France
11ème Hussards


Carte de Visite atelier F.Hundt à Münster, et L.Sauvager à Fontainebleau
Edouard LEJEUNE, Capitaine-Adjudant-Major aux Lanciers de la Garde,
et Chef d'Escadrons au 11e Hussard

Furcy-Edouard LEJEUNE est né le 2 Août 1827 à Beaumont-les-Autels (Eure et Loire).
Il est le fils de Marie-François, Maire de cette commune, et de son épouse Anne-Victoire DURAND.

Il rejoint le 3e Chasseurs comme Chasseur le 16 Juin 1847.
Il part presqu'aussitôt à l'Ecole de Cavalerie de Saumur comme Elève-Instructeur, dès le 6 Juillet.
Il y sera promuBrigadier le 3 Octobre 1848, et Maréchal-des-Logis le 12 Octobre 1849.
Il sort de Saumur le 31 Octobre 1849 (No. 22 sur 35) et rejoint son régiment.

Il accède à l'Epaulette de Sous-Lieutenant le 1er Mai 1854, et est transféré au 5e Dragons.
Il y passera Lieutenant le 11 Août 1859.

Il retourne à l'Ecole Impériale de Cavalerie de Saumur pour y suivre le Cours de Lieutenant Instructeur, du 1er Septembre 1860 au 31 Octobre 1861. Il en sort avec le No. 22 (encore), sur 25.

Il est promu Capitaine dans son régiment le 12 Août 1864.
ll y occupera un emploi d'Adjudant-Major du 6 Janvier 1865 au 1er Janvier 1866, puis à nouveau du 17 Mars 1867.


C'est cette année là qu'il passe à la Garde Impériale, comme Capitaine, dans son beau régiment des Lanciers à l'emblématique Kurtka blanche, le 14 Août.

On le croise alors au détour improbable d'un Arrêté de Justice (in "Journal du droit criminel, ou jurisprudence criminelle de la France", A.Morin, Paris, 1868) :

"Art. 8678.
Injures. — Agents De L'autorite. — Militaires En Armes.
Les soldats en armes, réunis pour la manœuvre, sont des agents de l'autorité dans l'exercice de leurs fonctions, ce qui caractérise l'injure publique qui leur est adressée.

ARRET (Min. publ. c. Petit).
Le Code; —Considérant que le 4 mai 1868, à Melun, le régiment des lanciers se rendant à la manœuvre, commandé par ses chefs et en armes, le sieur Petit, conducteur de la voiture du Châtelet à Melun, voulut traverser entre deux escadrons et enleva vivement son cheval d'un coup de fouet; — qu'à ce moment, le lieutenant Mouly s'étant approché de lui pour l'engager à attendre que l'escadron fût passé et à éviter un accident, Petit s'emporta et s'écria : — Tas de soldats de papier ! — considérant que cette parole a été prononcée publiquement et entendue par le témoin Mouly, qui l'a immédiatement répétée au capitaine Lejeune, et au lieutenant de Cormont, et en a fait part à son colonel, lequel a porté plainte à la date du 2 juin 1868 ; — considérant que cette parole, proférée contre des soldats en armes réunis pour la manœuvre, est outrageante et présente le caractère d'une injure publique envers les agents de l'autorité publique dans l'exercice de leurs fonctions ; — vu les art. 13, 14, 16, 19 de la loi du 17 mai 1819; — dit que Petit s'est rendu coupable du délit d'injure publique envers des agents de l'autorité publique; admettant à son égard des circonstances atténuantes;— vu l'art. 463 du C. pén.; — réforme le jugement dont est appel.—Faisant application à Petit des articles ci-dessus visés, le condamne en 25 francs d'amende et aux frais de l'appel ; — fixe à dix jours la durée de la contrainte par corps.
Du 10 juillet 1868. — C. de Paris, ch. corr. — M. de Falconnet, prés."

Lejeune y reprendra des fonctions d'Adjudant-Major à compter du 26 Décembre 1868.

