France
2ème Hussards


Document atelier Macaire à Valenciennes
A la Mémoire de Léon Delcourt, Brigadier au 2e Hussards


Cet émouvant document perpétue la mémoire du Brigadier Léon DELCOURT, "tué dans une reconnaissance près Blois le 27 Janvier 1871 à l'âge de 20 ans et 2 mois."


Léon DELCOURT est né le 14 Novembre 1850 à Valenciennes.
Il exerce la profession d' "employé de chemin de fer" lorsqu'il est appelé le 10 Octobre 1870.

Affecté au 2e Hussards, il arrive au Corps le 14 Octobre.
Le dépôt du régiment est alors à Auch.
Le 2e Escadron, auxquels les Registres du 2e Hussards notent que DELCOURT est affecté, est en fait parti la semaine précédente rejoindre le 1er Hussards de Marche.

Le régiment forme encore un 7e Escadron, qui part le 16 Octobre rejoindre le 4e de Marche Mixte, puis un 8e Escadron, le 29 Novembre - il partira le 4 Décembre rejoindre le 7e Mixte.

DELCOURT venait de passer Brigadier le 27 Novembre 1870.
son tour viendra début 1871 : le 2 Janvier, un 9e Escadron est formé, auquel DELCOURT est versé.


Il part le 9 Janvier rejoindre à Châteauroux le 9e Mixte de Cavalerie Légère (Lieutenant-Colonel MASSON), dont il formera le 1er Escadron.
Commandé par le Capitaine GALLET DE SANTERRE, il est composé de 6 Officiers, 136 hommes et 133 chevaux.

Le régiment part de Châteauroux le 17 Janvier - le 1er Escadron embarquant avec le 2e (issu du 2e Chasseurs) en chemin de fer 7 heures du matin, pour arriver à Romorantin le soir.

Ces escadrons rétrogaderont sur Vierzon le lendemain, où ils rejoignent les deux autre escadrons du régiment.

Le 20 Janvier, le régiment est passé en revue par le Général commandant le 25e Corps.
S'ensuivront jusqu'au 22 des journées d'instruction au tir à la cible à cheval, à l'école de tirailleur... laissant penser que l'inspection n'a pas été fameuse !

Le 23, le régiment repart sur Romorantin.
Le 24, les 1er et 2e Escadrons poussent une forte reconnaissance jusqu'à Vernon - ils apercevront des détachements de Uhlans.


Le 27, le régiment se fractionne pour aller occuper Tour en Sologne (3e Escadron), Cellettes (1er et 2e Escadron), et Seur (4e Escadron).
L'avant-garde de ces trois derniers escadrons rencontre 200 à 300 Uhlans sur la route de Cellettes :

"Pendant que le 1er escadron faisait cesser le feu de l'ennemi, le lieutenant-colonel se porta en avant et s'aperçut que le village était fermé par une première barricade derrière laquelle les tirailleurs ennemis s'étaient retirés. Dans cette position difficile, craignant en faisant faire demi-tour à sa colonne, d'amener un désordre presque inévitable parmi les jeunes recrues qui voyaient le feu pour la première fois, le lieutenant-colonel fit sonner au trot et s'élança en avant.

ATTAQUE DU PONT DE CELLETTES. - Il fut suivi avec entrain par le 1er Escadron, sous le commandement de M.GALLET DE SANTERRE, capitaine commandant, qui avait sous ses ordres le 4e peloton de son escadron, commandé par le sous-lieutenant DE SAINT-JULIEN.
Ce peloton était suivi de près par les trois autres du 2e Escadron, sous les ordres du capitaine DUBOIS, et par le 4e Escadron commandé par le capitaine HAUDECOEUR.
Devant cette attaque impétueuse, la première barricade fut abandonnée par l'ennemi qui s'enfuit après nous avoir fait essuyer une décharge de mousqueterie. Cette barricade fut aussitôt franchie par les Hussards, une deuxième barricade plus importante que la première avait été établie par l'ennemi au milieu du pont ; elle fut abordée au galop; mais le mauvais état du sol d'une part, et surtout le feu nourri des fantassins prussiens qui s'étaient embusqués au nombre de 200 dans les maisons qui dominent le pont, sur la rive opposée du Beuvron, empêchèrent de franchir cette deuxième barricade, malgré l'élan de trois retours offensifs des escadrons, et la vive fusillade par laquelle les cavaliers répondaient au feu de l'ennemi. La colonne d'attaque fut obligée de se retirer. La retraite s'opéra au pas et en bon ordre sur Corneray, les derrières étant protégés par le 2e Escadron qui, sous les ordres du capitaine DUBOIS, se déploya en tirailleurs.
Dans cette affaire, le sous-lieutenant DE SAINT-JULIEN fut blessé mortellement en chargeant très bravement à la tête de son peloton, il avait été traversé par une balle reçue en pleine poitrine. Les pertes ont été en outre de 1 brigadier tué (DELCOURT), 7 cavaliers blessés, de 11 chevaux tués et 14 blessés.
L'ennemi a perdu plusieurs hommes et a évacué Cellettes immédiatement. Les tirailleurs du 1er Escadron ont fait 3 prisonniers."


