effets
étaient sous l'eau. Des rangs entiers de chevaux, affolés par ce
déluge, avaient arraché les piquets de leurs cordes et s'étaient enfuis
vers la mer. Notre campement était devenu un véritable chaos. Et il
fallut retarder le départ jusqu'à l'après-midi pour remettre un peu
d'ordre dans la brigade et faire sécher tant bien que mal les vêtements,
les armes, les lits et les tentes. Deux jours après, nous franchissions
les Apennins et le 28 nous opérions notre jonction avec la grande armée
après avoir passé le Pô à Casa Maggiore.
Quand la paix eut été signée à Villafranca, notre brigade fut
dirigée sur Milan où nous devions séjourner jusqu'à l'été suivant.
(...)"
L'Historique du 6e Hussards précise
que "dans la journée du 2 [juillet], MM. RENOU et FAVEROT de
KERBRECK, qui avaient été envoyés en reconnaissance s’étaient
emparés d’un Hussard Hongrois qu’ils avaient ramené."
Faverot recevra la médaille commémorative de la
Campagne.
Il rentre d'Italie le 17 Juin 1860.
Le régiment l'avait précédé (courant mai) pour prendre garnison à
Béziers (détachements à Lunel et Marseille).
Dès septembre, le régiment est envoyé sur Moulins où il arrive le 24.
Le 1er Escadron est détaché à Nevers. Faverot est promu Lieutenant
le 11 Août 1862.
Le 4 Avril 1864, le 6e Hussards est à Chalons sur Marne : le 15 Août de
la même année, il mobilise les 3ème, 4ème, 5ème et 6ème escadrons,
qui prennent part aux manœuvres du camp.
C'est l'époque de ce cliché de Baudier. En Avril 1865, le
régiment se rend en garnison à Paris et a son dépôt à Joigny.
Faverot est promu Capitaine le 22 Décembre 1866.
Commence alors pour lui la grande vie des détachements prestigieux. A
l'entrée en campagne, il n'occupe pas sa place de Capitaine en Second au
3e Escadron du régiment, du fait de ses autres fonctions décrites plus
haut..
Il sera promu Chef d'Escadrons le 9 Novembre 1870 et transféré au 13e
Dragons le même jour. |