Il prend part avec son régiment à la Guerre contre la Prusse - à compter du 22 Juillet 1870.
Le Régiment fera partie de l'Armée du Rhin.

Le Capitaine-Adjudant-Major Lejeune est probablement le "héros" de cette péripétie tragi-comique rapportée par Marcel de Baillehache dans ses "Souvenirs intimes d'un Lancier de la Garde" - la scène se passe le 14 Août :

"A ce moment, le général Desvaux demanda un sous-officier pour aller faire une reconnaissance sur notre extrême droite, du côté de la route de Strasbourg, et le colonel me fit l'honneur de me désigner. Cette reconnaissance avait pour but de voir si un corps prussien venant de ce côté ne pourrait pas tourner notre droite et nous couper de Metz. Je partis au galop avec dix lanciers. Le colonel m'avait donné des instructions particulières : tâcher de voir sans être vu, et, avant tout, éviter de me faire enlever en allant trop loin. Le capitaine adjudant-major L... avait de plus eu la bonté de me prêter sa lorgnette, une excellente jumelle.

Après avoir galopé à travers champs, je me dirigeai vers le village de Borny, où j'apercevais un château surmonté d'un belvédère. Je mis pied à terre et, suivi d'un lancier qui était également descendu de cheval, je montai sur cette petite tour qui était un excellent observatoire. Le propriétaire du château me dit alors que le matin il était allé se promener du côté des bois que nous apercevions à notre droite et qu'il avait vu très distinctement, au delà de ces mêmes bois, des masses prussiennes très profondes. Je redescendis alors, mais non sans avoir, à l'aide de la lorgnette du capitaine, examiné attentivement l'horizon où l'on n'apercevait, du reste, pas la moindre trace de Prussiens. En effet, pendant que l'armée du vieux Steinmetz nous occupait ainsi, l'armée de Frédéric-Charles passait la Moselle au-dessus de Pont-à-Mousson, pour se concentrer sur la rive gauche et nous couper du camp de Châlons et par suite de la route de Paris.
Je traversai la cour du château qui, déjà, était remplie de blessés de toutes armes auxquels on donnait les premiers soins. Ces malheureux, qui avaient l'un le bras emporté, l'autre la jambe cassée ou la tète fendue, poussaient de sourds gémissements qui fendaient l'âme, et je dois dire que je fus bien plus impressionné par ce douloureux spectacle que par les premiers coups de canon qui remuent cependant toujours les soldats, même les plus aguerris.
Je remontai à cheval et je poussai vers un bois derrière lequel était massée une brigade d'infanterie, et je m'empressai d'avertir le général qui la commandait dos renseignements que j'avais puisés auprès du propriétaire du château de Borny. Il me remercia en ajoutant que je pouvais dire au général qui m'avait envoyé en reconnaissance que sa brigade était précisément en réserve pour couvrir le flanc droit de l'armée et qu'il n'y avait rien à craindre de ce côté.

Avant de rejoindre le régiment, je voulus jeter un dernier coup d'œil sur le champ de bataille et je mis la main à la lorgnette; mais, fatalité! l'étui était bien pendu après moi, mais de lorgnette, point! Je n'avais pas eu la précaution de mettre la boucle de sûreté du couvercle et, en sautant un fossé, elle était sortie brusquement de l'étui. Je retournai sur mes pas en déployant pour la chercher mes dix lanciers en tirailleurs, mais nous eûmes beau regarder derrière chaque sillon, il fallut renoncer à la trouver.
J'allai ensuite rendre compte de ma mission au général Desvaux, qui, après m'avoir écouté sans m'interrompre, me dit que je m'étais très mal acquitté de ma reconnaissance et que j'aurais dû voir des Prussiens. Il était cependant difficile d'en voir où il n'y en avait pas.
Hélas! tout n'était pas fini pour moi et le plus difficile était d'aller rapporter l'étui sans lorgnette au capitaine qui, justement, avait la vue très basse, et pour lequel elle était un objet de première nécessité. Il entra d'abord dans une violente colère, en apprenant l'accident arrivé à son télescope ; mais comme cela n'aboutissait à rien, il finit par se calmer, et la chose en resta là. Seulement je me promis de la lui remplacer à la première occasion. Je ne pouvais, du reste, pas mieux faire."