Nous en apprenons plus sur Léon Delcourt dans "Patrie - Souvenirs de 1870-1873" de Charles Pinson (1877) :

"Les deux braves du 2me Hussards
De Saint-Julien et Léon Delcourt.

Le 1er Février 1874, ont eu lieu l'inauguration et la bénédiction d'un monument commémoratif du combat du 27 Janvier 1871, élevé sur le pont de la commune de Cellettes (Loir-et-Cher).
Une foule nombreuse et recueillie, dit le Journal du Loir-et-Cher, assistait à cette cérémonie que dirigeaient les autorités. La compagnie de Pompiers, dont la bonne tenue a été fort admirée, servait de garde d'honneur au cortège, et la Fanfare de Cellettes joignait aux chants pieux des mélodies guerrières.
Au pied du monument, M. le Maire a prononcé les paroles suivantes :

"Messieurs,
"En inaugurant ce modeste monument dû à la générosité des familles de Saint-Julien et Delcourt, à la souscription des officiers du 2me régiment de Hussards, et enfin au bienveillant concours de la caisse municipale, deux souvenirs s'offrent à notre esprit. Souvenir pénible et poignant d'abord, c'est le tableau de l'invasion de nos demeures et des tristes jours passés sous l'étreinte humiliante de l'ennemi. L'autre souvenir est consolant pour nous, c'est celui du grand acte de courage accompli par ces généreux soldats du 2me régiment de Hussards, et accompli aussi par vous mes chers concitoyens. N'oublions jamais la protection de Dieu, toute spéciale pour nous, en ces tristes circonstances, et élevons nos cœurs vers lui dans un élan de reconnaissance.
" Le 27 Janvier 1871, le détachement dont faisaient partie MM. de Saint-Julien et Léon Delcourt, nous est signalé à quelques kilomètres de Contres. En même temps nous voyons arriver les Prussiens qui construisent à la hâte une forte barricade à l'entrée du pont, et s'apprêtent à en défendre le passage. Les Français sont prévenus que l'ennemi les attend à l'abri de son retranchement. N'importe, un seul cri, le cri du soldat de la France sort de toutes les poitrines : "En avant !" Et les voilà ces intrépides cavaliers, dont les chevaux glissent sur le verglas, qui se précipitent... Ils reçoivent sans pouvoir riposter, une décharge meurtrière. Là même, ont été frappés ces deux fiers enfants de la France, l'honneur de leur famille, l'orgueil du régiment. Tous deux, martyr du devoir,s ont tombés dans la grande lutte et sont enveloppés dans le linceul de cette gloire douloureuse.
"Mais grâce à ce monument, leur souvenir sera éternel comme leur exemple. Honneur à Saint-Julien ! honneur à Delcourt ! Que chacun de nous, en passant, leur octroie salut et prière.
"Honneur à notre pasteur bien-aimé ! car il était là le premier, oublieux des dangers, assistant ces nobles mourants. Il ne manquait plus au dévouement de sa vie que la consécration des combats. Cette consécration est maintenant un titre nouveau à notre amour.
"Honneur à vous aussi, mes chers concitoyens ! C'était le lendemain de cette funèbre attaque, le 28 janvier. Dès le matin, on nous annonce le passage de l'armée française. Nous tremblons de voir un nouveau désastre. Une personne charitable et généreuse nous conseille de joncher de terre l'endroit où la gelée a rendu la route si dangereuse pour la cavalerie. De suite, nous faisons appel au zèle des habitants. Chacun se hâte, s'empresse d'accourir à notre voix. On pouvait être cerné, pris entre deux feux ; personne ne fit ce calcul. Il s'agit d'être utile à nos chers soldats, en avant, à notre tour ! On travaille avec ardeur et bientôt la voie est praticable. Puis, chacun s'élance avec bonheur au-devant de notre armée, de nos libérateurs. Bientôt on les rejoint, on les guide, et l'ennemi, revenu pour défendre, comme la veille, le passage du pont, se hâte de fuir, craignant d'être entouré.
"Lorsque l'étranger souillait vos foyers de sa sinistre présence, votre courage a été admirable de résignation. Pour venir en aide à nos troupes, vous n'avez pas calculé le danger, et votre courage a été admirable encore. Honneur donc à vous, mes chers concitoyens !
"Maintenant, laissez-moi terminer par un mot d'espérance... La divine Providence a protégé Cellettes en ces temps malheureux ; elle nous gardera encore, et sa main paternelle ne cessera de s'étendre sur nous, si nous avons confiance.
"Dieu vient d'accorder aux prières de la France un chef vénéré, type et modèle des vertus militaires. Notre vaillante armée, si digne en ses revers, renaît de ses cendres. Confiante en cette autorité si sûre, elle retrouvera un jour le chemin des victoires. Nous reverrons les jours de triomphe, et ayant agi de notre mieux pour mériter de la patrie, nous pourrons toujours nous écrier fièrement et de tout notre cœur :
"Vive la France !"