Les Lanciers de la Garde participeront à la grande bataille de Cavalerie de Gravelotte du 16 Août - jour marqué par la tragique méprise du 3e Dragons, qui confondra les vestes bleus des Lanciers de la Garde (les Kurtka ayant été remisés au départ en campagne) avec la cavalerie Allemande.

Le régiment rentrera ensuite sous Metz à compter du 26 Août.
C'est là certainement que Lejeune se verra décorer de la Légion d'honneur - en date du 24 Septembre.

Le régiment sera compris dans la Capitulation du 28 Octobre.
Hommes et Officiers partiront donc en captivité en Allemagne.

Pour Lejeune, ce sera donc Münster - d'où la photo est dédicacée en date du 18 Janvier 1871 "à (s)on bon oncle Durand". On y reconnaît son emploi d'Adjudant-Major aux épaulettes, qui sont d'argent, et non d'or comme pour les autres Capitaines.
Baillehache (ibid.) nous apprend que de nombreux officiers furent transférés début Décembre 1870 à Münster, parceque "la surveillance des officiers (y) était plus facile". Il note cependant que :
"les prisonniers internés dans les pays rhénans et dans ceux professant la religion catholique comme la Westphalie ne furent pas trop malheureux et devinrent même l'objet de certains égards de la part de l'autorité militaire et de la population. Par exemple, il n'en fut pas de même pour ceux que la mauvaise chance avait envoyés dans la Prusse proprement dite, et plusieurs de mes camarades y subirent, sinon de mauvais traitements, du moins des vexations et des humiliations presque journalières."

Lejeune ne rentrera de captivité que le 12 Juin 1871.


Ce sont les rangs du 9e Lanciers qu'il rejoindra alors (comme Capitaine), la Garde ayant été abolie et la mise à la suite de l'arme datée du 10 Mars.

L'arme des Lanciers sera bientôt supprimée, et le Régiment redésigné sous le nom de 20e Dragons (15 Août 1871), et envoyé à Provins.

Le Capitaine Lejeune y sera officiellement décoré de la Légion d'Honneur le 29 Avril 1872, par le Colonel Goybet, Commandant le 20e Dragons, "à l'heure de la Parade".

Formalité Républicaine et administrative, qui ne l'empêchera pas de continuer à arborer sa décoration ornée de la Couronne Impériale.
(Il ne sera mis fin à cette pratique, couramment observée sur les portraits d'époque, que vers 1880).

Après un scandale provoqué par les sous-officiers du Régiment célébrant le 15 Août (ex-saint Napoléon) par forces "Vive l'Empereur !", le régiment sera envoyé à Clermont-Ferrand - il y restera un an avant de partir pour Limoges.

Lejeune est promu au grade de Chef d'Escadrons le 27 Mai 1876, et affecté au 11e Hussards.
Il quitte donc Limoges pour sa nouvelle garnison.

Le 11ème Hussards, qui avait été organisé en Algérie fin 1873, avait quitté Orléansville en Mars 1875 pour rejoindre Fontainebleau.

Lejeune prendra courant 1877 les fonctions de Major au Régiment.
On notera que ce n'est pas le cas sur ce portrait, puisqu'il n'arbore pas le galon Or distinctif.

Il sera admis à la pension de retraite par décret du 24 Mars 1880 - il se retire à Melun, toute proche et une de ses anciennes garnisons du temps de la Garde.

Il ne quitte pas complètement le service - dès l'Annuaire 1881, on le retrouve en effet au sein de l'Armée Territoriale, deuxième Chef d'Escadrons de l'Escadron de Chasseurs du 9e Régiment de Cavalerie Territoriale (Tours).

Il décèdera le 24 Janvier 1896.